(Critique publiée à l'origine sur www.theindiecave.wordpress.com)


Pour être honnête, un débat intérieur m’a longtemps retenu de parler de ce… simulateur de feu de cheminée. Arnaque ? Génie ? Un peu des deux, mon Général, me suis-je répondu avec le vain espoir de concilier mes deux hémisphères en conflit.


Voici les deux visions qui s’affrontent :


CONTRE :
Primo, on achète des trucs pour les cramer. On les choisit dans un catalogue (il y en a 7 en tout, qui se débloquent au fur et à mesure), on attend (du vrai temps – de 5 secondes à 3 minutes !) qu’ils soit livrés et on les dispose dans l’âtre.


Deuzio, on crame tout.


Troizio, on récupère son fric (plus les intérêts) et de tickets pour accélérer les livraisons.


Grand D, on recommence ad nauseam jusqu’à avoir acheté – et cramé – tous les articles de tous les catalogues, lu – et cramé – toutes les lettres qu’on nous envoie et qui servent à la narration (de qualité, notez). Et c’est tout.


POUR :
Réduire Little Inferno à ces seules quatre étapes serait injuste. D’abord parce que le moteur utilisé pour gérer les flammes et la physique est plutôt impressionnant : les flammes sont réalistes et leur dispersion logique. Un truc en bois prend feu beaucoup plus vite qu’un article en métal, par exemple. Mais je suis bien conscient qu’un tel argument ne vous convaincra pas de passer à la caisse.


Le truc, c’est que je viens de passer 5 heures à cramer des babioles et des machins et que, par instants, je me suis amusé. Je me suis marré en voyant les animations et en entendant les bruitages d’un chat en flammes, d’une mamie qui se consume ou d’une saucisse explosive. Car chaque élément/combustible potentiel possède des caractéristiques et des effets toujours rigolos et différents, voire inattendus : que se passe-t-il quand on crame un lapin enragé ? La réponse en jouant.


Et surtout, je me suis creusé la tête à trouver toutes les combinaisons d’objets à brûler ensemble, faisant office d’énigmes : une liste de 99 combinaisons a été déterminée par les développeurs et vous n’avez que le nom du combo pour vous aider dans cette tâche assez ardue. C’est une sorte de jeu dans le jeu, qui occupera les moments de creux pendant lesquels vous attendez la livraison de vos articles.


Certains sont évidents – "Lapin de Pâques" se découvre en brûlant le lapin enragé avec des œufs – d’autres beaucoup moins car leur nom est une blague, un jeu de mots ou fait référence à des éléments précis comme les jeux précédents des développeurs… Un ajout salutaire, donc, qui permet au jeu de véritablement occuper le joueur et de le forcer à réfléchir. Ce qui n’est déjà pas mal, vous en conviendrez.


Enfin, je dirai que le titre de Tomorrow Corporation a un discours méta intéressant (à défaut d’être original), pour peu qu’on se "prenne au jeu", littéralement : le monde de Little Inferno est peuplé d’enfants (les joueurs ?) qui restent scotchés toute la journée devant leur feu de cheminée, répétant sans cesse les mêmes gestes (commander-attendre-brûler), obéissant à une entreprise – la Tomorrow Corporation, justement – qui leur dit que le monde se refroidit toujours plus et qu’ils doivent rester bien au chaud devant leur Little Inferno et brûler des trucs.


Ce que les joueurs IRL de Little Inferno font. En suivant les ordres d’un jeu développé par Tomorrow Corporation. Le vertige n’est pas loin mais il est grandement diminué par le gameplay ultra-limité du jeu. Des jeux qui mettent le joueur face à lui-même et son statut de joueur sont déjà passé par là (The Stanley Parable, au hasard) et le font mieux que ce Little Inferno.


Verdict : Le choix vous appartient. Sur ce coup-là, je ne peux rien pour vous, désolé. Le jeu est bien trop clivant pour que je le recommande sans l'ombre d'une hésitation : je me suis amusé mais cela n’engage que moi tellement il s’agît d’une expérience singulière, aisément qualifiable d’arnaque par ses détracteurs. Dernier point : le prix demandé (15€) sur Steam me paraît trop élevé pour le contenu, il vaut mieux attendre que le jeu soit en soldes pour craquer.

octolhu
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le 6 sept. 2013

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octolhu

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