« D'où vous veniez, avant d'être Revenant ? »

Les dernières heures passées sur ce jeu m'ont littéralement happé, et j'en ai passé plus de quatre-vingt.
Et pourtant, malgré toutes les qualités du jeu, je ne peux m'empêcher d'être profondément déçu par la conclusion de l'intrigue principale. Je ne sais pas. Après un prologue prometteur et surprenant, et une fin de second acte aussi palpitante, je devais m'attendre à un twist, à une surprise colossale. Mais j'ai du me résoudre à accueillir amèrement l'épilogue avec un simple « Quoi, c'est tout ? ».


Ce n'est en tout cas pas la qualité de l'écriture elle-même que je remets en question, même si la traduction française, dans l'ensemble correcte, laisse parfois vraiment à désirer. L'univers fantastique imaginé par Obsidian est à la fois original et intéressant, reprenant les canons de la fantasy en y intégrant des tribus largement inspirées des civilisations précolombiennes, et au sein de cet incongru bouillon de dragons, d'arquebuses et de foi ébranlée, se dresse une remarquable réflexion toute en nuances de gris sur le cycle de la vie, sur la réincarnation et le salut de l’âme, en passant par l'éthique de son étude, avec un petit détour du coté du transhumanisme, et du prix de l'immortalité.


C'est très bien ficelé, et bien raconté, mais malgré cela, je n'ai pas été captivé par la trame principale. Sans vouloir trop en dévoiler, disons que notre personnage acquiert à un certain point la capacité de communier avec les morts, et de revivre des souvenirs, scènes disséminées et, au début, incompréhensibles, où l'on nous propose différentes options de dialogue dont on ignore le véritable sens, pour un personnage dont on ignore toute l'histoire, et dans des circonstances totalement inconnues. Déroutant et frustrant, d'autant que les dialogues plus classiques avec les compagnons ne sont pas toujours très clairs (mention spéciale à Durance).


Enfin bref, c'est peut-être simplement une histoire de goûts et de couleurs, mais l'arc principal m'a déçu. C'est vraiment dommage, parce que Pillars of Eternity regorge de bonnes idées, et à tous les niveaux. Les dialogues sont riches en descriptions, parfois accompagnés de quelques efforts de mises en scène (et ce malgré la nature assez limitée du moteur de jeu), avec de nombreuses répliques façonnant le caractère et la réputation personnelle de notre avatar (stoïque, charitable, passionné…) qui viennent compléter le choix de ses origines (son ancien métier, son ethnie…). La bande son est sublime, la direction artistique tient la route et le rendu visuel est détaillé et splendide.


Quant au système de combat, c'est probablement le meilleur de sa catégorie, parfaitement équilibré entre subtilité et dynamisme, entre richesse de stratégie et équilibrage de classes. Les compétences limitées par repos ou par rencontre, la double barre de vie, les feuilles de personnages ou encore gameplay du barde… l'ensemble regorge de bonnes idées, et on sent que les designers n'en sont pas à leur premier essai. Seul le système d'engagement vient noircir le tableau (vous bougez en étant attaqué au corps-à-corps : vous vous mangez un coup instantané et gratuit, mais c'est seulement valable pour votre groupe), épaulé par un pathfinding qui tend parfois à sérieusement déconner, rendant la chose un peu plus injuste qu'elle ne l'est déjà.


Il y a cependant quelques autres points qui, à mon avis, auraient pu être améliorés, à commencer par la forteresse que l'on finit par conquérir, et qui ne sert finalement pas à grand-chose, trop peu intégrée à l'histoire pour être intéressante, et n'offrant pas grand-chose de plus que des combats supplémentaires et sans conséquence et quelques personnages sans âme, alors que cette dernière aurait pu venir enrichir le jeu tout en entier avec une dimension plus stratégique à la Mount & Blade.
Les combats sont omniprésents, ce qui n'est pas très étonnant pour un Porte-Monstre-Trésor à la Baldur's Gate, et même si on a souvent la possibilité de résoudre un conflit par le dialogue (la petite touche Black Isle), ce n'est pas suffisant pour oublier le flot de morts-vivants et d'araignées que l'on est obligés de renvoyer six pieds sous terre. Et pour le coup, ces combats sont exigeants, à la manière d'Icewind Dale, surtout en difficile, où le niveau de micro-gestion exigé est plutôt important, d'autant plus qu'ici, vous ne pourrez pas continuellement vous planquer derrière vos douzaines de squelettes invoqués tout en sachant vos mages à l'abri du danger : les monstres ne se contentent pas de viser la cible la plus proche. Mon seul regret à propos de la difficulté du jeu concerne le combat final, conférant au grosbillisme ses plus belles lettres de noblesse, avec un degré d'injustice, au début du combat, touchant au ridicule.
Malgré tout, le système de jeu est suffisamment ouvert pour me donner envie de relancer une partie, et de tenter deux ou trois trucs sympathiques, comme un voleur solitaire façon Iron Man, ou une équipe complète de rôdeurs équipés de tromblons et accompagnés de familiers. Comme dirait l'autre : toi, tu creuses.


Au final, je me rends compte d'avoir dépeint un portrait assez peu reluisant du jeu, alors qu'au contraire, je l'ai énormément apprécié. Mais qu'importe qu'un jeu soit réussi ou non ; si sa fin ne nous a pas plu, c'est cette frustration que l'on retiendra.


J'espère en tout cas ne pas vous avoir découragé de l'essayer. Plus qu'un hommage, c'est une œuvre originale à part entière, et si vous êtes un amoureux du genre, il y a de fortes chances qu'elle vous plaise.

Makks
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes VOST, J'ai participé à leur financement, Les meilleurs jeux de rôle sur PC, Les meilleures musiques de jeux vidéo et Cher journal...

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le 5 avr. 2015

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Makks

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