Ça partait avec tout ce qu'il fallait cependant pour aboutir à quelque chose de très bon : la direction artistique de Level-5, l'écriture hilarante et captivante de Phoenix Wright... Mais une histoire incroyablement lente met malheureusement les épopées du détective et de l'avocat sur le banc de touche, tandis que des ficelles scénaristiques invraisemblables détruisent le dit banc à coups de crampons... Où alors s'est échoué le duo de protagonistes dans ce qui semblait être un pari gagné d'avance ?

Sûrement pas dans les deux premiers chapitres, très bonnes introductions du côté de chaque personnage, chacun d'entre eux à Londres sans pour autant se rencontrer, qui réussissent habilement à introduire différents éléments tout en laissant place à différents mystères (mythes de sorcières, un procès truqué, une ville inexistante et une jeune femme qui prétend y habiter apparaissant auprès de chacun des deux protagonistes). La tension monte déjà tandis que l'histoire promet gros, c'est donc extatique que l'on achève ces deux chapitres dont la bande-son reprend avec brio les musiques des univers respectifs, avant d'assister au début de la déchéance, Labyrinthia.

Ville mystérieuse tout droit sortie d'un conte moyen-âgeux, terrifiée par des sorcières que les habitants cherchent à occire par le biais de procès, dirigée par un Narrateur dont les écrits s'avèrent être le futur des habitants, et aux personnages plus fades les uns que les autres bien sûr tous passionnés d'énigmes ('Layton Approved'). Et là éclate le problème du jeu, aucun personnage secondaire n'est attachant, et tous sonnent incroyablement simplistes. Ce qui pourrait être rattrapé si les principaux n'avaient pas été aussi maladroitement traités et aussi incompétents dans leurs domaines respectifs.

« Dites-moi, Mr. Layton, comment fais-je une objection ? »

Car en effet, Phoenix Wright n'aura jamais été aussi dépendant de quelqu'un dans sa carrière. Si le premier jeu avait au moins l'excuse d'un avocat dans ses débuts, ici il s'avère incapable de s'adapter sans ses béquilles Layton, ce dernier faisant quasiment un kilomètre dans l'intrigue tandis que son compère fait trois pas. Alors que l'avocat se retrouve rétrogradé au rang de sidekick comique, Layton lui va se payer le luxe de découvrir l'intrigue le tout sans le joueur par le biais d'insupportables ellipses temporelles faisant office de transition entre les deux personnages quand ces derniers ne sont pas côte à côte. Que fait Wright de son côté alors ? Ou il se plaint, ou il cherche des preuves lors des 3 procès du jeu tutoriel non inclus. Interroger des témoins ? C'est d'un intérêt tellement relatif avant un procès ! Examinons plutôt ce parquet...

Les procès d'ailleurs, parlons-en (enfin nous... moi). Les habitués de la série s'y feront vite. On retrouve le principe des contre-interrogatoires, les options à disposition restant faire pression et présenter une preuve. Là où cet opus se différencie, c'est que dans ces procès de sorcières, les témoins sont interrogés en même temps, ces derniers pouvant alors se contredire ou réagir face aux propos de leurs voisins en faisant pression au bon moment. Intéressant sur le papier, le principe pousse malheureusement le joueur à faire pression sur absolument toutes les phrases de chaque procès, le tout avec des personnages unidimensionnels et parfois qui plus est récurrents d'un procès à l'autre, on se lasse forcément bien vite vu que le côté réflexion est parfois trop mis de côté, ou alors vraiment tordu. Autre point gênant, sur lequel les autres opus étaient pourtant plus flexibles sinon logiques, c'est la correspondance entre la phrase en question et la preuve. Vous voyez la contradiction, vous savez quelle est la preuve à montrer, mais vous perdrez toujours en crédibilité (vie) car vous l'avez fait sur la phrase 3 au lieu de la 4, quand bien même les deux sont quasiment identiques, inutilement frustrant.
Le concept des interrogatoires divergents seront aussi le moyen de conclure le procès en désignant une contradiction flagrante entre deux propos, permettant alors d'incriminer la véritable sorcière derrière l'affaire et innocenter votre client.

Pas aussi intensifs que dans la série d'origine, et aux retournements de situation parfois trop tirés par les cheveux, ils souffrent aussi d'une bande-son correcte mais oubliable faisant pâle figure à ses prédécesseurs, ce qui est d'autant plus dommage quand la bande-son des premiers chapitres faisaient des remix parfaits le tout avec un thème de Layton au violon sublime. Le procureur/inquisiteur principal n'a que peu de charisme, et le dernier opposant, si meilleur, reste un sous 'von Karma'.

Mais Layton oblige, les énigmes sont également de la partie. Plus simples qu'à l'accoutumée, elles s'incrustent cependant sans problème dans l'histoire et ne font que très rarement office de 'peine'. Cependant, la courbe de difficulté de celles-ci est invraisemblable, les dernières énigmes se faisant sans effort aucun alors que toutes auparavant demandait un minimum d'effort pour parvenir à les résoudre. Le comble restera l'énigme finale dont la musique épique ne comble pas le ridicule (superposer les symboles identiques...). On notera aussi la tentative de faire une énigme 'à la Wright' aussi forcée qu'inutile (non Wright, on ne fait pas d'objection à une énigme) et l'impossibilité de refaire les énigmes durant certaines parties du jeu étant donné l'absence de menu spécifique pour y accéder depuis l'interface.

Malgré les plaintes incessantes sur les deux facettes du jeu, procès et énigmes, ils restent néanmoins plaisants à jouer, ils sont juste très loin des jeux dont ils sont issus, et peinent en comparaison. Un néophyte y trouvera son plaisir tandis qu'un habitué pourra quand même se distraire dessus. Mais là où le jeu ne tient pas, que ce soit en tant que suite ou individuellement, c'est dans son histoire, et plus précisément le climax final.

« Votre Honneur ! Cette histoire n'a aucun sens! »

Si dans les procès précédents, les événements semblaient cohérents dans l'univers du jeu, les retournements de situation à la fin de l'histoire n'ont tout simplement aucun sens, impliquent des éléments complètement inconnus au joueur lui empêchant toute piste par lui-même (la structure narrative n'aide pas du tout en sautant tout de suite à un autre personnage à la moindre révélation qui serait trop importante, le fait que Layton reste cryptique n'aide pas) et qui surtout impliquent tellement de failles et problèmes par rapport au reste des événements, notamment ceux des premiers chapitres, foutant en l'air toute crédibilité au scénario (notons les tentatives désespérées des personnages pour faire croire que tout ceci est logique).

Et c'est après des éloges mutuelles incessantes, accompagnés des clichés gentleman british de Layton et comic-relief de Wright et une fin sans queue ni tête que le jeu se termine, inutile de dire que c'est avec un goût amer en bouche. C'est d'autant plus dommage que sur le plan technique, le jeu tient bien la route : les modèles 3D sont réussis tout comme les environnements, malgré quelques faiblesses de la direction artistique sur certains personnages, la bande-son peut s'avérer superbe comme décevante, et le doublage français est convaincant (exception faite de Luke, joyeux rappel qu'on peut toujours faire des gosses plus insupportables qu'ils ne le sont déjà) mais tout cela ne rattrape pas une narration lente et insipide malgré deux moments forts qui s'enlisent dans les failles du scénario.
Souv
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ces jeux que tout le monde aime... Excepté moi

Créée

le 20 août 2014

Critique lue 984 fois

9 j'aime

Souv

Écrit par

Critique lue 984 fois

9

D'autres avis sur Professeur Layton vs. Phoenix Wright: Ace Attorney

Professeur Layton vs. Phoenix Wright: Ace Attorney
Souv
5

« Layton, que vous êtes joli, que vous me semblez beau ! »

Ça partait avec tout ce qu'il fallait cependant pour aboutir à quelque chose de très bon : la direction artistique de Level-5, l'écriture hilarante et captivante de Phoenix Wright... Mais une...

Par

le 20 août 2014

9 j'aime

Du même critique

Bravely Default
Souv
4

Nostalgie tombée à l'eau

Bravely Default... La renaissance du JRPG selon la presse spécialisée, la rédemption de Square Enix après ses Final Fantasy, parfois même qualifiée comme le meilleur jeu de l'année !.. Voilà comment...

Par

le 4 avr. 2014

15 j'aime

Danganronpa The Animation
Souv
3

Cas d'école

Le phénomène de l'adaptation n'a malheureusement pas eu que des succès, et le passage de jeu vidéo au grand ou petit écran est loin de faire figure d'exemple dans le domaine. Mais rarement l'une...

Par

le 5 oct. 2014

11 j'aime

Professeur Layton vs. Phoenix Wright: Ace Attorney
Souv
5

« Layton, que vous êtes joli, que vous me semblez beau ! »

Ça partait avec tout ce qu'il fallait cependant pour aboutir à quelque chose de très bon : la direction artistique de Level-5, l'écriture hilarante et captivante de Phoenix Wright... Mais une...

Par

le 20 août 2014

9 j'aime