Rayman est mort, vive Rayman !

Il y a longtemps, très longtemps, dans notre galaxie soit-dit en passant, le studio de jeux vidéo du nom d’Ubisoft faisait encore des bons jeux. Rayman, Prince of Persia, Beyond Good and Evil, Splinter Cell et tant d’autres titres en témoignent sans ambages. Mais depuis l’arrivée de l’essence criminelle, capiteuse et manipulatrice tristement nommée « pognon », ledit studio repris effectua de nombreux licenciements jugés iniques par beaucoup et repris les mécaniques d’une licence pourtant très bien partie pour en faire son fer de lance avant de se le planter misérablement dans le pied en essayant de viser trop haut. Depuis, les jeux se ressemblent et se répètent. Les bonnes sagas reviennent parfois avec le sourire mais jamais en compagnie d’une lumière salvatrice et lénifiante. D’autre fois, elles finissent par sombrer dans le mépris et l’oubli avec une suite, un remake ou un reboot honteux. Cette prophétie a pour but de préserver la dignité du courageux Rayman, héros sans queue mais avec tête. Le voici de retour sur smartphone où il avait déjà réussi à s’imposer malgré une forte impression de déjà-vu. Le voici de retour avec Rayman Adventures. Le voici de retour sur un modèle free-to-play mais aussi pay-to-win.

Rayman fait partie de ses figures vidéoludiques qui, par son humour et sa malice, ont réussi à s’imposer et plaire à un monde qui, d’habitude, méprisent ou rejettent cette plate-forme. Rayman, le petit bonhomme sans bras ni jambes que même Chuck Norris arrive à lui tordre le cou et qui fait rire les petits et les grands. C’est avec Rayman qu’on peut faire découvrir le jeu vidéo à un sceptique ou un profane. Ce dernier rigolera sans aucun doute et sera happé par les couleurs des décors et ses musiques délicieuses. C’est avec Rayman que ledit profane pourrait vouloir, tout seul et sans aide, s’initier à notre bien aimée passion. Seulement voilà, avec Rayman Adventures, il est mal barré. Quand vous jouiez à The Great Escape ou bien Hoodlum Havoc, avez-vous pensé une seule seconde que cette saga pourtant excellente puisse devenir un jour, un modèle de free-to-play ? Moi non plus parce que ça n’existait pas encore tellement, déjà, mais surtout parce que Rayman dans ce style, c’était inimaginable à l’époque. Pourtant, on peut difficilement, avec le recul, nier sa réalisation. Il y a tout pour en faire un pay-to-win. Des niveaux à débloquer, des scores à exploser, des personnages à collectionner… Rayman était finalement destiné à nous faire cracher notre thune.

Première chose qui choque en commençant ce nouvel opus : le gameplay change légèrement mais c’est assez pour nous faire perdre nos repères. On saute en tapant l’écran au lieu de faire glisser son doigt (cette technique est maintenant utiliser pour frapper, autant vous dire que ça nous fait rater notre coup plusieurs fois) et surtout on dispose de petites créatures pour nous accompagner et nous offrir quelques bonus durant le parcours. Ces petites créatures, parlons-en. Il faudra les débloquer, les collectionner mais surtout, et c’est là que ça devient pu-pute, leur filer à bouffer pour les utiliser à nouveau car elles sont toutes à usage unique. À l’aide d’un item très inspiré sobrement baptisé « cuisse de poulet », on peut nourrir nos créatures et donc les utiliser. Jusqu’à en prendre plusieurs avec nous par niveau. Certaines permettent de nous montrer les endroits secrets pour dropper plus de points, d’autres nous préservent des attaques des méchants à l’instar d’un vieux masque qui aidait dans le temps un certain Bandicoot, et d’autres encore nous offre la possibilité d’attirer les lums (dont le nombre amassé va déterminer notre score) pour se faire un carton d’enfer. Mais attention, si vous prenez une créature, vous aurez un bonus de quelques points. Si vous en prenez deux, deux bonus et si vous en avez trois, trois bonus. C’est cool, non ? Un niveau où ils vous manquent quelques points pour dépasser la médaille d’or ? Pas de soucis, prenez trois créatures avec vous et vous allez dropper 40 lums en plus. Rappelez-vous des cuisses de poulet sus-ci nommé comme dirait l’autre. Comment en avoir, à votre avis ? Eh oui, en payant. En payant assez cher, d’ailleurs. Pour vous faire une idée, le pack de départ qui vous offre une tenue exclusive ainsi que quelques bonus dans ce style coûte un peu plus de cinq euros. Je vous laisse vous rendre compte. Autre soucis notable, la barre des scores a changé. Pour avoir un carton plein et donc « remplir le niveau », il ne suffira plus de récupérer tous les lums comme dans les précédant Rayman sur smartphone mais bel et bien de passer simplement un certain level parfois trop facile. Je vous rappelle qu’on peut en grappiller encore en payant les cuisses de poulet pour embarquer le maximum de familiers possible. Ainsi, on peut obtenir une médaille d’or en ratant presque la moitié des lums dispersés sur notre chemin. Le sentiment de perfection, d’accomplissement autrefois bien présent s’estompe directement avec ce nouveau système. Bien dommage. Il est inutile de préciser que l’utilisation abusive bien que tentante de ces fameux familiers rend l’aventure bien trop facile.

Pour le reste, Rayman Adventures ne surprend pas, en bien comme en mal. Les graphismes n’ont pas évolué (que ce soit des mondes ou des personnages) depuis Origins ce qui signifie qu’ils sont très jolis mais on retrouve, du coup et malheureusement, des univers déjà bien trop vu. Même les costumes, sympathiques au demeurant, à débloquer sont les mêmes que dans les précédents volets, seules quelques rares exceptions sont inédits. D’un côté, il est plaisant de retrouver de beaux décors et protagonistes, d’un autre côté, on aurait souhaité largement plus de diversité. On parcourt donc les mondes que nous connaissons déjà pour obtenir à la fin un œuf de créature dont l’éclosion dépendra soit de vos bonus (fraichement payés avec votre compte en banque) soit d’un laps de temps de plus en plus grand. Il est vrai qu’il demeure amusant de partager nos scores avec un(e) ami(e) qui habite à l’autre bout du globe pour faire le kéké mais cela devient vite lassant et inutile dès qu’on comprend qu’il suffit de débourser quelques euros (« quelques » pour rester aimable) pour gagner un énorme avantage. Que faut-il donc retenir de tout ceci ? Le traitement est en dents de scie. L’enveloppe du bonbon n’est pas bien reluisante, le chocolat est bon mais il y a la dégueulasse liqueur au fond qui coule sur notre menton. En plus, on nous donne un sachet gratuit mais pour toute la boite, il faudra payer le double des anciens paquets. Il est bon ce chocolat pourtant, mince !

En définitive, le constat est sans appel : on se fout de notre gueule. Ubisoft repompe sans vergogne tout ce qui avait fait le charme de Jungle Run, Fiesta Run, Legend puis Origins au point qu’on en fait presque une overdose (même si, dieu, que c’est bon !) pour finir par nous imposer un modèle free-to-play et compétitif assez désagréable comme il a déjà été spécifié de nombreuses fois dans ce texte. Qu’est-ce qu’on conseille, nous, humbles fans que nous sommes ? Eh bien de lâcher votre téléphone, d’allumer votre PC et de lancer Rayman 3. Si vous avez le cœur et le courage, rebrancher la PS1 pour le premier opus encore magnifique à l’heure actuelle ou bien sa suite, tout autant excellente. Il va me manquer ce Rayman, je l’aimais si fort. Rayman est mort, vive Rayman.