Shin Megami Tensei: Lucifer's Call
8.2
Shin Megami Tensei: Lucifer's Call

Jeu de Atlus, Atlus R&D1 et Ghostlight (2004PlayStation 2)

Il y a des jeux qui marquent par leur ambiance et Lucifer’s Call, ou Nocturne comme je vais préférer l’appeler dans cette critique, est de ces jeux. Mais ce serait être réducteur de dire qu’il n’est qu’un jeu d’ambiance


Le premier mot que je vais utiliser pour qualifier Nocturne est « Austère ». C’est la première chose qui m’a frappé, le premier ressenti qui s’est vite imposé à moi, SMT III est un jeu austère. Il n’a rien de vraiment accueillant pour le joueur et ne s’embarrasse pas de l’inutile, il préfère aller droit au but. Cette philosophie se retrouve tout autant dans les mécaniques de jeu que le scénario à dire vrai. La mise en scène est sobre sans manquer de classe ou d’effets. Ce n’est pas qu’il est hermétique, comme peut l’être un Dark Souls par exemple. Non, Nocturne est simplement droit dans ses bottes, il ne va pas cacher ses mécaniques au joueur, il va lui expliquer simplement comment fonctionne globalement le jeu, mais le laissera vite se débrouiller seul. J’ai aimé cette austérité. C'est aussi pourquoi je préfère l'appeller Nocturne plutôt que Lucifer's Call, le titre Américain colle mieux à l'austérité du tire.


Le jeu débute en nous faisant assister, quelques vingt minutes après avoir nommé notre héros, à la fin du monde, rien que ça. Notre héros y survit, mais gagne par l’intervention du destin des pouvoirs démoniaques, faisant de lui le demi-démon, ou Hitoshura comme l’appellent nos amis japonais. Après avoir croisé le fer avec quelques démons, on apprend par bribes successives que nous nous trouvons dans un monde en stase, qui prépare la création d’un monde nouveau. À partir de là, le but est clair : s’armer d’un idéal, d’une raison, pour façonner la création de ce futur univers. Autant le dire tout de suite : il ne faut pas s’attendre à quelque chose de complexe dans les événements qui suivront. Le scénario est au second plan dans Nocturne, qui favorise de façon très claire le gameplay et l’ambiance.


Ce n’est pas un problème puisque Nocturne se pare du système de Press Turn pour livrer ses combats. Je vais faire simple : le système de Press Turn est l’un des meilleures système de tour par tout jamais créé, si ce n’est le meilleur. Il n’est pas rare dans un JRPG au tour par tour de ne pas avoir besoin d’utiliser un peu plus que les attaques basiques et les sorts de soins. Ce n’est pas le cas des Megatens et surtout pas de Nocturne. Utiliser toutes les possibilités stratégiques du système de combat est essentiel pour survivre, car SMT III n’est pas un jeu facile. Le taux de rencontre est soutenu – sans être abusé, merci Atlus – et les ennemis peuvent nous envoyer ad patres en un seul tour si la malchance est de notre côté. Mais la réciproque est cependant tout aussi vraie. Utiliser les faiblesses élémentaires est la base des combats, là où l’utilisation des buffs et des débuffs est la clé de la victoire contre les nombreux et éprouvants boss du jeu. Oui, parfois on souffre un peu et on peste lorsqu’un sort de mort subite tue notre personnage en un coup, nous obligeant à redémarrer au dernier point de sauvegarde. Mais le plaisir de jeu est là, le système de combat est un bijou, peut être un peu brut, mais jouissif à souhait et battre un boss apporte une réelle satisfaction.


Concernant l’ambiance, c’est ce qui fait le sel de Nocturne. La direction artistique est excellente avec des designs très inspirés, que ce soit pour les personnages, démons, ou bien simplement pour les décors. Il y a eu une véritable recherche, qui donne une véritable identité visuelle au jeu, qui possède également cette touche austère. C’est sublimé par une bande son de qualité, qui sait accompagner nos pérégrinations apocalyptique avec justesse dans des morceaux d’ambiance et d’exploration dans la majeure partie très juste. Puis, lors des combats, on laisse place à des morceaux allant du funky agréable à la sauvagerie latente. Certes, tout n'est pas excellent, mais dans l'ensemble, on penche clairement vers le bon.


Mais est-ce pour autant qu’il n’y a rien à tirer de l’histoire de SMT III ? Non, évidemment. Si la trame en elle-même n’est guère difficile à suivre, assez simple même, c’est pour mieux laisser parler son sous-texte. Ce n’est pas un hasard si le jeu va droit au but et ne s’encombre pas de circonvolutions inutiles, préférant laisser le joueur seul avec lui-même. Le scénario tout autant que la direction artistique n’a qu’un seul but : faire réfléchir le joueur. L’austérité devient donc un moyen à amener le joueur à intégrer les quelques premières notions qui régissent le monde et les raisons qui l’habitent, pour qu’il s’en imprègne. Et autant le dire, le lore est passionnant. Plus encore avec le labyrinthe d’Amala et tout ce qu’il implique – c’est par ailleurs un excellent donjon optionnel, notons-le. Nous avons le choix, un véritable choix qui façonne totalement la manière de voir l’univers, et bien évidemment l’issue de notre aventure. Le jeu manie les concepts religieux, sociaux et philosophiques avec justesse, sans mettre le nez du joueur dedans à temps plein pour essayer de paraître intelligent. Non, ici, c’est au joueur de faire le travail s’il le souhaite, sans qu’on ne le force.


Alors certes, malheureusement ce n’est pas le plus beau jeu du monde. Il n’est pas ingrat, les modèles 3D des personnages sont propres, de même que les environnements, mais il n’a rien d’impressionnant et est très vide. Certes il n’est pas accessible à tous à cause de sa relative difficulté et son austérité. C’est un jeu intimidant, qui m’a longtemps impressionné je l’avoue. Les premiers contacts peuvent être difficiles. Pire, ses mécaniques sont parfois assez brutes, brutales même, ce qui est autant une force qu’une faiblesse. Il faut accepter enfin de passer du temps à combattre juste pour rester à niveau. Pourtant, malgré tout cela, il est de ces jeux qui ne vous lâchent pas une fois qu’il a mis la main sur vous.


Nocturne mérite sa réputation. C’est un jeu d’une totale maîtrise, cohérent de bout en bout avec lui-même, qui ne fait pas de compromis, il est entier. Mais cela implique évidemment qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains. Dans les faits, j’ai vraiment adoré le temps que j’ai passé dessus, malgré les quelques frustrations qu’il a pu me faire connaître. C’est un jeu qui m’a fasciné pour son sous texte, qui m’a donné envie de me renseigner plus sur les concepts qu’il maniait. Il m’a également immergé pleinement dans son ambiance. Malgré tout, je ne peux l’élever plus haut, car son aspect brut, lié en partie à son âge, m’a parfois trop dérangé pour que je puise pleinement prendre mon pied dessus. Je l’avoue, je ne suis pas le plus grand fan du level up pour le level up qui existe au monde – loin de là en fait – et même si Nocturne s’en sort bien, j’ai tout de même parfois eu de la lassitude. Je ne peux cependant lui enlever son rang, celui d’un grand jeu.

Nivarea
9
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Créée

le 21 mai 2016

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6 j'aime

Nivarea

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