Shin Megami Tensei: Persona 3
8.2
Shin Megami Tensei: Persona 3

Jeu de Atlus et Koei (2006PlayStation 2)

Shin Megami Tensei a beau être une saga peu jouée en France, elle dispose d’une petite fan-base qui la porte tellement aux nues qu’elle a fini par me sembler incontournable. Quant à savoir par quel jeu commencé j’ai eu bien des échos différents et finalement c’est par ce Persona 3, dans sa version FES qui a droit à sa critique dédiée vis-à-vis de ces ajouts et spécificités, que j’ai décidé de découvrir la saga avec beaucoup d’attentes et de curiosité.


La critique étant longue, je vous propose d’écouter pendant la lecture l’incroyable thème du jeu que l’on entend à maintes reprises sans jamais s’en lasser : https://www.youtube.com/watch?v=xZqZT9jXHLg



GAMEPLAY / CONCEPT : 8 / 10



Le jeu se scinde véritablement en deux parties d’importance à peu près égales : une simulation de vie de lycéen avec beaucoup de dialogues et de l’exploration de donjon avec du combat au tour par tour. Bien que l’on puisse faire plein de choses pendant les phases de « vis ma vie de lycéen japonais, » en fait c’est notre personnage qui va les faire tout seul, parfois hors-champ ou pendant un cut, ce n’est pas l’occasion de retrouver plein de mini-jeux différents et ça ne me dérange absolument pas, c’est un JRPG qu’on m’a vendu et pas autre chose donc je ne le reproche en rien.


Le plus important c’est qu’il y ait un intérêt à ces activités, et c’est le cas car vivre sa vie de lycéen c’est l’occasion d’augmenter ses compétences utiles par la suite ou de déclencher de nouveaux dialogues souvent bien écrits et intéressants bien que purement facultatifs. Il est compliqué de trouver un juste équilibre entre développer ses liens sociaux, ses compétences et son expérience de combat (qui peut se substituer aux autres activités) mais c'est la rançon de la richesse du gameplay, j’aurais juste préféré une ergonomie légèrement meilleure avec une jauge de fatigue plus claire et plus de détails quant à l’augmentation d’une statistique, 2 points d’intelligence en plus ou 4, le jeu ne vous l’indiquera d’aucune manière.


Le système de combat est très riche avec différentes sortes d’attaques physiques et élémentaires, des changements de statistiques et d’état, un degré de résistance ou de vulnérabilité à tout ça qui doit impérativement être pris en compte sinon ça revient à spammer éclair avec Pikachu sur Onix en se demandant pourquoi ça passe pas, pour faire une comparaison qui parlera à beaucoup je pense. Le jeu ne manque pas de nous le rappeler avec une petite claque tous les 2 boss je dirais (et il y en a plein) qui demandent souvent une stratégie bien particulière pas toujours évidente à trouver.


D’ailleurs j’ai trouvé ce challenge assez costaud en étant en difficulté dite normale, donc il y a moyen que ce soit plus accessible ou plus hardcore au besoin si vous jouez à la version FES, pour un premier run je recommanderai le mode normal qui force à bien comprendre et exploiter les mécaniques sans être excessivement sévère. Le combat manque peut-être un peu de dynamisme et de technicité vu qu’on ne contrôle que peu les actions de nos 3 alliés pendant lesquels on est plus spectateur qu’acteur mais ça reste acceptable, c’est un peu plus problématique dans un combat difficile où l’IA ne fera pas exactement ce qu’on a en tête mais là aussi ça reste acceptable.


La fusion des personas, des êtres magiques que l’on peut invoquer en combat pour faire appel à des capacités diverses et variées, permet un système de progression très complet et très libre compensant la simple et linéaire amélioration de statistiques d’un niveau à un autre. Composer son équipe en variant leurs résistances et leurs capacités pour faite face à un peu près toutes les situations est un jeu d’équilibriste permanent car le jeu est calibré pour que l’on change régulièrement de persona en progressant et c’est cela qui pour moi fait l’aspect addictif de cette partie-là du jeu. Surtout qu’il y a les personas qui se débloquent après un combat et ceux qui se fusionnent et là c’est tout système riche et complexe qui s’offre à nous.


Malheureusement, une grande partie des donjons arbore un level-design un peu naze à cause d’une génération procédurale vraiment pas terrible : on peut aussi bien parcourir un couloir avec 3 monstres pour arriver à une impasse ou ramasser un trésor rare sur le sol dans une salle non gardée. Ce n’est pas génial et c’est certainement pas ça qui trompe la répétitivité des combats en ce qui me concerne, il y avait mieux à faire je pense même si c’est un petit défaut dont je me suis vite accommodé pour être honnête. En somme, richesse et challenge constituent un gameplay que j’ai trouvé de très bonne facture en dehors de quelques légers problèmes d’ergonomie ou de level-design, rien de bien méchant.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10



Bien que sorti très tard dans la durée de vie de la Playstation 2, en particulier en Europe qui comme d’habitude est à la traîne de plus d’un an, ce qui est autrement plus problématique d’un point de vue strictement commercial, Shin Megami Tensei Persona 3 est loin d’être l’un des jeux les plus aboutis techniquement de la console. Ça n’en fait pas l’un des moins bien réalisés pour autant, c’est juste que l’aspect technique n’est pas le point fort du jeu quant on regarde les autres sorties majeures de la console déjà disponibles (MGS 3, Shadow of the Colossus…). Une fois que c’est assimilé, honnêtement, j’ai trouvé que c’était assez joli comme ça.


Les effets de lumière sont par exemple très réussis, les rayons du soleil à l’entrée de l’école ou sur le toit offrent de jolies images de par cet effet. Il y a un certain soin du détail dans les animations, par exemple notre personnage aura deux animations différentes quand il court selon s’il a ou non les mains dans les poches, c’est con, ça sert à rien mais j’aime bien ces petits détails. C’est pas sublime mais ça tourne bien et c’est très loin d’être moche ou bâclé, le problème technique que je soulèverai c’est plutôt tous ces petits temps de chargement en ville.


Il y a plein de zones, pourtant pas très grandes, scindées par des petits temps de chargement qui brisent un peu l’immersion, autant les différentes zones dans la ville par exemple sont séparées par une certaine distance géographique donc c’est logique mais au sein de ces zones en elles-même j’aurais préféré qu’il n’y ait aucune coupure, je pense que la console le permettait largement. Il y a également ce que j’appellerai quelques déchets visuels ici et là mais rien d’horrible non plus. Et si techniquement c’est correct bien que perfectible, l’esthétisme comprend pas mal de points que j’ai bien apprécié pour contre balancer.


Le character-design est super classe, la plupart des personnages ont un style propre à eux et réussi, modèle 3D ou portrait en 2D, il n’y a que dans les rares, et souvent courtes, cinématiques animées que j’apprécie moyennement comment ça rend mais sinon les personnages, qui sont pourtant nombreux, pètent vraiment la classe. L’interface est également assez travaillée avec plein de petits effets et de transition dans les menus, ce qui n’est pas insignifiant quand on passe beaucoup de temps là-dedans.


Pour les donjons, c’est psychédélique à s’en tirer une balle, j’adore ce parallèle entre le monde réel où tout est clean, ordonné, réaliste et la Dark Hour où tout est sombre, sanglant, déjanté en prenant soin de reprendre certains environnements pour en proposer les deux versions. Il y a malheureusement un léger manque de variété pour les blocks (les thématiques environnementales du donjon principal) dans lesquels on reste assez longtemps. Par contre, lorsqu’on explore les donjons, les ennemis peuvent être vus à l’avance dans l’environnement, ils ont certes tous la même forme mais les développeurs ont fait l’effort de les modéliser en dehors des combats plutôt que de les faire apparaître aléatoirement et de façon plutôt habile car si c’est la même forme, ce n’est pas la même taille ni la même couleur et ce n’est pas pour rien.


Si l’année de sortie du jeu et son support aurait pu justifier une réalisation un peu plus impressionnante et si l’esthétisme aurait pu se passer de ses quelques petites fausses notes, Persona 3 reste convaincant sur son visuel qui pour moi est le point sur lequel le jeu brille le moins mais suffisamment pour que ça n’en fasse pas un véritable défaut, c’est juste du bon travail et pas de l’excellent travail.



SCENARIO / NARRATION : 9 / 10



Comment mentionné dans la session gameplay, les phases de « vis ma vie de lycéen » amène beaucoup de dialogues facultatifs, de liens sociaux qui sont pour moi la force numéro 1 du jeu, il y a une vingtaine de personnages avec une dizaine de dialogues chacun pour apprendre à les connaître et j’ai trouvé ça ultra intéressant. Les personnalités sont variées, les histoires personnelles réservent leurs surprises, les thématiques abordées sont intelligentes, l’humour comme la mélancolie peuvent survenir très efficacement… et la cerise sur le gâteau c’est qu’ils sont tous rattachés à un type de persona de façon logique et ça créé un lien avec le gameplay très appréciable.


Contrairement à beaucoup de jeux qui mettent leurs scènes fortes assez vite pour capter l’attention du joueur, Persona 3 prend tout son temps pour installer son univers et ses personnages avant que des moments forts n’apparaissent. Il m’a fallu par exemple 30 heures de jeu avant de trouver un passage de la trame principale véhiculant une émotion forte et intense, un passage plutôt mélancolique en l’occurrence, non pas que le jeu était vide de scénario avant, juste il s’est gardé de donner dans le sensationnel jusque là. Un jeu qui prend son temps pour amener ses grands moments, ça ne me dérange absolument pas.


Il faut bien comprendre qu’il m’a fallu près de 80 heures pour finir le scénario principal très généreux, je ne parle même pas de finir le jeu à 100 % avec tous les personas enregistrés ou du scénario annexe The Answer de la version FES. Bien évidemment, un scénario super bien rythmé sur une telle durée c’est un terrible défi, relevé ici en mettant le paquet sur la seconde partie plutôt que la première qui pose l’univers assez particulier et les très nombreux personnages, un choix bien plus cohérent et intéressant que son contraire plus facile et attrayant mais allant decrescendo.


Alors bien sûr ce rythme combiné aux jours qui se succèdent de la même façon peuvent déplaire, je le conçois tout à fait mais personnellement l’écriture est d’une telle qualité que je n’y ai pas vu un défaut, plutôt un parti pris ambitieux que j’ai grandement apprécié. Et puis le rythme est une chose, le fond du scénario en est une autre, là des sujets assez matures sont abordés, du sens de la vie à la peur de la mort sous différents angles sans jamais aller trop loin dans une philosophie soporifique, c’est ce que j’entends par la titre Le sens de la vie, vous avez 80 heures, oui le rythme est un peu laborieux, surtout au début mais c’est pour apporter un vrai fond.


Il y a tout de même certaines maladresses, les personnages, y compris notre avatar, découvrent après 20 heures de jeu que les phases de la lune influent sur les Shadows sauf que ça on le sait explicitement depuis le début avec les phases de la lune dans l’interface pour nous dire combien de temps il nous reste... Il y a un narrateur qui nous explique souvent quelque chose d’évident, un personnage va dire tout haut qu’il ne sent pas bien, le narrateur va dire juste après que ce personnage ne semble pas allez bien, ce qui donne un peu le sentiment d’être pris pour un manche, un petit écueil un peu stupide. Mais en dehors de ce genre de pinaillage j’ai adoré le scénario de Persona 3 que je pense être le domaine le plus intéressant du jeu.



CONCLUSION : 8 / 10



Shin Megami Tensei Persona 3 fut une très belle découverte, le jeu en lui-même et la saga par extension, je vais clairement me faire d’autres Persona et Shin Megami Tensei au sens plus large par la suite, une réalisation plus impressionnante et un gameplay légèrement amélioré ici et là sont ce qu’il manque au jeu pour briller mais la profondeur de son scénario mature et généreux en combinaison avec ces personnages nombreux et attachants me laisse vraiment sur le sentiment d’avoir fait un grand jeu. Je le recommanderais davantage dans sa version FES mais je vous renvoie à la critique associée pour savoir pourquoi : https://www.senscritique.com/jeuvideo/Shin_Megami_Tensei_Persona_3_FES/critique/77199935.

damon8671
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le 19 mai 2017

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damon8671

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