Un nouveau souffle pour une aventure généreuse et authentique, mais sans la technique

Sans être un très grand fan de la cultissime saga The Legend of Zelda, Breath of the Wild m’a de plus en plus intéressé au fil des mois précédant sa sortie à force de ses promesses d’une exploration perpétuelle d’un monde aussi immense que magnifique, de mécaniques de jeu originales et intelligentes… Et puis c’est le chant du cygne de la Wii U, cette console à qui l’on aura volé jusqu’à son Zelda exclusif puisque repoussé encore et encore pour finir également sur Switch, Wii U que Nintendo a abandonné en ne développant rien dessus pendant un an avec pour seule promesse ce Zelda ! Après autant de développement et de promesses, mes attentes le concernant étaient assez grandes, voyons s’il a su toutes les combler. La critique étant longue, je vous propose d’écouter cette reprise du thème Hyrule Castle pendant la lecture.



GAMEPLAY / CONTENU : 10 / 10



Le système de combat, à l’image du game-design global qui était réputé de plus en plus vieillissant, a bien changé par rapport aux autres épisodes de la saga, témoignant de la volonté d’insuffler un nouveau souffle pour relancer la série. C’est un peu plus technique et on peut vite crever si on joue comme un manche à balai là où les jeux précédents pouvaient être plus permissifs dans leurs combats, mais c’est une difficulté à relativiser : les armes se manient bien différemment mais sans donner trop de coups différents possibles, le combo esquive contre-attaque est bien utile mais pas du tout essentiel à maîtriser sur le bout des doigts sauf pour quelques rares boss…


Le seul petit écueil du maniement c’est la touche de saut mal placée par rapport à la touche de sprint qu’importe la configuration de commandes retenue, une petite erreur un peu grossière mais pas très gênante. Sinon, j’ai beaucoup aimé cette nouvelle orientation pour les combats, certes j’ai déjà vu au moins aussi technique et complet ailleurs à la même époque, mais j’ai beaucoup aimé d’autant que ça se mêle à un moteur physique très poussé au point de renvoyer sa concurrence à l’âge de pierre sur la question. On a une liberté phénoménale impulsée par ce moteur physique avec lequel on peut interagir de bien des manières pour réaliser bien des choses (combattre, explorer, s’amuser…) et pour le coup c’est une bouffée d’air frais absolue et très audacieuse pour cette saga qui a toujours très prédéterminé ses manières de jouer.


Les armes qui se cassent par contre je ne trouve pas que c’est un problème une seconde comme ça a pu souvent être relevé. Ça renforce l’aspect addictif des combats puisqu’on a besoin des armes des ennemis tués régulièrement et ça nous force à changer régulièrement de maniement, j’ai pas ressenti le manque d’attachement à nos armes que certains peuvent décrire. J’ai un peu ressenti le mode difficile manquant vers la fin où je n’étais plus trop motivé à glaner des améliorations tellement j’avais le sentiment de rouler sur le jeu sans toutes les améliorations de débloquées, c’était clairement pour mieux vendre le premier DLC et son mode Expert, mais d’un autre côté la difficulté peut se générer par nos soins en se posant des contraintes notamment d’équipement.


Proposer le monde ouvert du premier Zelda, qui était tout de même immense, en 3D, ça n’a jamais été réellement fait, en dehors peut-être de Wind Waker qui s’y est un peu essayé, or c’était la promesse de cet épisode et ça c’est une grande réussite ! Hyrule est aussi vaste en étendue que riche en activités intéressantes à y faire. Parce qu’un monde vaste mais vide ou avec les mêmes choses, c’est plus un gâchis qu’une réussite et sur ce point-là : Breath of the Wild est presque une nouvelle référence tant j’étais atteint en y jouant du syndrome : je fais encore encore un truc et puis j’arrête, puis encore un dernier, et un autre… l’exploration en devient addictive et réelle de par une carte et un indicateur d’objectif utiles sans jamais trop assister, contrairement à beaucoup d’autres mondes ouverts des années précédentes.


Une autre grande réussite du gameplay c’est le nombre de petites mécaniques logiques et intelligentes à découvrir par soi-même tout en étant suggérées avec subtilité par le jeu. Les sanctuaires sont le parfait exemple, ces petites énigmes dissimilées aux quatre coins de la map, demandent à réfléchir sur comment utiliser nos capacités et plus d’une fois j’ai compris un truc qui m’a été utile plus tard en dehors de la résolution de l’énigme. C’est un peu un tutoriel permanent, très bien foutu car c’est rare que le jeu nous fasse comprendre quelque-chose en nous le disant texto, un tuto que j’ai pris plaisir à suivre pendant des dizaines d’heures, ce qui est une vraie performance.


Les énigmes sont d’autant plus sympas à résoudre car le moteur de jeu prend en compte beaucoup d’éléments environnants tels que le feu, l’eau, la foudre, le vent, la température… de façon très logique et très poussée pour une belle variété de casse-tête rarement illogiques et avec une difficulté assez progressive malgré le monde ouvert. Vu la part conséquente prise par la réflexion dans l’expérience de jeu c’est vraiment pas anodin. Le seul truc que je trouve un peu foiré c’est la gestion du vent avec l’éventail pour les radeaux, plate-forme volantes… que j’ai trouvé un peu approximative mais c’est très anecdotique tant c’est un ressenti personnel sur une mécanique de jeu peu présente dans l’expérience globale.


Les donjons sont des chefs d’œuvre de level-design, j’adore le concept commun à chacun d’eux qui est le changement de gravité que je trouve super ingénieux, ce n’est pas inédit dans la saga mais chaque donjon a sa spécificité sur la question mêlée à tout ce que j’ai déjà pu nommer pour les sanctuaires, parmi les meilleures donjons de la saga à n’en pas douter et je préfère largement peu de donjons tous mémorables et magnifiques, qu’un grand nombre pour en oublier la moitié. Un gameplay riche en mécaniques intelligentes pour un contenu massif et une progression addictive, le tout dans un game-design audacieux donnant un nouveau souffle à sa saga c’est quasiment le perfect mais je ne résume pas un jeu de ce genre à ça pour l’évaluer, et là on va rentrer dans les reproches.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 6 / 10



5 ans de développement, pas foutu de tenir un 30 FPS constant malgré un alliasing très prononcé, des effets météo d’un autre temps et une distance d'affichage nette pas bien élevée, voilà ce que je me suis dit très tôt dans l’aventure, un sentiment renforcé par une première zone de jeu vraiment pas folichonne à ce sujet. Ça a été un peu mieux par la suite avec quand même un framerate relativement stable la plupart du temps en réalité (faut éviter les villages et les explosions) et des défauts visuels auxquels je me suis plus ou moins habitué (ça ne veut pas dire que je ne les remarquais plus), mais tout de même, le contexte de sortie exigeait bien mieux à mon goût.


La version Wii U devrait être correctement optimisée, peut-être upgradée sur Switch avec du 60 FPS au lieu du 30 et une légère hausse graphique, ça aurait été normal, c’est ce à quoi je m’attendais, la Switch est plus puissante donc c’est logique que sa version soit supérieure. Mais là c'est une version Wii U qu'ils ont lâché, peut-être même downgradé eux-même, pour mieux vendre la Switch et ça a un peu plus de mal à passer d’autant que même la Switch n’est pas sans accroc technique avec un 30 FPS pas systématiquement tenu, ce qui est quand même hallucinant quand on pense que c’est le seul foutu jeu que Nintendo fournit en un peu plus d’un an !


Fort heureusement, la direction artistique a été bien plus soigné que la réalisation technique. Je pense que je m’en suis rendu compte véritablement à mon arrivée au domaine Zora, ce long fleuve jonchée de plantes magnifiques aux couleurs éclatantes, la somptueuse statue de Mipha pour nous accueillir, la découverte progressive de la cité dont l’architecture m’a laissé statique pour l’admirer… et c’est loin d’être le seul environnement à m’en avoir donné l’expérience. Avec ce décalage entre la réalisation et l’esthétisme le jeu en devient magnifiquement moche ou hideusement beau je ne sais pas comment décrire.


D’ailleurs, c’est quand le jeu est plongé dans le noir qu’il est le plus joli, non sans déconner, il y a un court passage dans lequel on est plongé dans le noir le plus total avec quelques couleurs éclatantes ici et là et je vous assure que c’est là que j’ai trouvé le jeu le plus joli. C’est vraiment dommage qu’il y ait eu des développeurs motivés qui ont tout fait pour rendre le jeu joli esthétiquement et d’autres qui ont n’ont pas su exploiter le potentiel d’une console qu’ils connaissent depuis 5 ans pour ce qui concerne la Wii U et qui a déjà montré son potentiel technique (Bayonetta 2, Mario Kart 8…), pas en open-world je le reconnais mais au point de ne pas tenir le 30 FPS malgré un style visuel aussi épuré je ne suis pas d’accord.


Il y a assez peu de cinématiques pour une mise en scène en temps réel la plupart du temps qui là pour le coup se justifie pleinement, là où des jeux te montreraient leur superbe dragon en cinématique avant de pouvoir l’affronter en temps réel, bah là on se ballade gentiment sans s’attendre à quoi que ce soit de particulier, on se met à regarder en haut et là un dragon passe par là, mille fois plus impressionnant et immersif que n’importe quelle cinématique ! La mise en scène est plus classique pour la trame principale mais pas plus que ça, mes plus grands moments je les ai surtout vécu en temps réel en ce qui me concerne.


Le chara-design est assez épuré, à l’image du style visuel général, avec peu de détails mais ça passe bien, un Zelda n’a pas besoin d’être réaliste sur ces aspects et en l’occurrence on reconnaît bien les persos dont certains d’entre eux arrivent à péter la classe de toute façon. Le bestiaire est très riche et fidèle à la saga, le design des boss est assez particulier avec cette hybridation machine antique parasitée mais pourquoi pas ? Les animations sont très nombreuses, pas forcément hyper détaillés mais il y a eu un soucis du détail pour que Link ait une animation de circonstance quand il fait froid, quand il est crevé, quand il se fait mal au pied… donc la réalisation n’a pas été totalement bâclé, elle est juste passée à côté de l’essentiel. Ça reste jouable et regardable mais pour un jeu de 2017 de cette ambition je trouve tout ça un peu trop perfectible, surtout face à un Horizon Zero Dawn sorti quelques jours plutôt chez Sony.


Un dernier mot sur les musiques qui, si elles accompagnent très bien les moments forts du scénario, se font très discrètes la plupart du temps, sans doute pour plus d’immersion dans cette nature sauvage. Ça m’a étonné de la voir si longue tellement on réentend très souvent les mêmes thèmes en jeu mais c’est vrai qu’elle est grande quand on considère que des thèmes ont plusieurs variantes selon s’il fait jour ou nuit par exemple. Si quelques remix m’ont été sympathiques, ce n’est pas une OST mémorable à mon sens pour la saga. Abordons désormais la partie qui intéresse en général le moins quand on parle de Zelda mais j’ai des choses à en dire et qui pourront permettre de se quitter sur une note plus positive.



SCENARIO / NARRATION : 7 / 10



S’il y a un point qui est souvent soulevé par les quelques détracteurs de la saga, c’est le scénario qui est un peu toujours le même, là c’est le cas mais c’est très bien assumé. On retrouve un aspect cyclique dans le scénario qui se répète sur des siècles, Link est un héros, Zelda une princesse, Ganon un méchant, on ne sort pas de ce schéma avec ce jeu mais il l’assume très intelligemment. La relation entre Link et Zelda est un bon exemple, elle souffre de devoir se reposer sur Link et de ne pas pouvoir sauver son peuple toute seule comme une grande, de là à la considérer comme un personnage féminin exceptionnellement fort faut pas déconner non plus, mais c’est quand même pas mal.


Autrement, c’est une ambiance très bon enfant qui se dégage du jeu avec pas mal d’humour burlesque, c’est pas toujours efficace mais la plupart du temps ça passe bien, avec une bonne partie d’auto-dérision sur des trolls qui me venait facilement. Un exemple fictif que je peux donner mais qui aurait pu tout à fait se trouver, c’est le PNJ qui répète une info importante, je me dis qu’il radote et c’est la ligne de dialogue qui suit où y reconnaît qu’il radote parce qu’il se fait vieux, vous voyez un peu le genre. Surtout, l’humour ne désamorce jamais une scène sérieuse qui cherche à donner un peu dans l’épique ou le mélancolique, donc même si c’est un peu bas de plafond et niais par moment, j’en retiendrai plus de petits sourires que de facepalm et c’est ce qui compte.


Par contre, si les répliques sont plutôt bon enfant, il y a tout de même une histoire derrière qui est très sombre pour un Zelda avec un aspect post-apocalyptique particulièrement mature. On rencontre des esprits parmi les personnages principaux qui nous force à être confronté aux conséquences de la mort et à l’étape du deuil comme avait pu le faire brillamment mon Zelda préféré qu’est Majora’s Mask. On parle de l’échec d’une quête de Link et de Zelda ayant conduit à de très nombreuses morts d’innocents que l’on voit explicitement lors de flashback assez émouvants. C’est vraiment pas mal de par l’intensité de l’ambiance qui s’en dégage.


On peut aussi avoir plein de petits liens avec l’univers de toute la saga sans que ça ne soit trop explicite, comme la découverte de l’univers par une personne âgée mystérieuse nous attendant un peu après notre point de départ sans s’imposer comme dans le Zelda original de la NES, les pierres de sel qui raisonnent comme des échos de la mer de Wind Waker… sans même compter toutes les références dans les noms d’environnements, de monuments… C’est toujours plaisant et propice à émettre des théories sur la place du titre dans la chronologie des épisodes, même si pour moi les scénaristes se sont dit qu’ils feraient références à un petit peu tout sans s’implémenter vraiment dans une timeline particulière.


J’ai trouvé les personnages rencontrés au fil de l’aventure principale relativement attachants, pas de quoi laisser un souvenir impérissable sauf peut-être Mipha éventuellement où pour une raison qui m’échappe j’ai vraiment ressenti de l’empathie pour le personnage, sinon ce n’est pas trop mal mais rien d’extra-ordinaire à ce niveau. Pour les quêtes annexes, c’est le niveau très basique, assez classique dans un Zelda mais on est en 2017, des RPG en monde ouvert avec plein de personnages annexes à l’intrigue bien écrits, ça existe et sur ce point Breath of the Wild fait tout de même un peu pâle figure, c’est tout à fait correct mais il y a mieux.


Si Breath of the Wild arbore quelques doublages, ce qui est un point que j’apprécie sur le papier bien que je sais très bien qu’il fait l’objet d’un débat dans une série qui s’en est si longtemps passé, j’ai deux petits reproches à faire à ce sujet : le doublage ne se fait que sur quelques répliques alors qu’il n’y a pas non plus masse de dialogues et on ne peut pas mettre la VOSTFR, un soucis corrigé dans une mise à jour ultérieure à la date de sortie originale. Après le doublage français est plutôt bon avec la voix française d’Ellie de The last of us pour Zelda par exemple mais j’aurais tout de même aimé quelque chose d’un petit peu plus complet à ce niveau-là.


Un scénario sympathique par une narration discrète mais rien d’extra-ordinaire, on est pour moi dans la bonne moyenne de ce qu’a déjà pu proposer la saga mais pas au niveau de son excellence comme pour Link’s Awakening ou Majora’s Mask en ce qui me concerne, sachant que ce débat est très large bien entendu. Pour moi, ce Zelda est réussi sur ces points mais pas exceptionnel, mais là c’est un terrain où chacun aura son avis bien à lui et il se peut que vous soyez dans une logique inverse en appréciant grandement la mise en retrait possible du scénario par exemple plus forte que jamais pour la saga en 3D.



CONCLUSION : 8 / 10



Si la promesse d’un monde immense et intéressant à parcourir est magnifiquement remplie tout en proposant un gameplay audacieux et maîtrisé, faisant déjà de Breath of the Wild un nouvel épisode incontournable de la saga, le scénario et l’univers « seulement » sympathiques mais surtout la technique en deçà de mes attentes me font lui accorder une très bonne note sans le hisser aux sommets comme certains bien que je les comprends parfaitement si je me concentre uniquement sur le gameplay et le contenu proposé par le titre qui sont tout simplement grandioses.

Créée

le 24 mars 2017

Critique lue 1.3K fois

16 j'aime

11 commentaires

damon8671

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

16
11

D'autres avis sur The Legend of Zelda: Breath of the Wild

The Legend of Zelda: Breath of the Wild
Moizi
9

Le plein de super

Dès les premières secondes où l'on a le contrôle de Link, c'est la claque. Je n'étais pas sûr de prendre la Switch quelques jours encore avant sa sortie, mais j'apprécie les licences Nintendo,...

le 14 mars 2017

78 j'aime

8

The Legend of Zelda: Breath of the Wild
Cronos
10

Rubis sur canapé

Il est difficile de débuter une critique de Zelda : BOTW tant le jeu est gargantuesque. De la même manière que Link se réveillant au début de l’aventure après un sommeil de 100 ans, le joueur doit...

le 10 avr. 2017

59 j'aime

4

Du même critique

Mass Effect
damon8671
8

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

le 24 août 2013

35 j'aime

11

The Thing
damon8671
9

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Super Mario Sunshine
damon8671
8

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7