Etrange objet que ce Twilight Princess. N'inventant plus la formule, il est forcément moins audacieux que le sacro-saint Ocarina of Time en son temps, ce classique parmi les classiques commençant très nettement à approcher du statut d'intouchable. Esthétiquement plus "réaliste" qu'un Wind Waker qui ne ressemblait à rien de connu (et pour certains irréductibles, à rien "tout court") et procurait une claque (au moins) visuelle terriblement rafraîchissante, il surprend peut-être moins que les précédents opus en 3D. Certains le détestent, et il est vrai qu'il est plus facile de lui trouver des critiques qu'à un premier Zelda 64 qui a tout inventé, marqué au feutre indélébile les esprits de références, images, musiques effectivement inoubliables.

Oui, le jeu met du temps à démarrer, oui, son caractère de tutoriel (mal) déguisé agace un peu.
Oui, certains PNJ sont assez ingrats visuellement.
Oui, le monde est sans doute trop grand, trop vide.
Non, Link ne parle toujours pas et c'est de plus en plus délicat à admettre au fur et à mesure que la série évolue. Quoique...
Non, on ne retrouve pas le côté épique de ce trailer E3 de 2004 ou 2005, qui faisait naïvement rêver de batailles équestres à la Seigneur des Anneaux.
Pour résumer, TP n'est pas le jeu parfait. Mais n'allez pas non plus croire que OOT l'était, lui.

S'il y a bien quelque chose que je regrette dans Ocarina of Time, c'est son manque de cohérence globale. Incohérent, il l'est au niveau scénaristique – sans que cela soit un problème majeur vu que ça n'avait jamais posé problème auparavant dans la série – mais il l'est aussi au niveau de son univers, au niveau visuel. Non seulement le monde d'OOT est petit mais ses différentes parties s'imbriquent assez mal les unes dans les autres : chaque zone fait un peu « pièce rapportée » par rapport à la précédente (exemple le plus choquant : la Vallée Gerudo) et l'on a peine à croire que leurs habitants fasse partie du même royaume tant leurs différences sautent aux yeux, tant ils sont refermés sur eux-mêmes. On avait les mêmes araignées partout, mais trois, quatre races humanoïdes. Et le très fameux temple de la forêt passait abruptement de la jolie ruine sylvestre à la maison hantée...
L'océan de Wind Waker remédiait à ce problème d'une façon admirable : son immensité souvent critiquée lui permettait justement de créer de l'espace entre les îles, entres les peuples tout en créant une unité sous la forme d'un archipel finalement plutôt crédible.
De la même façon, la grande taille de la plaine de Twilight Princess se justifie. Elle permet de rendre les évolutions du terrain plus progressives, plus douces et la distance entre les zones explique mieux leurs différences. Mieux, ces dernières sont plutôt subtiles, le design de l'environnement ne partant pas dans tous les sens, faisant d'Hyrule davantage que le pays « patchwork » qu'il était dans OOT. On dénote également une certaine unité d'apparence, de styles chez les personnages et même les monstres, renforçant l'immersion du joueur dans un univers qui se tient.

Immersion : voilà le mot. Ce Zelda-là est beau car plus que tout autre il tente sincèrement d'impliquer le joueur. Certains voient de la mélancolie dans le regard du Link Adulte de OOT, ce grand enfant ayant perdu 7 ans de sa vie, mais c'est interpréter quelque chose dont le jeu se fout complètement ; et je vois plus de tristesse et de rancoeur dans les yeux d'un Link spectateur impuissant de sa transformation en loup, ne pouvant avancer que selon le bon vouloir d'une ricanante Midona. En un sens TP est peut-être plus linéaire que ses prédécesseurs, il invite nettement moins à flâner à gauche à droite, faute notamment de quêtes annexes aussi mémorables que celles d'Ocarina of Time. Mais il compense ce fait par un meilleur rythme et par une meilleure histoire.
Quite à parler de nouveau des PNJ, il est indéniable que si le look des personnages secondaires surprend parfois (mais souvenez-vous bien : ceux de OOT et WW étaient déjà plutôt éloignés des canons de beauté), un travail incroyable a été réalisé sur l'essentiel. Jamais Link n'a été aussi bien animé, jamais il n'a paru aussi vivant (notamment au combat) malgré son silence ; jamais Zelda (qui devrait en vérité être reine, en tout logique) n'a paru aussi forte et réfléchie, jamais Ganondorf n'a paru si délicieusement malfaisant (mention spéciale à la scène où il arrache ses chaînes et contrecarre à lui-seul le pouvoir des esprits de lumière). Mais le personnage le plus marquant de cet épisode restera toujours Midona, vainqueur par K.O du prix du meilleur sidekick de Link depuis la création de la série. Plus taquine et cynique que Navi et pourtant nettement moins énervante, elle se paye le luxe d'un développement psychologique inédit et joue un rôle primordial dans le scénario. C'est à mon sens le personnage le plus réussi de la série, tous épisodes confondus, le plus humain également en dépit de son apparence atypique. Midona dégage quelque chose, dans ses ricanements, dans son sourire laissant négligemment apparaître une canine, mais aussi dans sa douleur. On s'attache à cette créature de l'ombre, qui n'a pas vraiment sa place dans le monde lumineux d'Hyrule, et (SPOILER) quand elle se retrouve cruellement blessée et que Link se voit contraint de rejoindre la ville d'urgence dans l'espoir qu'on la soigne, c'est un vrai moment fort du jeu (/SPOILER).

Qu'importent les textures floues, les passages naïfs et autres défauts mineurs (comme quand l'action pause parce qu'on a ramassé 10 rubis, très horripilant). Direction artistique globale, mise en scène et variété de l'action rattrapent tout.


PS : Mention spéciale à la toupie, à la masse d'armes et au double-grapin, fantastiques apports à l'inventaire de Link.
Kalès
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le 19 juin 2011

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Kalès

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