C'est une montagne qui a accouché d'une souris ►

[J'espère que vous voudrez bien vous rappeler, vous qui lisez ceci, que l'on peut apprécier et critiquer simultanément, que l'on peut aimer malgré la déception et que l'on peut être capital en possédant toujours des défauts ]


J'achète un jeu, mais en plus du titre, j'achète aussi une entrée pour me joindre à la fièvre, faire partie de l'évènement, ressentir l'ivresse d'un engouement mondial. Witcher 3 l'a trop bien compris et l'exploite cette envie autant qu'il le peut.


Wild Hunt est un excellent titre, exceptionnel même. Mais il ne saurait nous faire oublier qu'il n'est pas cette parfaite synthèse du RPG. Red Projekt a posé trop d'actions « pour avoir l'air » et trop peu pour « être ». Il ne risque rien, il bat en brèche sur certaines de ses forces, le constat est clair :

C'est une montagne qui a accouché d'une souris Même si c'est une sacré souris.




Pourquoi est-ce que Wild Hunt est un titre important ?




  • parce qu'il va le plus loin en matière d'immersion et de réalisme général;

  • très grande constance dans la qualité visuelle et l'impression laissée;

  • script, histoire, voix. C'est une mise en scène absolue et permanente;

  • intense et d'une longueur importante (bien que ne sortant pas des normes rpg).



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Pourquoi n'est-il pas le titre que l'on vous vend ?




  • parce que sur console, ils n'avaient jamais vu ça;

  • Red Projekt n'a pas pu prendre les bons compromis (techniques/mécaniques);

  • Wild Hunt bat en retraite sur beaucoup des particularités essentielles de la série (Geralt homme à femme coquet, nudité/racolage, monde unique et crédible, mini-jeux, le cachet fantastique. Tous tendent à s'estomper);

  • il ne prends aucun risque, ne pause aucun acte pour capitaliser une communauté, il glorifie un peu trop la simplicité;

  • monde ouvert dans lequel on fait exactement comme dans un monde "fermé".



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Avant de commencer, je veux attirer votre attention sur la VF.
Mis à part le mérite et la joie d'une traduction intégrale des voix, ces dernières sont superbes. De plus, elles se font fort de toujours être dans la synchronisation labiale. Geralt à la même identité sonore/acteur que dans le AoK, les personnages principaux disposent d'une voix unique plutôt qu'une variation sur la tonalité et les quelques enfants de l'histoire sont effectivement doublés par des voix très jeunes plutôt que par des femmes. Histoire commencée sur la VO, continuée sur la VF sans hésitation.




Les bonnes questions



— Qu'est-ce qui a changé depuis Assassin of Kings ?
Un monde ouvert, à part ça ? L'interface est similaire au précédent, améliorée, plus efficace et rationalisée, mais elle a aussi moins de personnalité et jure par moment avec l'univers. Pour mon plus grand bonheur, Geralt renoue avec une meilleure maîtrise de ses gestes et surtout des combats, plus de répondant, plus de satisfaction (un délai substantiel demeure). Avec le monde ouvert, vient aussi une taille bien plus sérieuse, ça c'est du bonheur et un peu comme dans GTA, le seul fait de prendre la tangente et d'aller au hasard dans la forêt est agréable.
— Qu'apporte ce nouvel opus?
Une continuation de l'histoire et le monde ouvert. Certes ce dernier pèse lourd, mais il y a peu de nouveautés dont le jeu puisse s'enorgueillir. Wild Hunt n'offre aucun élément que n'offrait pas déjà le 2. Et ce n'est ni le monde le plus vivant, ni le plus grand, ni le plus beau, ni le plus exigeant ou encore le plus fidèle aux traditions du RPG, il mange à tous les râteliers, n'innove pas, mais sait se montrer rythmé et équilibré.


Le cachet artistique du jeu change de ton, désormais vous assistez à de l'authenticité qui rappelle le réalisme ou plus justement le classicisme du 17e siècle, vous savez : la traditionnelle scène champêtre ou encore les nobles qui chassent à courre dans une vaste plaine, le roi rentrant à Reims, etc. C'est réussi et imposant, mais je ne crois pas que c'est ce que l'on attendait. On avait été copieusement nourris aux marais lugubre lovercraftien, au cimetière façon Tim Burton et aux villes malsaines dont la puanteur perçait à travers l'écran, même (surtout) lorsque le jeu en rajoutait un peu trop.
— Qu'apporte le monde ouvert ?
Un cheval, le voyage rapide, la possibilité d'aller et venir sans verrouiller les étapes précédentes du jeu ? Ça n'en valait pas la peine et tout le reste existait déjà dans AoK. Mais la quête principale vous tiens fermement la main et si le monde est vaste, il ne l'est pas assez pour donner l'impression que c'est par hasard que vous avez rencontré un évènement X ou Y.


L'entrée de Witcher dans la court des RPG à monde ouvert — « Hein, quoi ?! Je dois acheter Dragon Age ? »
Il vous faudra peu de temps pour atteindre une frontière imaginaire : en pleine forêt un message apparaît vous indiquant qu'au-delà "vive des dragons", sur le moment j'ai cru rêver, l'une des premières règles d'un monde ouvert, c'est de tout mettre en œuvre pour que la frontière qui doit forcément exister soit hors de portée ou complexe à toucher pour le joueur. Ici, c'est tout le contraire, frontal, injustifié et dénotant d'une paresse dans la conception. Faire la route à pied du point A au point B n'est le canal d'aucune véritable aventure vous faisant perdre de vue votre but original, ou en tant cas pas comme Skyrim.


Visuellement
Du point de vue technique, c'est un titre passable. Wild Hunt se veut authentique et c'est réussi, mais plus on recherche l'authenticité plus on s'éloigne de l'épique — la réalité par définition, c'est plat, c'est ennuyeux. Approchez-vous, attardez-vous dans la contemplation et plus vite que dans tout autre, vous constaterez des manquements ou retours en arrière par rapport à AoK. Des textures plus pauvres (et je joue en 1440p Ultra), mais ce n'est pas tout, bump mapping trop rare, section de polygones tranchante plutôt que sinueuses. Une végétation hors contexte posée sur une très belle texture de sol manquant de relief. Il est très en retard face à la majorité des titres courants. Il n'y a que 2 éléments qui lui permettent de faire bonne figure : les effets météo accompagnés du cycle jour/nuit et le post-traitement (ici nommé « traitement numérique »... Lapalisse quand tu nous tiens...). Red Projekt n'a ni le génie de Rockstar pour les compromis techniques, ni la capacité à la majesté de Skyrim, ni la vérité d'un Wolfenstein sur ce qu'il donne à voir. Tout comme dans le 2, l'occlusion, atmosphères volumétriques et l'éclairage en général sont pauvres — sans un astre, il n'y a plus rien.


Geralt, Sorceleur, Latin Lover
Geralt, initialement un monstre craint et détesté, misanthrope et enclin à l'humour noir se normalise pour se fondre dans les contours polis et aimables d'un héros ordinaire. Soit gentil, soit méchant, mais l'aspect 'je laisse un drame se produire, je ne suis pas un justicier' que l'on pouvait voir dans l'une des premières cinématiques est parti en courant, pour devenir une exception ponctuelle survendue.
Witcher a toujours voulu être adulte et mature, sur ce terrain le premier épisode n'est toujours pas détrôné. On pouvait admirer la crasse et la dégaine brute de Geralt, mais ici sa barbe est soignée et coquette, ses cheveux ondulent au vent... et détail qui m'a achevé, il a une cotte de maille plus cintrée que le tailleur d'une cadre. Dans l'antiquité et a fortiori à l'époque médiévale, autant de coquetterie n'était donnée à voir que sur les rupins homosexuels, et ce sans que cela soit péjoratif.


Pour le côté adulte... il émoustillera ceux qui, comme le dit Jacques Brel : « sont encore confondant érotisme et gymnastique ». Dorénavant, entre les dialogues crus et la nudité, il vous sera difficile de différencier ce qui est valide et justifié de ce qui est racolage primaire. Toute l'intro. vous « contemplez » machine (Yennefer) le dos nu, les fesses nues, mais quand Geralt sort de son bain... « Cachez ce postérieur que je ne saurais voir » et vlan un gros hors champ qui tache... Le parler est aussi moins travaillé que dans le second opus, moins de "français" ancien, moins d'expressions désuètes qui pourtant produisaient un effet "imagé/figuratif" très amusant. Moins de mise en valeur des jeux, ce sont des activités au même titre que le tennis, le golf et la plongée dans GTA 5 et plus un élément culturel propre à l'époque. Cela dit, l'effort sur le jeu de gwynt est remarquable.


Les vases communiquant
Je le disais, Wild Hunt est très loin du génie de GTA 5 pour les compromis techniques. Rockstar sait admirablement bien sabrer dans la sophistication cosmétique et vous colle des éléments décoratifs dignes de la PS2 à certains endroits, mais jamais l'on ne pourra le prendre en défaut sur la composition et sur le rendu général au sein d'une scène. Wild Hunt est très rationnel dans ses choix techniques et les sacrifices de polygones (enfin les polygones sont loin d'être le problème majeur de la technique, ce sont tous les autres effets modernes) pour pouvoir tourner sur ces maudites consoles (qui n'ont jamais autant tiré un titre vers le bas). Régulièrement, des éléments du décor détonnent ou jurent avec le reste de ce qui est visible, la végétation constituant 70% du monde n'échappe pas au problème, très plate, très régulière, c'est le vent et la conception sonore qui lui permettent de ne pas trop sombrer.
Partout où Red Projekt parvient à sauver la mise, il faut compter un défaut technique qui entache la somme.

smithfield01
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le 22 mai 2015

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smithfield01

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