Valheim
7.3
Valheim

Jeu de Iron Gate Studio et Coffee Stain (PC)

Il m’est encore arrivé quelque chose de dingue. C’était lors d’une soirée très alcoolisée, on parlait de Blaise Pascal et de Jul. On déplorait que nos vies de guerriers ne fussent pas vraiment mises à contribution. Un jeu d’aventure et de liberté, finalement, y’en a pas eu des masses depuis le dernier Elder Scrolls. AI Dungeon, d’accord, mais c’est très expérimental. OK, y a pléthore de jeux de survie nullos qui tentent de singer Minecraft et Rust. Mais putain, mes amis, mes compagnons, mes camarades, le PVP c’est ultra pourri. Veiller à tour de rôle sur sa base pour empêcher qu’un chômeur la pille à 15 heures de l’aprèm, c’est chiant. Et puis, on arrive à court de jeux multi qui nous intéressent tous.


« Escape from Tarkov ?


– Naaan, trop compliqué.


– Satisfactory ?


– Pas le temps, déso.


– Civilization VI ?


– Pfff, on a déjà poncé les autres.


– Divinity Original Sins 2 ?


– Faut déjà qu’on finisse le premier.


– Mais… bordel !


– Y a bien ce jeu, là… Valheim. »


Valheim, putain. Et c’est reparti pour 100 heures supplémentaires sacrifiées sur l’autel du vain divertissement.



Les aventures incroyables et fantastiques d’Hitlaf le Fou, Ivad Anlanussen, Xav de Ligonheim et… euh, Chang



Petit avant-propos très sérieux. Dans un souci d’inclusivité totale et de progressisme, nous avons choisi de recontacter notre très bon ami chinois, Chang. Monsieur Chang, spécialiste de l’exploration, est notre homme d’action et notre caution diversité. « Arigato », comme on dit par chez lui… ou alors c’est « xie xie » ? Qu’importe, c’est la même chose, l’important c’est que ça fasse exotique. Chang sera le premier Viking chinois, vivement l’adaptation Netflix ! On pourrait l’appeler : Chang’s Legacy: a Love Story about Trolls. Ou, pour le marché chinois :
张反对美帝国主义!


Nous nous retrouvâmes sur ces terres hostiles de Valheim, pour fonder d’abord l’amicale de JMLP. Rapidement, faute de participants aux meetings politiques, nous décidâmes d’abandonner les lieux pour fonder le kolkhoze Chez les amis de Staline, plus en accord avec nos valeurs économico-sociales.


Nous fûmes rapidement attaqués par ces petites pourritures capitalistes de nains de la forêt. Malgré nos multiples expéditions punitives, ces idiots utiles du système se multipliaient au fil des semaines, mettant à l’épreuve nos fortifications.


Pour faire face à ces incursions, nous entreprîmes de grandes explorations. D’abord sur l’île principale, pour y récolter du cuivre et de l’étain, nous permettant de forger des armes et armures en bronze. Puis, face à des attaques de trolls désastreuses, il était évident que l’âge de bronze devait prendre fin rapidement. Le fer, camarades, le fer. Il faut le battre quand il est encore chaud. Alors, nous construisîmes cette barque pour braver les océans. Et après des jours d’errance, de combats acharnés contre d’agressifs serpents de mer, nous aperçûmes les marécages. Ces lieux puants abandonnés des Dieux, où la lumière passait difficilement à travers les arbres sinistres. Après bien des difficultés et un accostage catastrophique, nous avions enfin mis la main sur une série de cryptes. C’est en minant de la boue dans ces dernières que nous récoltions de la ferraille. Et tels des vikings gitans, nous la transformions en fer.


Nous étions suffisamment forts pour écumer les donjons des terres environnantes et y accumuler bien des richesses. Il fallait se rendre à l’évidence, nous étions devenus des bourgeois. Nous avions trahi la voie sacrée du communisme.


Ainsi, nous abandonnâmes le kolkhoze. À l’aide de charrettes, nous transportâmes toutes nos ressources vers cette immense colline. Après un long travail de terrassement, il était temps de poser la première pierre de notre nouveau foyer : le gîte Skarl d’Estheim. Un château fortifié qui conviendrait parfaitement aux illustres seigneurs que nous étions.


De ce lieu béni par Odin lui-même, nous pouvions enfin préparer des expéditions plus sérieuses. Nos ressources étaient suffisantes pour construire un drakkar et partir à l’assaut des montagnes et des plaines. Nous combattîmes toutes sortes de créatures : des dragons, des loups, des trolls, des gobelins. Nous tombâmes bien des fois, mais nous revînmes pour arracher la victoire finale. Nous voyageâmes si longtemps à travers ces vastes plaines !


Et puis, un jour, nous avions fait le tour du monde. Nous avions dépassé les 300 jours sur Valheim. Nos coffres débordaient de richesses, notre château comportait tous les raffinements modernes, même le restaurant Chez gros Mich’ était là. Alors, nous nous réunîmes lors d’une soirée très alcoolisée avec cette discussion étrangement familière : « Bon, on fait quoi, maintenant ? On arrive à court de jeux multi qui nous intéressent tous. »



L’alchimie numérique



Cinq millions de jeux vendus en un mois, un pic record à 500 000 joueurs connectés en même temps, Valheim est le plus gros succès indé depuis… Minecraft ? Sans doute.


Pourtant, comme le tout récent Hadès, Valheim n’innove en rien. Il est la parfaite alchimie de nombreux ingrédients, utilisés par une très petite équipe de développeurs, nommée Iron Gate.


Le craft ? La construction ? Les combats ? L’exploration ? Des mécaniques de gameplay vues et revues, des milliers de fois. Ce qui fait la profonde réussite du titre, comme Hadès, c’est d’avoir parfaitement imbriqué tous ces éléments. Tout est agréable et intuitif dans Valheim. La fabrication n’est jamais trop compliquée, sans pour autant être édulcorée. C’est pareil pour tous les autres pans du gameplay. Ce qui fait de Valheim une franche réussite, c’est, selon moi, sa capacité à pousser à l’exploration et à une installation durable sur un lieu précis. Valheim met le doigt sur cet élément essentiel, là où se plantent la plupart des autres jeux du même style. C’est très difficile de créer un jeu qui pousse le joueur à explorer de lointaines contrées, tout en l’incitant à établir une base durable. Prenez Starbound, par exemple, c’est un échec cuisant : vous voyagez de planète en planète pour chercher de nouveaux minerais, mais le jeu ne vous laisse pas le temps d’établir votre QG. Les planètes sont trop éloignées les unes des autres pour que ce soit efficace de construire une grande base sur un endroit précis.


Valheim se rapproche plus d’un Terraria que d’un Minecraft, qui privilégie la construction, ou que d’un Starbound, qui met l’accent sur l’exploration.


Il y a un choix de game design qui peut paraître anodin, mais qui est en réalité mûrement réfléchi : les portails. Vous pouvez créer une paire de portails, vous permettant de vous téléporter entre deux lieux très éloignés. La subtilité ? Les métaux, ressources primordiales pour votre progression, ne sont pas transférables par téléportation. En premier lieu, le joueur organisera des expéditions, pour chercher les minerais. Une fois sur place, il pourra fabriquer un portail pour accéder facilement au matériel de sa base. En revanche, il devra organiser une expédition de retour pour exporter ces nouveaux minerais jusqu’à sa base. Cette contrainte est essentielle, car elle pousse à la fois à l’exploration, qui est grandement facilitée par les portails, mais aussi à la création d’une place de production, capable de transformer tous les matériaux efficacement.


Un autre aspect important a permis la popularité de Valheim : l’accent sur la coopération au lieu de la confrontation. Dans la plupart des jeux de survie, comme Rust, Conan Exile ou autres, les joueurs s’affrontent constamment. Et c’est nul, parce qu’il faut être connecté tout le temps. Si vous n’êtes pas là, eh bien vos constructions seront pillées par des joueurs plus présents que vous. Sans compter le déséquilibre du PVP à partir du moment où des guildes organisées s’installent sur votre serveur.


Un jeu uniquement PVE permet aux développeurs de contrôler la difficulté, mais surtout, d’attirer un public beaucoup plus large et « occasionnel », qui n’aime généralement pas le PVP trop exigeant.
L’autre élément déterminant, c’est que Valheim offre le choix de jouer en solo ou en multijoueur. Deux expériences sensiblement différentes, qui permettent de satisfaire à peu près tout le monde. J’ai tout de même une préférence pour le multi, puisqu’il incite les joueurs à se spécialiser. Certains privilégieront l’exploration, d’autres la construction. Pendant qu’un joueur extrait du fer, un autre amène le bateau au port pour transporter le minerai. Un troisième creuse une belle route jusqu’à la forge, et le dernier construit et améliore le système de défense pour encaisser les attaques de monstres.


C’est pour ça qu’il est aussi addictif, ce petit salopard de Valheim : il y a 50 000 choses à faire. C’est typiquement le genre de jeu où vous vous dites « Allez, encore un truc à faire et c’est bon. Je m’occupe des champs et voilà. Ah, peut-être qu’il faudrait que je reconstruise cette palissade aussi, et puis… ». Quatre heures plus tard, vous êtes toujours connecté. J’appelle ça : « Les jeux qui vous empêchent de pisser et de dormir. »



Une décoction jouissive, mais qui demande encore quelques ajustements



Quand les développeurs expliquent que leur jeu est en développement depuis trois ans, ce n’est pas étonnant. Il est techniquement maîtrisé (nous reparlerons un peu plus bas de son optimisation perfectible). Nous avons le droit à une version en accès anticipé très propre, dénuée de bug majeur. Son contenu vous occupera bien une centaine d’heures avant d’en faire le tour.


Le jeu est vraiment beau. Pas par son réalisme, ses textures pixellisées ou son style low-poly. Non, Valheim est beau par son traitement de la lumière, des ombres et de la végétation. Tout ça en mouvement, c’est assez merveilleux. Cela me fait penser aux grands espaces de Breath of the Wild. Il est possible de faire un jeu magnifique en ayant une parfaite maîtrise de la direction artistique, sans pour autant posséder des millions d’euros de budget. Ça signifie surtout qu’une équipe de cinq personnes met cent zéros à n’importe quelle daube d’Ubisoft, qui emploie des centaines de développeurs. Valheim est un jeu à captures d’écran. Pour vous dire, j’en ai 689 sur Steam.


L’univers de Valheim est enchanteur, il incite constamment à l’exploration. Étonnamment, il se dégage une certaine sérénité de ces forêts baignées par la douce lumière du soleil. On chasse et l’on cueille tranquillement, sous fond d’une jolie musique. Cette dernière est de qualité, même si l’on peut regretter un nombre trop peu important de pistes. Un morceau par biome, plus un autre pour la nuit. C’est assez vite redondant, dommage.


Autre bémol, le jeu n’est pas optimisé correctement. Si j’affiche dans les 200 images par seconde sur l’ensemble du territoire, en 1440p, les performances s’effondrent dans les zones de construction. Dans mon château, j’oscille entre 45 et 80 i/s. C’est déjà pas mal, dites-vous ? J’ai tout de même une 3080 et un ryzen 5800x. Valheim ne les sollicite d’ailleurs pas trop, puisqu’ils sont à moins de 20 % d’utilisation, ce qui traduit un gros problème d’optimisation.


Mes compagnons d’armes, dotés de 1060/970 et d’i5 4xxx, ont bien plus de problèmes en 1080p. Dans le château, c’est 20 i/s. Malheureusement, je ne peux pas vous recommander ce jeu pour le moment si vous avez une configuration inférieure.


Autre élément perfectible, la construction. Vous pouvez déjà construire de bien belles choses assez facilement. Elle manque cependant de précision : impossible de placer les éléments à l’aide d’une grille, pour que tout soit parfaitement symétrique. Il faudra souvent placer des éléments au jugé, c’est dommage. C’est encore pire si vous voulez installer des éléments dans l’eau. Valheim intègre également une mécanique d’intégrité des structures. Pour faire simple, il faut consolider les bâtiments avec une charpente pour qu’ils ne s’effondrent pas. C’est très sympa, mais ça manque parfois de réalisme et de cohérence. Je regrette aussi l’absence d’une vue à la première personne, qui aurait aidé à placer des éléments de construction plus facilement. Cela dit, tous ces problèmes sont déjà résolus par différents mods. Reste que, les mods sont assez chiants à installer en multi, pour le moment. Si vous préférez jouer en solo, foncez sur le site Nexus pour installer ces mods.


Les combats peuvent rappeler vaguement les Souls, avec un système de gestion de l’endurance. Ils sont clairement moins punitifs et techniques que les jeux de From Software, et gagneraient à être plus complexes. Ce qui sera le cas dans une prochaine mise à jour, selon la feuille de route des développeurs.


Je regrette aussi que les éléments de jeu de rôle soient trop peu présents pour le moment. Il y a uniquement un système assez obscur de compétences. Plus nous utilisons une arme ou un outil, plus nous la maîtrisons. Aucun élément ne nous permet de connaître les bénéfices de ces montées en niveau. C’est le seul aspect JDR présent sur Valheim. Pas d’armes et d’armures magiques, seules des armes assez communes sont fabricables. Quant aux donjons, ils gagneraient à être grandement améliorés. Pour l’instant, ce sont juste des successions de couloirs étroits. Pas terrible, surtout en multi où les joueurs vont se bloquer les uns contre les autres.


Tous ces petits défauts sont courants dans une phase d’accès anticipé et ne devraient pas vraiment poser de problème aux développeurs. Les mécaniques de jeu sont bien rôdées, il ne faudra plus que les peaufiner au cours de la bêta. Au départ, Iron Gate prévoyait une sortie d’accès anticipé au bout d’un an, sauf en cas de gros succès. Eh bien, ils risquent d’avoir un peu de rab !


Valheim est une franche réussite. Sans aucun doute le meilleur jeu de survie de ces cinq dernières années. Déjà très complet et propre, le jeu aurait très bien pu sortir sans passer par la case accès anticipé. Bien sûr, des éléments restent perfectibles, mais on peut espérer que ses développeurs, maintenant très riches, auront les moyens de rendre Valheim encore meilleur. En l’état, et pour seulement 16 balles, vous pouvez déjà foncer dessus les yeux fermés pour gaspiller 100 heures de votre vie.

Malakian
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le 9 mars 2021

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