Vampire est vieux. Très vieux. Il a survécu dans la mémoire collective grâce à, c'est mon impression, beaucoup d'abnégation et un peu de nostalgie. Non pas qu'il faille être gaga pour apprécier le titre qui est bourré de qualités. Par contre, il faut être sacrément bien accroché pour prendre certaines bizarreries de game-design aujourd'hui assez insultantes.


Au démarrage, Vampire craque un peu des articulations. On peine à croire que le moteur de Valve est la source (hihi) des graphismes présentés tant le titre a pris un coup de vieux en particulier pour ses modélisations corporelles (les visages sont pas mal) et ses lumières fadasses. PC oblige, je me suis dit qu'un jeu aussi daté qu'un Elder Scrolls devait bien avoir un ou deux fans modders pour me sauver la mise. Grand bien m'a pris, j'ai dégoté un petit SweetFX pas piqué des hannetons, ajoutant un effet comic-book au jeu qui lui sied à ravir tant l'univers s'y prête. Sans en faire une beauté à tomber, le jeu se voit plutôt sublimé, ayant parfois des airs de The Wolf Among Us. Comme le travail initial sur les animations, faciales en particulier, et des personnages un peu plus à la marge, était assez soigné, on trouve alors un jeu qui se laisse apprécier visuellement malgré des rides apparentes.


Pour ce qui est du reste, c'est un peu plus tendu.


En terme d'écriture on est sur quelque chose de solide. C'est plus dans les répliques et le ton que le jeu se démarque, que sur la trame jouant sur un classique mais efficace suspens politique où tout le monde manipule tout le monde, sur fond de conspiration millénaire. En fait, on trouve vraiment un souffle vampires new age, période 80-90 quand on essayait de rendre cool le stéréotype du gars blafard en cape qui se transforme en chauve-souris, stéréotype que par ailleurs j'adore. Dans son univers, dans sa manière de nous décrire la Mascarade, cette dissimulation de la société vampirique façon royaume de la magie d'Harry Potter, ça marche. On a suffisamment d'explication pour que l'univers soit tangible, et que son inscription dans notre réalité marche. Et on en a pas trop pour que ça vire à la surexposition alors qu'on a de toute façon un personnage qui apprend tout de l'univers au moment où on démarre le jeu. Côté direction artistique, on est sur un croisement entre Buffy et Blade qui fait son office (plus proche de Buffy tout de même).


J'ai surtout apprécié les dialogues à vrai dire, où pour être plus exact, leur versatilité et les possibilités de résoudre socialement les quêtes. On peut manipuler, intimider ou draguer tout ce qui bouge, avec des résultats variables, mais tout de même en rapport avec ce qu'on a placé comme points dans notre arbre de compétence. Arbre de compétence un brin complexe pour rien par ailleurs. Enfin on peut jusqu'à ce que le jeu en ait marre et fasse absolument n'importe quoi avec sa difficulté.


Et c'est là que le jeu a pour moi perdu beaucoup de son attrait et a montré surtout soit un problème de maîtrise du game-design, soit une vieillesse de jouabilité qui ne s'aligne pas bien à ce qui est demandé. Alors que le jeu propose en gros, trois manières de jouer qui peuvent se combiner (le social, l'infiltration et le combat) il y a quelques endroits qui forcent le combat au chausse-pied. Et laissez moi vous dire qu'on est pas sur un Batman Arkham, ni sur Serious Sam.


Il y a déjà un niveau en plein milieu du jeu, se déroulant dans les égouts (ce qui en soit est lourd), blindées d'ennemis chiants mais pas trop (juste assez pour fatiguer sur le long terme, mais pas assez pour qu'on les accuse vraiment de tous les maux) et qui s'étend bien sur une bonne heure de jeu. À moins d'une patience de moine et d'avoir la discrétion à 100%, impossible de ne pas se faire désosser dans cette zone qui tient vraiment de la purge pour les personnages orientés vers le social (coucou, c'est moi!). Le genre de boulette de game-design, façon boss de Deus Ex: Human Revolution, dont on parlera encore longtemps dans les forums appropriés.


Mais surtout, la fin du jeu par en roue libre complète, avec des zones d'une difficulté dépassant l'entendement, mélangeant à la fois les level-design labyrinthique de l'époque et des dizaines et dizaines d'ennemis à la résistance allant crescendo. Et c'est là où je reviens sur ma remarque quant à la vieillesse de la jouabilité de ce genre de RPG: ça n'est pas du tout fait pour que les combats soient particulièrement bons.


Les combats de boss, en général sont souvent des épisodes de Benny Hill, où la stratégie la plus efficace est de tourner en rond (on court souvent plus vite que les ennemis) en se retournant de temps à autre pour tirer un "Blood Strike" qui prend de la vie de l'ennemi et redonne plus de sang qu'il n'en coûte: c'est moins cher que gratuit. Pour le reste des boss, ceux qu'on peut faire "mongoliser" dans un coin d'une pièce, on se décalle on "blood strike" et on se cache: rincez et répétez. Les combats contre les mobs par contre, c'est infernal: à partir de la seconde moitié du jeu les ennemis peuvent drainer la vie en dix secondes, demandent une quantité de balles assez innommable et surtout la précision des armes, même avec la maîtrise maximum de la compétence, que j'ai fini par bourrer histoire d'avoir une chance de survie, n'est pas à la hauteur du challenge. Les armes automatiques ont une dispersion qui n'a aucun sens (le uzi n'est efficace qu'à bout portant à cause de ça), et les armes qui tirent balle par balle (pistolet, fusil à pompe, fusil sniper) demandent d'être posé pendant 5 secondes pour que le réticule soit assez stable pour envoyer la balle là où on vise. Résultat: on ne peut pas tirer en mouvement si on espère être efficace et sans système de couverture, ou de level-design approprié à un style de combat plus posé, on se fait atomiser.


Et l'infiltration du jeu obéit à des règles assez peu clair mettant en jeu à la fois la distance du joueur à l'ennemi, aussi bien que son cône de vision (dont le joueur n'a aucune représentation) ou encore le bruit et la lumière. Dépendamment des situations, cette façon de jouer est sur-efficace, la plupart du temps, ou complètement inutile, en particulier vers la fin où le jeu lâche des hordes d'ennemis inévitables et liés à des scripts qui font progresser le joueur dans le niveau (genre si on ne les déclenchent pas, le mur par où on passe ne se casse pas). S'ajoute à cela une autre difficulté: les PNJs ne peuvent pas être décalés quand on leur court dessus et ont une hitbox légèrement plus large qu'eux. En d'autres terme si vous endormez au sol ou étourdissez debout un ennemi avec un pouvoir et devant une porte ou dans un couloir étroit, vous ne pourrez pas passer par cette porte ou ce couloir...sauf en le réveillant.


Du coup, quand la fin est partie en cacahuète, que j'ai du affronter deux clans (à la décharge du jeu, il est possible que j'ai foiré certains dialogues au point de me mettre les deux à dos), je l'avoue, j'ai CHEATÉ. J'ai cherché un moyen de passer les combats, et je suis en fait tombé sur la console du jeu (dieu bénisse "²") où j'ai utilisé diverses commandes telles que "god", "noclip" ou encore "debug_infinite_ammo_2" dont je vous laisse imaginer les effets. J'ai tenté à chaque séquence de commencer par la faire sans, en lâchant l'affaire à chaque fois devant ces combats qui étaient sans doute une manière de rallonger artificiellement la durée de vie d'un RPG un peu court pour son genre, quand il est finalement trop long pour son propre bien.


--


Je n'ai pas détesté Vampire: The Masquerade - Bloodlines, loin s'en faut. Mais j'aurais vraiment voulu que le jeu assume son penchant discursif et social qu'il maîtrise vraiment bien, plutôt que de lâcher les joueurs bavards dans une tranchée de la Première Guerre Mondiale avec des armes peu adaptée, simplement pour booster sa longévité. J'aurais aussi voulu que le labyrinthe ne devienne pas le mode par défaut de l'ensemble des décors du jeu une fois la seconde moitié entamée. Et j'aurais aussi voulu que les bugs de scripts, d'animation ou de collision ne soient pas autant légion. Il y a un excellent jeu caché sous cette vieillesse. On la résoudra en trichant un peu...

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le 16 mai 2016

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seblecaribou

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