Deux mille vingt-quatre en lettres

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Et on commence la nouvelle année avec la dernière cuvée Toussaint Louverture quatre jours avant sa sortie. Sur le papier, cette dernière a tout pour me plaire : roman américain sur une petite ville campagnarde, classé dans le genre horrifique (et pourtant...), couverture magnifique, j'étais prêt.

Seulement voilà : c'est sympa sans plus.
L'idée de base, avec ce commissaire-priseur diabolique qui débarque pour tout rafler, avait du potentiel, et a d'ailleurs inspiré le King pour poser Bazaar. Mais si Joan Samson pose très bien le cadre et les prémisses de l'angoisse, y a un énorme ventre mou jusqu'à l'accélération finale. Tu sens qu'elle voulait en faire une nouvelle à la base et non pas un roman ; la montée en tension est irrégulière au possible, se reposer uniquement sur le schéma des visites hebdomadaires pendant bien trop de pages fait redescendre la sauce là où plus d'événements en ville auraient gardé le tout frais - en réalité, le récit aurait dû être choral pour fonctionner de cette manière.

Enfin, il reste une atmosphère étouffante, et le personnage du priseur absolument sinistre, avec son charme diabolique et ses discours glaçants.

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Je suis partagé, j'aime beaucoup le thème, moins la construction du roman (qui devient plus que bancale à partir de la deuxième partie, on est dans du survol permanent et aucun approfondissement), et beaucoup moins le style de Ligotti (peut-être mal rendu par la traduction ?) trop pétri de maniérismes irritants.
Les quatre nouvelles de fin rendent bien compte de ma position incertaine sur le bouquin : on en a deux cryptiques au possibles et absolument indigestes, et deux très très bonnes (celles avec la Société Quine), qui tendent presque vers de la weird fiction vu l'univers proposé.

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J'ai un peu forcé pour rentrer dedans, la faute peut-être à une traduction que je qualifierais de très scolaire, alors que tu pressens un rythme que Brice Mathieussent ou même feu Léon Mercadet auraient sublimés.
Mais c'est très bon, avec un humour pince-sans-rire très sec, les scènes grand guignolesques s'enchaînent dans une New-York maintenant disparue et tu prends un sacré plaisir à assister aux galères du personnage principal (qui, il faut le dire, mérite souvent de s'en prendre plein la poire).
Le qualificatif "plein de vie" est complètement con, ça veut tout et rien dire à la fois, mais c'est compréhensible quand t'as un ouvrage qui vibre un tant soit peu et qui se détache de l'écriture aseptisée très à la mode en ce moment, aussi bien dans les thèmes que dans le style.

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Travail universitaire sérieux, bien documenté, et qui plus est pas trop rébarbatif à lire, je dis banco.

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Je l'ai lu sans réel déplaisir, et sans vrai plaisir non plus ; c'était une lecture étonnamment neutre. On a du quasi nature writing sympa sans plus, des personnages sympas sans plus, l'insert d'une trame narrative se déroulant un siècle plus tôt sympa, sans plus.
En vrai, tous les passages s'intéressant plus particulièrement au métier de berger m'ont bien plu, on sent qu'il y a eu de la recherche derrière, et même si le style d'écriture fait très sage, formaté, standardisé (par pitié les phrases exclamatives courtes pour singer des pensées, laissez-les aux romans de gare), il n'est pas désagréable pour autant.

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Bon, on a un héros agent secret qui, bien qu'il s'en prenne plein la tronche sur plusieurs centaines de pages et qu'il ne cesse de s'évanouir à chaque fin de chapitre, réalise des prouesses physiques défiant les limites de l'humanité ; on a une ville qui intrigue au début, puis qui soûle rapidement lorsque l'auteur s'en sert encore et toujours de la même manière sans poser son ambiance ; des personnages secondaires presque inexistants et très unidimensionnels ; un "twist" que l'on voit venir à des kilomètres mais qui surprend un tout petit peu sur quelques détails (notamment celui touchant aux années).

Franchement rien de bien transcendant, surtout que l'œuvre en elle-même ne tient que par son histoire vu l'absence crasse de qualités stylistiques (la scène de course poursuite en est l'exemple parfait : uniquement des phrases courtes, tronqués, parfois nominales, sur plusieurs pages, c'est ultra feignant comme dispositif de tension).
Il n'en reste pas moins que je suis très curieux de savoir où Blake Crouch mène sa barque après la fin du premier tome, parce qu'on rentre dans un territoire situé pile à la frontière entre quelque chose d'intéressant et un nanard terrible, et malheureusement le bougre il développe pas ses personnages ou ne semble pas avoir l'art de la scène comme le ferait un Stephen King.

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La proposition est intéressante, c'est d'ailleurs franchement dépaysant ces quelques semaines sous alcool et drogues au Cambodge, mais ça tourne vite en rond, la faut à trois milliards d'itérations de picole et de prise, on dérape souvent vers un inventaire des bars et c'est marre, les passages intéressants sont beaucoup trop dilués dans le texte, sans compter que le protagoniste principal est un casse-couilles larmoyant.
C'est assez dommage, idem pour le style qui me chauffait bien au départ avant de me rendre compte que c'est pas une folie non plus - réussir un écrit oralisé et familier est chose ardue, en voilà encore la preuve.
En tout cas, ça m'a donné envie de retourner lire Hunter S. Thompson, et pour ça merci.

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Au Nordland, on a une nature magnifique, deux adultes qui se conduisent comme des enfants, des amours à sens uniques, des comportements douteux en société, des morts et des mots couverts.
Glahn chasse, se promène, rêve, communie avec la nature et la moitié des jeunes filles du village à l'ombre de sa hutte. Edvarda cherche à partir de cet endroit reculé, peu importe le prince, du moment qu'elle peut l'idéaliser.
Et ça danse, un pas en avant deux pas en arrière, ça s'attire et se repousse, et peu importe les dommages collatéraux du moment que la valse continue.

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Un ensemble de notes courtes sur la faune nocturne de Lafayette en Louisiane, où Dege a passé 5 ans à conduire rednecks, fêtards, crackheads, prostituées et lunatiques dans un taxi de nuit.
La démarche dicte un format bref assez limité, mais ça a bien fonctionné sur moi. Seul regret, tout ce qui touchait plus à la poésie a beaucoup perdu lors de la traduction, le vers libre anglais ayant énormément de mal à bien rendre en français - j'aurais aimé avoir le texte original à côté de ces passages là.

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Ouais pas emballé plus que ça en fait, les gens sont assez dithyrambiques sur cette novella mais je n'y ai pas vraiment trouvé mon compte. C'est très classique (la technique du narrateur extérieur au bousin digne d'un fantastique du XIXe ça marche toujours), écrit carré, et voilà tout, pas transcendé.

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C'était vraiment intéressant, et je ne sais pas sur quel pied danser avec ce bouquin. Je respecte le fait que Max Porter soit allé au bout de ce qu'il voulait faire, on a un vrai truc qui tranche avec ce que t'as l'habitude de lire, sauf que c'est à la fois la force et la faiblesse du roman. T'es perdu, tu te raccroches au discours interne de Shy, éclaté et confus comme le sont les pensées en désordres d'un ado énervé et possiblement bipolaire, mais c'est une manière sacrément bordélique d'amener une histoire après.
Le style est particulier, y a de bonnes phrases, de bons passages, tu ressens des choses en lisant, les mots touchent juste souvent.
J'ai du mal à m'empêcher de penser qu'une approche plus traditionnelle de la narration aurait pu sublimer le récit, et faire éclater le style, qui là est tout entravé par, paradoxalement, le fait de ne pas le brider.

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Maintenant que je n'ai plus de lectures obligatoires et que je n'aurai pas à attendre les tomes suivants, je peux me replonger dans Le Livre des Martyrs, en reprenant du début.
Et j'ai encore plus apprécié qu'il y a 5 ans.
Je suis tellement prêt pour l'après tome 2.

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C'est très sensible, très touchant. L'écriture pudique toute en réserve sur les aspects concrets de la situation d'Emmy met l'emphase sur ses tourments internes, pose un voile sur la cruauté de la situation, et quand il ne serait-ce que s'entrouvre un brin c'est déchirant.
Son mysticisme chrétien rend parfois la lecture opaque pour qui ne partage pas sa croyance, enfin surtout sa manière de croire, mais ça fait aussi partie du charme de sa pensée.

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Plus centré sur le matériel que "La flétrissure", sur l'expérience physique de l'espace carcéral. Je me suis moins pris au jeu alors que j'aurais cru être plus sensible à celui-là ; mais dans la littérature de prison pour femmes, y a un avant et un après Albertine Sarrazin, et sans volonté de comparaison aucune, ma préférence va tant vers cette dernière qu'Hennings peine à se faire une place dans mes pensées.

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J'aime tellement sa manière d'écrire, à la fois gouailleuse et élégante, ça se lit tout seul. Et quel art du portrait aussi !
Superbe édition au Chemin de fer en passant, la police, les photos, le papier, le format, c'est aussi beau qu'agréable en main.

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L'incipit, c'est un putain de pain dans les dents, quelle force bordel ça faisait longtemps qu'un début de roman ne m'avait pas autant bousculé.
Et la suite n'est pas en reste. Des instantanés difficiles, où rien ne nous est épargné, et les ellipses sont là plus par perdition qu'autre chose.
Les mots, les images, s'impriment et s'incrustent, forts.

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On est dans la tradition du livre d'addict, avec une langue crue, des scènes dures, un texte bourré de désespoir et peu de promesses de sortie.
L'écriture de Belloc est toujours aussi claire, incisive, limpide. Elle tape dans les sensations, elle réussit à être organique tout en restant directe, droite.
Le cadre parisien seconde moitié XXe siècle dépayse pas mal quand t'as l'habitude d'enchaîner les récits de ce genre situés aux states.

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Premier Pete Dexter, et ça donne envie d'en lire d'autres du bonhomme.
On a tous les attendus d'un bon roman noir ; une ambiance bien poisseuse, une sacré galerie de personnages, des dialogues mordants, une progression qui descend inexorablement vers le drame.
Le cadre du monde du golf californien dans les années 50 est assez original pour être noté, c'est super frais t'as pas l'impression d'avoir déjà lu ça ailleurs.
On s'attache à Train, le pauvre gosse balloté par les événements, et à Packard l'homme du lointain, véritable énigme ambulante. On alterne des sales scènes et d'autres qui font sourire voire carrément rire, parce que l'auteur manie aussi bien le sordide que le comique de situation, de dialogue ou de personnage, et en tant que lecteur tu te régales.

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C'est assez foutraque, on sait pas trop sur quel pied danser tout le long mais on continue parce que l'atmosphère de Quinsigamond est vachement réussie.
Cette cité inventée, gothique à souhait, cradingue et onirique par moment, concentre en elle tous les vices, tous les problèmes, toute la merde des États-Unis.
O'Connell y fait évoluer des personnages dysfonctionnels, et le tout semble n'être qu'un prétexte pour présenter un récit construit autour de son obsession du langage : on a le Jargon (une drogue qui rend loquace à en crever), des émissions radios incessantes, une flic qui cause par l'intermédiaire de son enregistreur, un prof de linguistique dont le travail est toute sa vie, beaucoup de livres et de lecteurs, une pièce de théâtre qui vient s'insérer dans le reste du bouquin... L'auteur exploite sans cesse le filon de la voix et des discours.
Quand tu vois que le livre suivant se focalise sur les radios pirates, tu sens que ça relève de la petite obsession.
Mais pour l'instant, elle n'arrive pas à recadrer une structure narrative qui, pour moi, reste beaucoup trop maladroite, pas encore à la hauteur de son cadre.

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Voilà, la structure du récit commence à rattraper l'incroyable cadre que pose O'Connell. Tout est plus maîtrisé que dans BP9, le rythme, les personnages, leurs discours... Son obsession du langage trouve un parfait catalyseur, la radio, et c'est un délice de plonger entres toutes ces émissions qui se croisent et se répondent, que ce soit le créneau presque porno de Ronnie, les piratages des O'Zébédée, le show conspirationniste de ce putain de dégénéré de Ray...
On peut râler sur quelques ficelles un peu grosses pour déplacer certains persos à certains endroits, mais c'est au service de super scènes du coup on pardonne. Idem, on peut se sentir lésé par la faiblesse de l'enquête sur les exactions de Speer, qui finalement n'est qu'un prétexte ; à l'image de Twin Peaks, elle n'est là que pour révéler les multiples facettes de la ville, Quinsigamond, et sublimer son ambiance à mi-chemin entre folie furieuse et onirisme.

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Nouvelle monomanie d'O'Connell, après le langage, voici l'image, c'est raccord quelque part. On éloigne tout ce qui est enquête (même si on pourrait argumenter avec ce que fait Sylvia), dans les précédents t'avais deux personnages de flics, ici plus aucun, c'est clairement acté.
La ville est toujours aussi fascinante, je déplore un peu le manque de lien avec le reste de ses bouquins mais bon, après tous les personnages ne peuvent pas tout le temps se croiser dirons nous.

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C'est d'une tristesse mais à crever, plus encore désespérant que Kepas ou Néons. Éprouvant.