Épopée humaine hautement symbolique, l'ascension de l'Everest en 1953 est avant tout la somme de savoirs, techniques et volontés. Mais derrière cette réussite éclatante se cache surtout celle de Griffith Pugh, physiologiste éclairé qui a su donner aux membres de l'expédition les outils indispensables à la conquête de l'ultime géant.


Biographie rédigée par Harriet, la fille de Pugh, celle-ci se concentre sur le physiologiste et l'aspect technique de son travail. Basé sur des recherches méticuleuses, des interviews des contemporains du scientifique et d'une lecture approfondie de sa correspondance, le livre dresse un portrait sans concession de cet homme complexe. Doté d'un caractère trempé dans l'anti-conformisme, Pugh possédait un véritable esprit scientifique qui lui a permis de mener à bien des études dont les résultats sont encore viables de nos jours. Spécialiste de l'acclimatation en altitude, il est le principal artisan de la victoire de l'Everest en 53.


A l'époque, les alpinistes britanniques étaient avant tout des amateurs. La performance ainsi que la science étaient proscrites de leur activité. Pire, il fallait mieux échouer sans aide de la science que réussir avec elle. C'est dans ce contexte hostile que Pugh a dû batailler pour faire accepter ses théories. Acclimatation, hydratation, utilisation de l'oxygène, conception des tentes, vêtements, chaussures, hygiène, nutrition etc... Pugh a révolutionné bien des aspects et encore aujourd'hui les alpinistes et autres sportifs exploitent les résultats de ses recherches. Même après l'exploit retentissant, le travail de Griffith Pugh n'a jamais été reconnu, méprisé par des chefs d'expédition et des alpinistes qui ne pouvaient accepter que sans la science et l'apport d'oxygène leur réussite étaient quasi impossible.


Cet esprit toujours curieux et insatiable a amené Pugh à mener des projets d'étude sur les nageurs marathoniens, les expéditions aux pôle sud, les jeux olympiques de Mexico, le cyclisme etc... Des études dont les applications sont encore utilisées aujourd'hui. Mais Pugh était aussi un homme complexe, un père absent et un mari infidèle. Cette partie de sa vie, que sa fille évoque sans pathos, arrive en conclusion de son livre comme le point culminant. En voulant connaitre un père qu'elle avait au mieux ignoré de son vivant, l'auteure découvre après sa mort quel homme il était vraiment et les motivations de son existence. Comme elle l'écrit elle-même, ce livre aura été son propre Everest qu'il lui aura fallut plusieurs années à gravir.


Un livre qui délaisse complétement l'aspect héroïque de cette ascension mythique pour se concentrer sur le pragmatisme et l'intelligence des hommes lancés à sa conquête. Soixante ans après, la réhabilitation du grand artisan de cette victoire et le portrait d'un grand physiologiste du dernier siècle.

Alyson_Jensen
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le 22 mai 2015

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Alyson Jensen

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