Les Amants étrangers a pour cadre une drôle de réalité, dans laquelle les colons martiens ont répandu dans l'atmosphère un poison indécelable qui a tué la plupart des terriens. Pourtant, la terre a été repeuplée grâce aux survivants, éparpillés entre l'Islande, l'Australie, Hawaï et Israël, et qui ont imposé en même temps leurs langues respectives. La partie américano-islandaise est occupée par un régime religieux, appelé Clergétat, qui contrôle rigoureusement la société : système de castes et de hiérarchie strict, annihilation du désir et de l'intimité, terreur et délation, bref le pack 1984 all-inclusive. Avec, en bonus, un mythe fondateur aux petits oignons, celui d'un prophète prescient qui voyage dans le temps pour préparer un beau futur aux braves gens qui sauront rester dans la "réalité", c'est à dire la religion.
Hal Yarrow est linguiste, il vit en Amérique du Nord, et ses relations avec sa femme sont difficiles. Leurs copulations suivent un rituel très codifié afin d'être purement reproductives et non impures ; mais il en garde une frustration qu'il ne s'explique pas, et qui contribue à le faire sombrer peu à peu dans une dangereuse irréalité. Avant de finir condamné à l'Enfer, il est heureusement envoyé par un de ses supérieurs pour une mission outre-espace, sur la planète Ozagen nouvellement découverte.
Celle-ci est habitée par une race très semblable à l'homme, avec quelques caractères insectoïdes, les bestioles à 6 pattes ayant sacrément plus évolué que chez nous. Ces extraterrestres sont amicaux et accueillants, et ils n'ont pas les mêmes blocages psychologiques que les arrivants sur les plaisirs et la liberté de conscience. En même temps que Hal découvre le doute et prends goût à l'irréalité, il fait une rencontre qui le bouleverse entièrement.
Connu comme un livre précurseur pour parler de sexualité extraterrestre, Les Amants étrangers exploite correctement les thèmes de l'intégrisme religieux et du contrôle de la société. L'image parfaite qu'essaye de renvoyer le Clergétat à ses citoyens se disloque dans l'esprit de Hal une fois parti de la terre, et le livre l'amène à trouver son chemin vers une vraie liberté. Original et intéressant pour l'espèce de dystopie qu'il développe, ce n'est pas non plus un roman indispensable, trop léger pour devenir un classique de la SF.