Les Choses
7.4
Les Choses

livre de Georges Perec (1965)

Sylvie et Jérôme sont parisiens, jeunes et psychosociologues (comprendre « enquêteurs pour un institut de sondages »). Ils sont bien loin d’être riches, possèdent un minuscule deux-pièces au cœur de la capitale et passent leur temps à compter leur argent – les fins de mois ne sont pas toujours simples.
Pourtant, ils aiment le luxe. Et surtout l’argent qu’il suppose. Ils rêvent de richesses, mais sans se donner les moyens de leurs chimères : c’est la fortune qui devra les trouver et non l’inverse. Le problème, c’est que ladite fortune ne semble pas pressée de les dénicher…
Dans une logique de « tout tout-de-suite » et de « toujours plus », le couple vieillit lentement. La trentaine approche. Et avec elle, on attend d’eux une plus grande stabilité, une plus grande régularité. La routine métro-boulot-dodo menace chaque jour davantage : insupportable pour eux si épris de liberté. D’autant que la rengaine est toujours la même : faire carrière, se marier, fonder un foyer, élever des enfants, entretenir d’un pavillon, déjeuner chez les beaux-parents le dimanche… tout cela exige des efforts auxquels ils ne parviennent pas à se résoudre. Le couple végète, donc. S’épuise. Etouffe. Et menace de se disloquer. Il y a de la souffrance dans cette destinée à toujours convoiter l’inaccessible, à ne jamais se satisfaire de ce qu’on a.
Désireux de rompre avec cette spirale, Sylvie et Jérôme aimeraient recommencer leur vie ailleurs, autrement. Quitter Paris et ses tentations, renouer avec la vie simple de la province, de la campagne. Le retour aux vraies valeurs. On leur propose deux postes d’enseignants en Tunisie. Le déracinement est bien plus violent qu’escompté, mais ils décident de franchir tout de même le pas. Ils manquent néanmoins de se désister lorsqu’ils apprennent que ce sera Sfax – modeste ville du grand sud – et non Tunis. Mais ne pouvant reculer, ils montent toutefois dans le bateau et traverse la Méditerranée, vers l’inconnu.
Ecrit en 1965, ce livre est intemporel, indémodable et toujours d’actualité. Les personnages de Perec sont deux purs produits de la société de consommation, avides de posséder. Posséder pour posséder : la possession étant à ce niveau un but, une finalité et non plus un simple moyen d’accéder à un idéal quelconque. Paradoxe de ce couple regrettant la monotonie d’une existence sans passion tout en refusant de faire le moindre geste en vue d’un changement. La routine étant ici un pis-aller ayant un certain confort malgré tout.
Le roman de Perec est très particulier. L’écriture est exclusivement narrative et débute au conditionnel. Narration statique, immobile tout comme les objets qui sont décrits de façon méticuleuse et qui sont les vrais héros du roman. Une description que j’ai trouvée plutôt froide malgré les nombreuses touches de couleur dont elle émaille le texte. Un rythme très lent qui n’est jamais parvenu à me passionner.
BibliOrnitho
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le 20 nov. 2013

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