Marie-Blanche
7.4
Marie-Blanche

livre de Jim Fergus (2011)

L'histoire familiale inspirée des figures féminines de Fergus

Jim Fergus vient rendre visite à sa grand-mère, Renée, isolée dans une famille d'accueil à 96 ans passés. Il cherche la clé qui lui permettra de comprendre pourquoi tant d'indifférence et de mépris l'habitent depuis toujours. Elle est l'une des dernières pièces de la famille et constitue une part non négligeable du passé d'autant plus qu'elle a vécu des expériences marquantes qui l'ont conduites elle-même au rejet et à l'exclusion. le récit suit en parallèle Renée et sa fille (la mère de Jim Fergus), Marie-Blanche qui, sur environ cent ans, ont traversé l'Oise, l'Egypte et les États-Unis. Ce n'est pas un récit de voyages, c'est bien plutôt un récit initiatique où la psychologie féminine domine. On s'intéresse au parcours de Renée, personnage irascible et antipathique, pour comprendre comment elle a pu devenir aussi hautaine et détachée des autres. Car Marie-Blanche est loin d'être une priorité pour sa mère. Celle-ci a toujours affirmé n'être pas faite pour concevoir et élever des enfants. Certes, son expérience de mère est un échec sans appel mais des enfants elle en a tout de même eu deux : Marie-Blanche, l'aînée, et Toto, le petit frère. Ces deux-là ont dû lutter pour exister et se faire une place à côté d'elle.


Renée est une énigme, de sa conception jusqu'à son état vieillissant : souhaitant évincer sa propre mère, elle met tout en œuvre pour séduire son oncle - qui est accessoirement l'amant de celle-ci - et c'est sans vergogne qu'elle entame une vie de débauche, se servant des uns et des autres pour être toujours sur le devant de la scène. Quant à Marie-Blanche, son témoignage est poignant puisqu'elle accumule les déboires et marche sur les pas de sa mère : accumulant les conquêtes, instable et malheureuse, elle trouve une échappatoire dans l'alcool.


J'ai été touchée par cette magnifique fresque familiale trouvant toutes ses fondations sur les deux piliers que sont Renée et Marie-Blanche, deux femmes que tout oppose mais au destin inévitablement lié. On s'agace du personnage de Renée qui est terrible de froideur et pervers tout au long de sa vie. Sa domination et son rayonnement s'accroissent au fil des années. Plus elle gagne en maturité, plus elle s'étale dans la vie des autres et s'impose dans leur existence. Quant à Marie-Blanche, qui donne son nom au roman, elle semble vivre dans l'ombre de sa mère et n'a pas toute la considération qu'elle mérite. Sensible et à fleur de peau, elle touche le coeur du lecteur de par sa simplicité et sa bonté. On se dit qu'il est injuste que la "marâtre" vive bien et qu'au contraire sa fille accumule les galères.
C'est un roman fort et puissant qui nous fait plonger dans tous les travers humains : l'égoïsme, la lâcheté, la tromperie mais aussi dans les bonheurs simples d'une vie : le voyage, le flirt, la convivialité d'être en famille.
J'ai eu toutefois beaucoup de mal à lire les passages concernant Renée et son oncle car tous deux vivent une histoire interdite. Tous deux sont pervers et imbus d'eux-mêmes et on souhaiterait qu'ils soient isolés tous les deux avec, derrière eux, une tribu d'enfants dégénérés. Non, sans conteste, ces passages où on les côtoie dans une intimité malsaine m'ont quelque peu dégoûté.


Mais plus généralement, cette saga familiale est extrêmement bien écrite, bien construite (avec ces alternances dans le temps qui dynamisent la narration) et pleine de finesse. Les femmes, maitresses de la narration, sont des personnages manichéens pleins d'ambivalence tant dans leur confrontation que dans leur rapport au monde. On est embarqué par le conflit de générations, par les non-dits et par la plume d'un très très bon écrivain. Il ne faut surtout pas passer à côté de ce roman qui nous tient en haleine de bout en bout !

Melopee
7
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le 7 juil. 2016

Critique lue 474 fois

Melopee

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