Lire Pike, c’est comme avaler une cuillère à soupe de Tabasco cul-sec
Pike est un gros dur qui s’est rangé des voitures. Depuis son retour à Cincinnati, il vit de petits boulots qu’il effectue avec son pote Rory. Sa fille Sarah, qu’il n’a pas vue depuis qu’elle avait six ans, vient de mourir d’une overdose. Sarah a eu une fille, Wendy. La gamine d’une dizaine d’années débarque chez son grand-père, qu’elle ne connait pas, avec pour seul bagage un chaton prénommé Monster. Pike savait que Sarah se prostituait pour payer ses doses, mais il voudrait en savoir plus sur sa mort. Pour cela, il va devoir s’immerger dans les pires quartiers de Cincinnati, de squats de junkies en motels miteux. Une plongée effroyable dont il ne sortira pas indemne…
Pour un premier roman, Benjamin Whitmer fait fort, très fort. Lire Pike, c’est comme avaler une cuillère à soupe de Tabasco cul-sec. Ça gratte, ça brule, ça vous donne envie de hurler. On à beau se dire qu’à un moment où l’autre les choses vont s’adoucir, on se trompe lourdement et l’effet reste hautement abrasif. Des années que je n’avais pas lu un roman aussi noir. La tension permanente et la violence, sourde ou bien réelle, vous laisse au bord de la nausée. L’écriture de Whitmer, très visuelle, propose des descriptions d’une froideur clinique. Les pires exactions sont exposées sans aucun jugement, comme si tout cela était absolument naturel.
Pike n’est pas un polar (désolé Hélène, je sais que tu aimerais me voir lire un polar mais ce ne sera pas encore pour ce coup-là !). Au-delà de son effet coup de poing évident, c’est aussi un texte d’une infinie tristesse dans lequel il ne faut se lancer que si l’on a le cœur bien accroché.
Pour l’écrivain Stephen Graham Jones, « voici le noir dans toute sa splendeur, ce que le genre devient lorsqu’il renonce à se montrer gentil – une force dramatique brutale rongée jusqu’à l’os qui vous promène de page en page. » Pas mieux.