Alors même qu'il suit le parcours d'Ethel et revient sur 30 ans d'Histoire par les yeux de la jeune fille, Le Clézio semble ne jamais vraiment incarner ce propos dans l'humain. Ethel est bien écrite, bien réelle, pourtant jamais elle ne s'ouvre ou ne s'offre au lecteur comme compagne de voyage ou de pensée, et c'est avec une neutralité d'observateur ethnologique que l'on regarde évoluer le personnage.

Conséquence, peut-être, d'une écriture très appliquée mais ne s'écartant justement jamais du chemin tracé par son auto-perfection, n'emmenant jamais le lecteur vers quelque chose qui le surprendrait, qui ferait s'accélérer ne serait-ce que de quelques battements son rythme cardiaque. Au final, avant de m'apparaitre comme bien écrit, c'est sa léthargie émotionnelle qui caractérisera en premier lieu ce roman.

Dans la narration, le caractère contemplatif du texte parait bien peu approprié à son sujet, et ôte de leurs âmes à un ensemble de protagonistes sur lesquels Le Clézio ne semble pas vouloir s'attarder. Laurent, Xénia, toutes les figures emblématiques ou anecdotiques de la vie d'Ethel ne sont finalement qu'esquissées, jamais élevés au rang de personnes pour lesquelles on pourrait trembler, compatir, ressentir. Comme le déroulement des événements, leur traitement demeure au stade de la description, minutieuse, précise, mais impersonnelle.

Reste une pertinence dans le regard, très appréciable notamment dans la description de ces conversations de salon d'avant-guerre, les meilleurs passages du roman, amusants et terrifiants à la fois que de découvrir les propos mondains et politique de cette génération et de ce milieu qui n'a pas vraiment idée de ce que l'Histoire lui réserve. Mais le fait d'être plus passionné par cet aspect grandeur et décadence de la bourgeoisie que par la jeune fille dont ce livre conte l'enfance est symptomatique de ce qui a freiné tout plaisir à ma lecture. L'Histoire étant plus importante, plus intéressante que l'histoire, difficile d'aborder le livre comme un roman plus que comme un essai sociologique. Qui de plus n'apporte pas vraiment de neuf quant à son sujet.

Il ne s'agit pas ici de nier les qualités de cette Ritournelle de la faim. JMG Le Clézio écrit très bien. Mais ne semble au final jamais raconter.

Julie_D
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le 21 avr. 2011

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Julie_D

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