Troisième roman de la trilogie autobiographique de Ken Bugul, après « Le Baobab fou » et « Cendres et braises », Riwan est le roman du retour au Sénégal et de l’apaisement.

Après avoir vécu en France pendant plusieurs années, Ken Bugul est revenue dans son village. Sans mari et sans enfants, elle n’y a pas sa place. Sa rencontre et son union avec le Serigne, haut responsable du mouvement religieux mouride et homme d’une grande spiritualité, dont elle devient la vingt-huitième épouse, lui font trouver cette place et arriver au bout du chemin chaotique de sa quête identitaire de jeunesse. Auprès de cet homme sage et d’une grande tendresse, Ken Bugul apporte un regard inattendu sur la polygamie.

Riwan est un témoignage précieux sur les femmes, un roman qui séduit par l’humanité du Serigne et de ceux qui le côtoient, avec des portraits de femmes d’une grande sensualité, un livre dans lequel les vagues de l’indignation (d’abord au sujet du sort fait aux femmes, le mariage imposé, qui les empêche de vivre libres, mais aussi contre la corruption et le gâchis des ressources à grande échelle) et de la sérénité progressent dans un même mouvement.
Néanmoins l’absence du travail d’un éditeur se fait sentir dans ce récit inégal qui aurait pu briller d’un éclat beaucoup plus important.

« Qui ne se souvenait pas de Djagua Sylla ?
La sublime femme que Mademba Seck avait épousée, alors qu’elle venait de perdre son mari un an avant.
Djagua Sylla !
Le teint si lumineux qu’il donnait envie de la toucher. Géante, potelée comme une bonne mangue de Banfora, le sourire et le rire faciles, les gencives bleu indigo, couleur obtenue par un tatouage régulier avec de la coque d’arachide grillée. Ce tatouage consolidait les gencives et donnait des dents éclatantes. Quand par mégarde ou exprès, son mouchoir de tête glissait de sa tête, on découvrait au milieu de ses tresses, des rangées d’amulettes dont certaines étaient en bronze, d’autres cousues dans du simili cuir de toutes les couleurs où un rouge vif rehaussait l’éclat du blanc et du noir. Ces amulettes étaient si bien agencées qu’on se demandait si elles étaient des amulettes normales ou des suggestions ensorcelantes. Cela devait être les deux à la fois. Assise, elle allongeait ses grandes jambes devant elle, les croisant et décroisant par moments pour laisser voir une peau encore plus lumineuse et encore plus lisse que recouvrait à peine un petit pagne fatal dont les deux pans ne pouvaient se toucher. Ainsi, quand vint pour Djagua Sylla l’heure de rejoindre le domicile conjugal, malgré ses quarante ans, ses co-épouses furent dans tous leurs états. »
MarianneL
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le 10 janv. 2013

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