Ah ! Bonjour cher lecteur.


Pour commencer, veuillez regarder cette vidéo.


Et maintenant, des explications.


Rassurez-vous, lecteur, je ne vais pas vous faire un réquisitoire contre le « Mariage pour tous » (ni une plaidoirie en sa faveur soit dit en passant). Ce problème ne m'intéresse pas ici.
Non, ce qui m'intéresse, ou plus précisément ce qui m'inquiète, c'est que des gens considèrent qu'en effet, il n'y a pas de loi au-dessus de celles de la République et montent sur leurs grand chevaux dès lors qu'on n'est pas d'accord avec eux sur cette question. Comme le disait George Brassens, les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux. Pour eux, la loi est la loi, et si c'est la loi, il faut l'appliquer.
Pire encore, cette pensée, loin d'être une élucubration sortie d'on ne sait quel cerveau enfièvré et isolé, est l'opinion communément partagée (y compris par votre serviteur pendant un temps). Vous-même cher lecteur, vous la partagez peut-être (mais ne vous inquiétez pas, ça arrive à des gens très bien).


Ça tombe bien (vive les transitions), c'est le sujet de cet ouvrage. Pour Leo Strauss, penser ainsi revient à dire que la loi est exclusivement déterminée par les législateurs ; ou plutôt, qu'elle est inventée par leurs soins sans se référer à une quelconque justice transcendante qu'on appellerait le droit naturel.


Problème : si c'est le cas, alors on ne peut plus parler de loi juste ou injuste. On ne peut plus dire que l'Apartheid était révoltant ou que l'esclavage est une abomination, car ces pratiques étaient inscrites dans la loi de leurs pays respectifs. Si néanmoins on dit que ces lois sont injustes, on présuppose une sorte d'étalon du juste et de l'injuste, auxquelles ces lois sont alors mesurées.


Mais dès lors, on admet que la loi de l'État (ou de la République) ne sont pas la mesure de toutes choses. Et cet étalon, cette mesure, c'est ce qu'on appelle communément le droit naturel...


Strauss montre ensuite l'origine de la pensée antijusnaturaliste (les philosophes aiment les mots compliqués), une pensée qui plonge ses racines dans l'école historiciste d'une part et dans les travaux de Max Weber d'autre part. L'ancienneté de la première et le prestige du second assurent à la négation du droit naturel un avenir certain et confortable.


Mais Strauss ne s'arrête pas en si bon chemin. Il continue en montrant que cette crise du droit naturel trouve ses racines dans une rupture entre le droit naturel selon les « classiques » (les philosophes de l'Antiquité et dans une moindre mesure du Moyen-Age) et la conception « moderne » du droit naturel (depuis le XVIè siècle jusqu'au XIXè). La finesse de l'analyse convaincrait même le plus positiviste des lecteurs.
En outre, cela montre que notre civilisation occidentale doit être en grande partie remise en question, elle qui s'est fondée sur les travaux et les conclusions de nombre de ces auteurs. Ainsi, la pensée des Lumières est-elle particulièrement critiquée par Leo Strauss.


À la fois historique et philosophique, cri d'alarme et conférence, l'ouvrage de Leo Strauss a le puissant mérite de nous alerter sur un point : s'il n'y a pas de droit naturel, alors il n'y a pas de justice par soi et tout est contestable à l'envie. D'où deux conclusions possibles : le fanatisme obscurantiste, ou le nihilisme absolu. Si le droit n'est fondé que sur l'arbitraire des hommes, il n'y a pas d'autre issue. Le droit naturel et lui seul permet de fonder efficacement l'état en général et la démocratie en particulier.

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le 3 juin 2017

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