Ecce Homo
7.7
Ecce Homo

livre de Friedrich Nietzsche (1888)

Avant moi était le néant... Nous vivons en l'an 179 après Nietzsche.

J'ai déjà lu avant Ecce Homo d'autres oeuvres de F. Nietzsche... celle-ci je l'ai écoutée grâce à un excellent livre audio interprété par Dag Jeanneret aux Editions Thélème.

Il s'agit dans cette œuvre de 1888, ayant comme sous-titre "Comment on devient ce qu'on est", d'un mélange entre autobiographie, analyse rétrospective des écrits du philosophe et pamphlet virulent contre les allemands et la morale chrétienne. Cet opus se termine par la célèbre formule "Dionysos face au Crucifié...".

Il est assez ironique de constater que le philologue Nietzsche devenu philosophe, pour lequel les Grecs représentent la perfection et l'idéal, soit précisément tombé avec Ecce Homo dans le "péché capital" des Grecs, celui de l'hybris, autrement dit la démesure de celui qui se méconnaissant lui-même se fait l'égal des dieux, autrement dit le péché d'orgueil.

Dans Ecce Homo Nietzche l'incompris, victime de la barbarie allemande, se retourne contre son peuple dans un vif ressentiment, car ses œuvres n'ont pas eu un accueil favorable, loin s'en faut, parmi ses contemporains en Allemagne, si bien qu'il a été obligé de supplier et de payer ses éditeurs pour pouvoir continuer à être édité. Ecce Homo est en partie une vengeance anti-allemande pour cette faute de goût qui a consisté à ignorer tout simplement les "chef d'œuvres" du philosophe. "M'a-t-on compris?" Telle est la question qui revient souvent dans la dernière partie du livre.

Une litanie particulièrement désagréable scande le livre: j'ai été le premier, avant moi personne n'a rien compris à rien, je suis un génie, c'est moi le premier qui ai mis en lumière telle ou telle chose etc. Bref Nietzsche s'autoproclame génie et génial. Il est tout simplement le premier des philosophes, le premier psychologue, le premier honnête homme, le premier immoraliste, le premier à avoir dévoilé la supercherie de la morale chrétienne. Peu importe qu'il ait été le seul à le penser à son époque. Avant Nietzsche tout n'était que ténèbres et océan d'erreurs. Goethe, Shakespeare, Dante ne sont que des nains face à Zarathoustra. Le délire orgueilleux de l'auteur est particulièrement présent dans la partie d'Ecce Homo où il revient sur Le crépuscule des idoles (Pourquoi j'écris de si bon livres).

Parmi tous les livres, Le Crépuscule des idoles représente une exception; il n'existe rien de plus substantiel, de plus indépendant, de plus subversif - de plus méchant. Si l'on veut se faire rapidement une idée à quel point AVANT MOI TOUT était placé la tête en bas, il faut commencer par la lecture de cet ouvrage... Moi seul, je tiens la mesure pour les "vérités", moi seul, je suis capable de juger... Et, très sérieusement, personne ne connaissait AVANT MOI le droit chemin, le chemin qui mène en haut. Ce n'est qu'à dater de MOI qu'il existe de nouveau des espoirs, des tâches, des voies vers la civilisation dont le tracé est indiqué.

"Je fus le premier à découvrir la vérité... Mon génie se trouve dans mes narines... Je connais des taches qui sont d'une telle hauteur que la notion en a fait défaut jusqu'à présent; ce n'est que depuis que je suis venu qu'il y a de nouveau des espérances... C'est seulement à partir de moi qu'il y a dans le monde une grande politique."

La boursoufflure orgueilleuse et prétentieuse de Nietzsche serait à proprement insupportable dans Ecce Homo si son style littéraire n'était pas aussi beau et puissant qu'il peut l'être en de nombreux passages de l'œuvre.

Ce n'est pas Jésus-Christ qui divise l'histoire de l'humanité en deux ères, mais bien Nietzsche se présentant lui-même à nous comme une espèce de Messie, de Sauveur, de dieu génial, de libérateur dans son délire autoglorificateur. A quoi bon déboulonner les idoles pour faire de soi-même une idole? Ecce Homo pourrait bien être interprété comme l'œuvre d'adoration érigée en l'honneur du génie Nietzsche par Nietzsche lui-même... Une auto-idolâtrie en somme.

"Il brise l'histoire de l'humanité en deux tronçons. On vit avant lui, on vit après lui."

Bref tout commence avec la naissance du génie Nietzsche le 15 octobre 1844. Qu'on se le dise donc, nous vivons en l'an 179 de l'ère nietzschéenne!

PadreBob
5
Écrit par

Créée

le 25 mai 2023

Critique lue 18 fois

PadreBob

Écrit par

Critique lue 18 fois

D'autres avis sur Ecce Homo

Ecce Homo
Moizi
7

Pourquoi j'écris de si bonnes critiques

J'ai Ecce homo qui traîne depuis plusieurs années il me semble, à chaque fois je retardais (sans doute parce qu'avoir un bouquin qui traîne avec un monsieur qui bande sur la couverture c'est toujours...

le 6 janv. 2015

7 j'aime

1

Ecce Homo
Mika_Voodoo
5

Biographie de Nietzsche, de Nietzsche pour Nietzsche.

Voici l'homme. Derrière un titre comme celui ci j'imaginais que le philosophe parlerai de l’humanité en général et nous démontrerai par A + B ce qu'est la nature humaine avec une verve hors du...

le 18 juil. 2015

3 j'aime

4

Ecce Homo
Vaanille
7

Un avant et un après

Je me demande si ce livre n'est pas une bonne introduction à l'oeuvre de Nietzsche ? C'est un petit bouquin, mais assez dense, où Nietzsche nous expose pourquoi c'est un mâle supérieur, pourquoi il...

le 16 déc. 2015

2 j'aime

Du même critique

Pensées
PadreBob
10

Pascal en tableau

Les Pensées de Blaise Pascal sont à mes yeux l'un des plus grands chefs-d'oeuvre de la littérature non seulement française mais mondiale. Sur la forme: l'écriture de Pascal est d'une beauté...

le 29 sept. 2016

13 j'aime

3

Le Seigneur des anneaux - Intégrale
PadreBob
9

Tolkien et la Bible, l'imprégnation biblique du SDA

Nouvelles considérations sur le Seigneur des Anneaux L’adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux (=SDA) par Peter JACKSON a été à juste titre un grand succès : un événement culturel de...

le 3 févr. 2016

13 j'aime

2

Le Cercle des poètes disparus
PadreBob
9

Sucer la moelle de la vie

J'ai revu Le cercle des poètes disparus récemment, film qui m'avait beaucoup touché à sa sortie et pour lequel j'avais réalisé une fiche "pédagogique" en vue d'un ciné-débat avec un groupe de...

le 21 nov. 2016

12 j'aime

8