On a dit tout et son contraire sur le général de Gaulle, sur son action en faveur de la « France Libre » au lendemain de la trahison de Pétain, sur sa hauteur de vue, sur les événements de la Seconde Guerre mondiale, sur sa conviction, dès le départ, d’avoir à incarner le rôle « suprême » pour sa patrie en des temps de troubles extrêmes.

Lors des combats qu’il mena durant la « bataille de France » (les rares pendant lesquels des troupes françaises gagnèrent du terrain face aux Allemands), il raconte que c’est la vue d’une colonne de soldats français, désarmés mais non faits prisonniers par les Panzerdivisions en tête de la Blitzkrieg, en loques, mêlés au flot des civils sur les routes de l’exode, qui forgea en lui la conviction de se battre jusqu’au bout et de rien abandonner au défaitisme ambiant.

C’est une lecture prenante, ébouriffante et bien entendu émouvante que celle de cet ouvrage, premier volume de la trilogie des Mémoires de guerre. Le style est clair, robuste, formel, et en même temps d’une grande fluidité, un peu à l’image d’Orages d’acier de Jünger. Le lyrisme (souvent résumé à l’incipit grandiloquent et patriote) y est finalement confiné à quelques phases éparpillées au fil du récit. De ce verbe sérieux et fier transparaît en quelque sorte la personnalité droite, rassurante, de son auteur.

Pour de Gaulle, c’est l’armée et surtout l’action, les moteurs de toute civilisation d’envergure. Y compris dans les premiers mois difficiles de sa Résistance, quand la France Libre n’était encore synonyme que de quelques embarcations, d’une poignée d’hommes et de lambeaux d’administration à moitié sous tutelle britannique, y compris dans ces moments-là, l’initiative devait être de mise.

C’est la prise de décision et ses répercussions physiques et morales, qui impulsent du crédit aux actions d’un chef. Un fait vérifié par la reconquête rapide mais patiente, à partir de presque rien, de l’Empire africain par les FFL ; par la construction, sur des bases nulles, de fonctions régaliennes appelées à se substituer, à terme, à celles de Vichy. C’est à l’aune des grands événements que se révèlent les grands hommes, ceux à même de changer la face du destin et de l’histoire : de Gaulle en faisait évidemment partie.

Ce premier tome nous donne aussi à apprécier le génie politique de cet homme capable de tenir tête aux ambitions impérialistes des Britanniques et des Américains, aux double-discours et aux ambitions personnelles qui furent légion en cette période troublée. Que de charisme fallait-il pour maintenir avec brio une telle posture, contre vents et marées !

« Quant à moi, qui prétendais gravir une pareille pente, je n’étais rien, au départ. À mes côtés, pas l’ombre d’une force, ni d’une organisation. En France, aucun répondant et aucune notoriété. À l’étranger, ni crédit, ni justification. Mais ce dénuement même me traçait ma ligne de conduite. C’est en épousant, sans ménager rien, la cause du salut national que je pourrais trouver l’autorité. C’est en agissant comme champion inflexible de la nation et de l’État qu’il me serait possible de grouper, parmi les Français, les consentements, voire les enthousiasmes, et d’obtenir des étrangers respect et considération. Les gens qui, tout au long du drame, s’offusquèrent de cette intransigeance ne voulurent pas voir que, pour moi, tendu à refouler d’innombrables pressions contraires, le moindre fléchissement eût entraîné l’effondrement. Bref, tout limité et solitaire que je fusse, et justement parce que je l’étais, il me fallait gagner les sommets et n’en descendre jamais plus. »

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le 29 oct. 2022

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