En 1472, les royaumes ibériques de Castille et d'Aragon étaient sur le point d'être unis personnellement par le mariage d'Isabelle la Catholique et de Ferdinand d'Aragon. La Reconquista interrompue deux siècles plus tôt était sur le point de s'achever par la conquête de l'émirat nasride de Grenade et la situation des Maures et des juifs devint précaire.
C'est dans ce contexte que le roman "L'Étoile brisée" commence. À l'aube d'un massacre anti-juif annoncé, deux frères furent poussés par leurs parents à fuir la région puis à se séparer en emportant chacun une moitié d'une étoile de David. L'aîné, en Allemagne, devînt médecin et proche d'un certain Martin Luther, l'autre, marin et cartographe du Nouveau Monde, associé du célèbre Amerigo Vespucci.


Le roman est une sympathique escapade dans la Renaissance, un roman d'été que vous prendrez plaisir à lire sur une chaise longue à bord de l'eau même si je trouve dommage que ce dernier ne présente aucune réelle tension dramatique.


Premièrement, la structure narrative du roman ne le permet pas. Deux, trois chapitres se succèdent dans une unité spatiale et temporelle; saut de quelques mois voir années dans le futur. On vous présente la nouvelle situation de ce groupe de personnages en vous racontant a posteriori comment ces derniers en sont arrivés au point présent; cela recommence ainsi jusqu'à la fin du roman. Cette coupure dans l'intrigue empêche l'approfondissement des intrigues lancées dans chaque entité narrative. Comme on nous explique après coup la résolution des intrigues ou des conflits, on ne peut jamais avoir peur pour l'un des personnages.


Par exemple, le frère aîné (Joachim Kossa) avec l'un de ses confrères médecins pratique la dissection de cadavres volés dans un cimetière. Ses pensées sont occupées par la peur d'être découvert. S'il était arrêté pour ses actes, son passé de juif converti risquerait d'être découvert et lui causerait de graves problèmes. On sent les possibles suites de ce que l'on nous a présenté. On nous a montré que Luther détestait les juifs et qu'il soupçonnait la femme de Joachim d'être juive. Tout cela n'aura strictement aucune conséquence et l'on n'en reparlera plus après le chapitre en question (à l'exception d'une phrase ou deux plus tard).


Deuxièmement, l'intrigue court sur une cinquantaine d'années et couvre beaucoup trop de personnages. Malgré la relative longueur du roman (750 pages environ), on n'arrive jamais à s'attacher à cette galerie de personnages. Il aurait sans doute mieux valu se concentrer sur les vies des deux frères et les développer pleinement.


Le roman nous présente un tour d'horizon assez exhaustif de lieux européens (ex : Séville, Florence, Blois, Londres), du Nouveau Monde ou du Maghreb et de situations caractéristiques de la Renaissance (arts inspirés de l'antiquité grecque et latine, découverte et colonisation du Nouveau Monde, balbutiements de la Réforme protestante) mais ne dresse pas d'intrigue extrêmement palpitante. Le livre étant joliment écrit, les pages s'enchaîneront aisément malgré tout.

LeDivinMarquis
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le 2 août 2021

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