Raymond Loewy est un nom qui devrait faire frémir bien des designers, c'est la grosse référence de la profession du design de produits (et cocorico il est Français, mais pas seulement). Le "père du design industriel" tente dans cet ouvrage de poser les fondations du métier: Quel est le but d'un esthéticien industriel ? Quels sont les avantages et bénéfices pour ses clients ? Quels sont les freins et les écueils récurrents à résoudre?


Malgré quelques longueurs, le livre reste toujours une solide et intéressante lecture. En effet bien des éléments sont toujours d'actualité (c'est même parfois surprenant de voir à quel point certaines choses n'ont vraiment pas changés dans le domaine créatif en près de 60 ans) et les valeurs essentielles du design sont déjà là: comment économiser les matériaux, embellir, alléger, simplifier les objets, faciliter leur utilisation et susciter l'envie des consommateurs.


Certes on notera une absence regrettable de la notion d'écologie et du respect de l'environnement au profit du bon vieux capitalisme (bien que parfois moqué) mais l'idée fondatrice reste de rendre la vie des gens plus agréable. Si la laideur et les produits de mauvaise qualité peuvent être évités, c'est déjà un progrès.


On retrouve bien des travers de l’Amérique des années cinquante (machiste et paternaliste) et on pourrait presque voir chez Raymond Loewy un Don Draper à moustache.
Dans la même veine, certains chapitres souffrent du syndrome du papy radoteur: on se moque pas mal qu'il ai gagné un concours de modélisme ou qu'il ai emballé une dame dans un train quand il était gamin... Ces chapitres sont censés expliquer d'où lui ai venu cette irrépressible envie d'embellir les objets du quotidien (sa passion pour les locomotives, l'élégance des produits parisiens) mais j'aurai préféré approfondir la philosophie du design et les cas concrets.


C'est d'ailleurs l'un de points positifs du livre, une multitude de produits sont présentés (en photo, en dessin ou à l'écrit), ce n'est pas toujours intemporel mais plusieurs produits et véhicules iconiques sont de la partie. On trouve également des astuces et bonnes pratiques pour faciliter une présentation, un style élégant ou encore des notions de psychologie vraiment pertinentes (dommage qu'elles soient si rares).


Notamment le stade "MAYA" [Most Advanced Yet Acceptable] ou TOMA en français [Très Osé Mais Acceptable] qui explique que le public accepte la nouveauté mais seulement dans une certaine mesure. Il faut, selon Raymond, éduquer le public car les formes les plus avant-gardistes ne seront pas forcément bien perçus de prime abord. Les concepts les plus fabuleux ne rencontreront peut-être jamais le succès commercial si ils sont trop en avance sur leur temps. Il faut donc trouver le bon moment pour lancer son innovation ou le faire progressivement.
Étonnant mais surement juste.


L'auteur énonce très tôt que ce livre ne se veut pas être un traité de philosophie, un manifeste du design ou un essai technique très pointu. C'est à la fois sa force et sa faiblesse, il est très accessible mais les quelques informations pertinentes sont souvent noyés dans un flot d'anecdotes futiles qui ne mériteraient pas franchement de faire l'objet d'un livre (à part si le sujet est la vie quotidienne en Amérique au milieu du XXe siècle).
Bref, une lecture qui reste indispensable à tout designer industriel, ne serait-ce que pour se questionner et observer une tranche de vie d'un designer visionnaire de l'époque.

Julianloez
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le 20 juin 2016

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