Lien : https://www.youtube.com/watch?v=HfSR836i_hE&t=1368s
La mort d’un père commence sur la mort, justement. La non-vie du corps, le déroulement des évènements après le dernier souffle. Un mémento mori, comme une note d’intention, viser à redonner vie à ce qui n’est plus. On a comparé Knausgaard à Proust (lui-même je pense souhaite cette comparaison, car c’est l’un des rares auteurs cités dans ce premier volume), et je trouve que l’analogie se tient : on a l’impression de voir l’auteur debout face à ses paperolles, des plis d’histoires qui en referment d’autres, où tout s’articule avec virtuosité, tout en partant, comme dirait certains, dans tous les sens. L’âge est plastique, car on passe de 12 à 16, sans logique, et l’on voit se superposer d’un côté le Karl ove qui vit et de l’autre celui qui écrit, comment sortir du cadre lui permet le recul nécessaire pour se raconter, comment ce n’est pas tant ce qui se passe que la minutie quasi-maniaque pour la dire. Car comme j’avais pu le dire pour Jaenada, (et qui colle parfaitement à Proust aussi), il s’agit d’une littérature au microscope, où chaque phrase se déroule comme la feuille d’une fougère, où l’on observe l’auteur l’essorer devant nous jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Une obsession à extirper les faits les plus simples, les plus banals de l’ombre et de l’oubli. De recolorer les souvenirs, aussi vains que cela puisse paraitre, car le réel revient, implacable : « — J’espère que c’est ouvert au moins, dit Yngve en grimpant les six marches de l’escalier autrefois peint en rouge foncé mais maintenant tout gris. » Il faut recontextualiser ce passage Karl Ove et son frère Yngve reviennent chez leur père à la mort de celui-ci, et toute la deuxième partie est centré sur ça. Ce sera décrire à la fois leur relation difficile, mais aussi la mort terrible de ce père devenu alcoolique.


Le romanesque ne prend pas le dessus ; les frustrations, les non-dits restent en place, comme dans la vraie vie. Par exemple, on n’en sait pas plus sur le mystère de la mort du père. J’ai entendu parler de réconciliation, et je ne suis pas d’accord ; pour moi, c’est plus le gâchis, l’énorme valise qu’il lui reste et qu’il va devoir gérer. Et comme c’est symbolisé par la crasse de la maison du père et de la grand-mère dans ce premier tome, il retourne complètement le foyer familial en s’en servant sans filtre, sans stratagème artistique. C’est peut-être pour cette raison que sa famille a qualifié le livre de « littérature de Judas ». Un mal nécessaire selon moi pour faire un grand livre, dans un pays et un foyer où les choses se cachent et ne se disent plus. "Dans cette maison où on avait toujours soigneusement fait barrière aux regards indiscrets, où on avait toujours veillé à être irréprochable sur tout ce qui se voyait, depuis l'habillement jusqu'au jardin sans oublier la façade de la maison, la voiture et le comportement des enfants, mettre une bouteille d'alcool à une fenêtre, qui plus est éclairée, était un geste absolument impensable."


Je vais faire une vidéo plus complète sur l’auteur d’ici la fin du mois, je vous mettrai le lien : « Karl Ove Knausgaard, Écrire, c’est trahir ? »


Lien : https://www.youtube.com/watch?v=HfSR836i_hE&t=1368s

YasminaBehagle
9
Écrit par

Créée

le 1 mars 2022

Critique lue 83 fois

YasminaBehagle

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