Bonjour à tous,


Et oui ! Me revoilà, bandes de fous ! Je suis ivre de mots, ivre de vie ! La vie m' assaille, telle une fille de joie sur le bord du trottoir, un soir de pleine lune ! Telle la femme de Baudelaire, dans les " métamorphoses du vampire " ! Vous allez vous aimer les uns, les autres, bordel de merde !


Bref. Sur cette envolée lyrique endiablée, me voilà parmi vous ! Pourquoi ce livre ? Trop peu connu, et trop méconnu ! Et oui !


Je n'avais pas eu le bonheur de lire le Conformiste - mais d'autres livres de Moravia, lus dans mon adolescence, avaient laissé leur trace dans ma mémoire "comme un rai de diamant sur une vitre"... et j'avais peur, moi aussi, de revenir à cet engouement ancien et de déchanter cruellement.
Je ne suis pas déçue du voyage!
Quel pur bonheur de lecture: une langue ciselée, aigüe comme un scalpel dans ses analyses, tour à tour sensuelle et détachée, qui sait parler de l'enfer de l'enfance et de l'éteignoir de l'âge adulte avec la même maestria, sans jamais se départir d'une élégance ironique et comme désenchantée...
Un livre construit comme une partition musicale- avec son prologue, son épilogue, et ses "motifs" lancinants : le meurtre et le sexe.
Du saccage des roses au meurtre politique, de l'anormalité effrayée à la normalité effrayante. De la pédophilie prédatrice au saphisme mondain d'une boîte parisienne. De Lino à Lina.
Ravage et Mélancolie : ce sont les deux mots que le père de Marcello, interné dans un asile psychiatrique, écrit indéfiniment et qui semblent contenir toute la problématique de son fils, le sombre héros de ce roman.
Marcello est beau, intelligent, cultivé. Il a un grand sens de la morale et de la probité. Il est philosophe de formation. Il est aussi rongé par une faute originelle qui est la scène fondatrice de toute sa vie, de tous ses choix, de tous ses actes. Pour étouffer sa propre violence, ses propres pulsions, pour ne pas sombrer dans la folie de son père, dans la déréliction de sa mère, il les canalise vers LA violence historique en place, celle qui est partagée par le plus grand nombre et dans laquelle la sienne va se fondre, se discipliner, se justifier : celle du fascisme. Il est fasciste par un immense et raisonné règlement de tous les sens.
L'ordre et la règle vont lui servir, littéralement, de garde-fou. Ravage et Mélancolie.


Etre normal. L'obsession existentielle de Marcel, le personnage principal de ce roman. Mais "être normal" par rapport à qui? Qui est vraiment "normal"? Marcel pense trouver sa réponse dans le fascisme et son homme nouveau. Il ne cesse de rechercher sa normalité en cultivant son conformisme, espérant apaiser ses blessures d'enfance, mais la réalité le rattrape toujours: déviance des hommes de l'état fasciste, secret de sa femme, fragilité de l'amour qu'il lui porte, même ses propres sentiments le trahisse...
Moravia nous plonge dans la psychologie d'un homme blessé et dépourvu de repère, poursuivant un idéal chimérique qui l'amènera à sa perte: parabole de la société italienne à l'époque fasciste.


Cela fait plusieurs années que je repousse cet instant de vérité.
Peur de ne plus aimer comme cela arrive si souvent. Pire, peur de me détester d'avoir succombé, hier, à si peu de charme.
J'avais bien noté, sur un cahier bleu Héraklès, qu'il méritait les neuf étoiles. Mais cela n'était pas fait pour me rassurer. Bien au contraire.
Pourtant il n'a fallu que quatre-vingts pages pour m'apercevoir que toutes mes appréhensions étaient ridicules.
Le prologue m'a percuté comme un 38 tonnes en pleine vitesse.
Bon sang, quel écrivain !
J'éclatais de rire, échoué au bord de la route, ayant fait plusieurs tonneaux.
Je n'avais rien ! pas une écorchure ! Vous voyez ce genre de choses qui font saigner le lecteur : erreurs de ponctuation, adjectifs malencontreux, dialogues abscons, répétitions lancinantes, blabla interminable...
Rien de tout cela. Alberto Moravia venait de me proposer un beau voyage : La vie de Marcel.
Marcel enfant que ses petits camarades de classe raillent et maltraitent pour son excessive féminité.
Marcel qui prend plaisir à tuer des animaux.
Marcel toujours enfant qui croise la route d'un prêtre défroqué et pédophile.
Marcel adulte, bien installé dans la société fasciste, devenu fonctionnaire au ministère de l'intérieur.
Marcel qui se marie pour faire comme tout le monde, avec une fille qui ressemble à toutes les autres, avant de rencontrer, femme mariée, celle qui est l'objet de ses rêves.
Marcel qui va participer à un assassinat politique en bon soldat qu'il souhaite rester.
Si ce roman devait être un tableau, ce serait une oeuvre de Balthus. Pleine de sensualité, d'interrogations, de refoulements.
Si c'était une musique, ce serait "Montaigu et Capulet" de Sergueï Prokofiev empli d'exaltation et de tragique.
Si c'était un mot, un seul : Sexe
Ne vous méprenez pas.
Le sien porte un masque, parfois une voilette et souvent un scalpel.
Mais jamais exhibitionniste.
Neuf étoiles, sans aucune hésitation.


Mais pourquoi pas dix ? C' est tout simple ! Laissez moi vous expliquer.
La parabole est un peu lourde, le style s'embourbe dans le schéma thèse / explicitation / démonstration / conclusion. Moravia s'efforce de montrer comment le conformisme peut mener au fascisme. Robert Merle avait tenté de s'insérer dans la logique d'un Rudolph Hess (appelé Rudolph Lang) dans La mort est mon métier. La description d'un bureaucrate acharné de perfection et de méthode confinait parfois avec une certaine complaisance: on va quand même pas chialer sur la destinée de Rudolph, merde. Ici, Moravia nous montre comment l'absence de Loi sauf celle émanant d'un groupuscule de décérébrés notoires peut conduire au fascisme. Sa thèse est critiquable. Mais ce bouquin n'est pas un essai et mérite d'être réhabilité.


Malgré tout, Moravia nous offre quelques pages terribles: un garçonnet tiraillé par de sombres pulsions, tueur de lézards et de chat, jouisseur de rien, conscience marécageuse un peu désespérante. L'intérêt du bouquin, c'est de plonger le lecteur dans une conscience noirâtre, verdâtre, "vomiâtre" dont les exhailaisons puantes font étrangement penser aux odeurs souffrées de nos propres aisselles que nous décollons chaque matin dans un grand geste de soulagement. La lâcheté et l'absurdité du conformisme de Marcello résonnent dans les cavités reculées de nos profondeurs pas très catholiques, échos aux désirs diffus d'ordre et de clarté, aux combats contre les petits titillements pulsionnels qui agitent nos cervelles débiles. Le lecteur plonge dans des ténèbres qui peuvent être les siens. Un bouquin où on se purge bien. Attention aux petits gestes "marcelliens": ranger ses chaussons symétriquement dans le prolongement de la table de nuit, elle-même bien calée dans l'angle opposé au petit meuble où l'on range sa brosse à dent...
Quant à Julie , la femme de Marcello, certes détestable sous certains aspects, elle a une poitrine abondante et adore faire l'amour avec fraîcheur.
A noter enfin que Bertolucci à réussi à en faire un film meilleur que le bouquin. Avec un Trintignant exceptionnel !


Sur ce, portez vous bien, braves gens ! Lisez jusqu' à en dégueuler. Qui détient la culture est inaliénable ! Tcho. Quoiqu' on en dise, les mots peuvent changer le monde ! Mais, Céline nous a prévenu " On ne se méfie jamais assez avec les mots ". @+.

ClementLeroy
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le 31 mars 2017

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San  Bardamu

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