Un livre qui vous explique ce que vous devez comprendre

Après "Janua Vera" et "Gagner la guerre", qui sont des romans solides introduisant un monde riche et complexe, je m'attendais enfin à une aventure plus "simple". La promesse était là : "Le tournoi des preux" est une histoire courtoise de chevaliers. Comme dans les romans de Chrétien de Troyes, je m'attendais donc à entendre les épées s'abattre sur les boucliers et à sourire devant des chevaliers à la morale inflexible, à la manière de Kant. Eh bien, mes amis, si j'avais su la douche froide qui m'attendait.

Pour faire un bref résumé de l'histoire : elle tient en 10 pages si l'on enlève tout le superflu (je reviendrai là-dessus). Et non, il ne s'agit pas de l'histoire du chevalier déchu Vaumacel. En réalité, ce dernier est spectateur de sa propre histoire. Nous rencontrons bien plus la vie des autres personnages que celle du chevalier qui pourtant nous avait séduit dans "Janua Vera". Ce dernier est absent pendant 70 % du livre. À la place, nous avons le point de vue d'une anguille, d'un chat, d'un autre chevalier, etc. J'ai sincèrement eu l'impression qu'il s'agissait d'un exercice d'écriture dans lequel l'auteur tentait des choses qui l'enthousiasmaient pour éprouver sa plume (qui est magnifique, évidemment, on connaît le compère). Et c'est bien cela qui résume le livre.

Il y a TROP D'ARTIFICES. Alors que la majorité des auteurs essaient d'avoir une écriture plus incisive, ici c'est tout le contraire. Mon dieu, l'histoire est pourtant assez simple, mais les complots et les intrigues politiques sont tellement complexifiés. On pourrait résumer l'histoire complète très facilement, mais Jaworski nous fait faire un nombre incalculable de détours. Tout d'abord, il y a le "name dropping" incessant et insupportable. Vous connaissez le fusil de Tchekhov ? En gros, si un élément apparaît (comme un fusil) lors d'une scène, il doit être réutilisé dans la scène suivante, sinon il faut le supprimer de l'histoire car il n'est pas pertinent. Eh bien, c'est tout le contraire. Peut-être que tout cela sera réutilisé dans la suite, mais en tout cas, plus de la moitié du livre ne sert à RIEN. On cite des personnages à foison et rien ne s'ensuit.

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Il est évidemment important de faire vivre son univers en fantasy. Mais tout décrire et tout expliquer est une faiblesse d'écriture, à mon avis. Je n'ai pas besoin de savoir sur quel champ de bataille le cousin de la tante du neveu d'un personnage secondaire a eu sa cicatrice à l'œil. TOUT est expliqué tout le temps, et presque rien ne sert la trame principale. J'ai eu l'impression d'avoir Jaworski sur mon épaule me disant : "Là, les personnages entrent dans une forêt, mais attends ! Je suis sûr que tu te l'imagines mal, ma forêt. Je vais te la décrire du point de vue d'un écureuil pendant les 10 prochaines pages, juste pour être sûr que tu comprennes que j'ai bien bossé".

Je n'ai pas trop compris où l'auteur voulait en venir avec ce livre. "Janua Vera" mettait le monde en place, "Gagner la guerre" mettait le monde en place, et maintenant le troisième livre dans l'univers en met encore plus en place. Alors, oui, super, le monde est cohérent et il doit y avoir un tableau tissé de fil rouge dans une cave qui n'attend que la suite. Mais pourquoi mettre autant un univers en place si c'est pour ne rien y raconter ? Les intrigues politiques ? Ok, mais elles doivent servir des événements. Deux cents personnages ? Pourquoi pas, mais ils doivent évoluer et servir à quelque chose. Une mythologie de plusieurs générations ? Je dis oui, mais pitié, ne me faites pas tous les arbres généalogiques des personnages secondaires. Il s'agit d'un monde fictif, à part si quelque chose est important à savoir pour le reste de la trame, je me fiche de connaître l'histoire d'un monde imaginaire.

Il y a plusieurs intrigues qui se mettent en place mais, bon sang, on s'endort parce que rien ne sert l'histoire. Vous vous demandez où est votre chevalier Vaumacel ? Le personnage "principal" ? Eh bien, on ne sait pas trop. On l'a laissé là-bas pendant 50 % du livre. La trame traîne tellement qu'on en vient à détester les intrigues secondaires. Et hop, au milieu de l'intrigue secondaire, on va vous coller une comptine. Mais avant ça, Jaworski vous explique "pourquoi" c'est une bonne comptine. En gros, vous prenez à chaque fois 10 pages d'explications dans la tronche. Même dans les dialogues, hein, il ne faut pas croire. Les personnages aussi adorent décrire et expliquer ce qui se passe. Interdiction d'imaginer ou de comprendre quelque chose par vous-même. D'ailleurs, cela les rend creux. Ils n'évoluent pas et sont tous aplatis par leurs rôles de sous-narrateur.

En conclusion, le livre est une énorme déception et je le considère à contrecœur comme un mauvais livre. Et pour aggraver les choses, j'apprends que la suite est "la même histoire" du point de vue de Benvenuto... Peut-être au cas où on n'aurait pas assez compris ce qu'on nous expliquait dans "Le tournoi des preux". J'étais tellement excité par cette série, mais je ne suis pas prêt de m'y replonger.

JulienBastogne
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le 16 oct. 2023

Critique lue 474 fois

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