Complainte-pastiche des soirs de pluie

À toi, baiseur frondeur, aux phases ineffables,

Écrivant dans la nuit des vestiges de deuil :

Je pastiche pour rire

- Et pour me souvenir -

Tes chansons de minuit où voltigent les feuilles

D’un automne grondeur. Pfeuh ! l’incipit de fable !


Une strophe

Et puis pof !

Un refrain

Drolatique

Pour regain

Mélodique !


Brisons là l’hommage. Mais au fait, commençons !

Singeons tes vers, ton adolescence tantrique,

Ton Çakiyamouni

(Ce prophète permis)

Qui remplace, dans ta métrique asymétrique,

Celui-dont-on-ne-doit-plus-prononcer-le-Nom.


Car un Christ

Pas trop triste

En vaut deux

Par chez nous.

(Moins pour ceux

En burnous.)


Cher poète, en commun nous avons, finissants,

Nos âges de laiton, commencés tout en or

Par des hommes de feu ;

Poursuivis par des gueux

Rotant leurs désespoirs mais penchant à bâbord

Sur le bateau tardif de nos siècles de sang.


Les césures

Sans mesure

Continuent,

Se divisent

Sans ret’nue

- Mais exquises !


Quitte à tanguer trop fort, chavirons en beauté !

Du flambeau la lueur sur les choses vacille :

Au point du jour décroît

Le vieux chêne des rois ;

Car la Volonté - cette âpre, infidèle ancille -,

Mécontente, a donné ce figuier raboté.


Vieil Arthur,

En pâture,

J’ai donné,

Sous mes voiles,

Ta pensée

Amirale.


Un poète est l’ami que le Temps a vomi.

Le blason des morts-nés, et l’ombre terrifiée

Fredonnant lentement

Son lointain hurlement ;

Marc rembruni des crépuscules torréfiés,

En recherche des aubes roses qu’il omit.


Henry Ford

En rit fort.

Possédés,

Ne le sommes

Que par des

Laudanums.


Car les hommes d’ici, en Pierrots déboursés,

Hagards et sans plus de lune pour qui danser,

Comme en brumes diaphanes

Des belles nuits rhénanes,

S’évaporent à crédit, et leurs âmes tancées

Hosannisent leur fuite de gibier coursé.


J’ai bien ri

De ces cris

Guimauvés

De bonn’ gens.

Vous, sauvés,

Par l’argent ?


Des chers lieux d’autrefois, revus d’après ces choses,

Il vaut mieux oublier l’éternel non-retour.

A l’eau-faible gravés,

Les portraits dépravés

Des génuflecteurs du temps, sphincters de secours,

Orneront l’horizon dépeuplé qu’ils arrosent.


Sous les hêtres

Ils vont paître

La semence

De nos vies.

Quand je pense

Qu’Il sévit !


Dans l’attente de l’aube, arrimons les anneaux

Du supplice. Et alors, sous la lampe crevée,

J’en tire un, goutte à goutte,

Pour les gouverner toutes

Et les lier, dans la pénombre les rêver,

Sans bâtir le navire, ignorant les canaux.


Mais j’ai peur

De leurs pleurs

Vénéneux,

A ces femmes

Aux beaux yeux

D’oriflamme.


Sujet d’amour, sans plus de roi, sans plus de foi ;

Cette essence meurtrie qui inonde, vermeille,

La Substance étouffée

De ces dames les fées,

S’est trempée de soleil - poussiéreuse parfois -,

Pour montrer au monde ses immondes merveilles.


Et j’aimais

Les aimer,

Ces rondeurs

Égrenées

Aux pudeurs

Vénérées.


Aux voyages d’antan, n’ai plus d’ancre à donner.

Si je montre mon cul, c’est à Mathusalem,

Déchaîné, renchaîné,

Qui arrive en traînée

Dans mes heures d’oubli - et il croit que je l’aime ! -

Pour mendier des moments aleajactaés.


Les calices

Sont en lice

Pour le Sein

Sacrement.

J’en bois un

Goulûment.


Ravagée par le mal - diagnostic : clitonite -,

Clio la belle est morte et refile son jus

Au passant que Nous sommes ;

Sans aller jusqu’à Rome,

Le Temps se contracte en la devise que j’eus :

I have only one wrinkle and I sit on it.


Et la Muse

Qui s’amuse

Jette en l’air,

Aux ruelles,

Ses salaires

Menstruels.


J’ai moins de souvenirs que si j’avais dix ans.

Une armoire bien vide - un herbier à pistils

Gardant secs tous les Spleens,

Les amours alcalines -,

Cache mal l’assommoir tout ferré qui distille

Un éther trop tourbé pour remède au Néant.


Une strophe

Et puis pof !

Le retour

Giratoire

De mon tour

Rigolard !


Pour le monde il est temps de laver sa mémoire.

Phénomènes en bloc, sac à Beau, je sais, mais

J’aimais mieux, dans mon verre,

Rassembler la misère,

Et donner à celui qui ne lira jamais

Ce poème trop long, l’exorcisme des soirs.


Les premiers,

Les derniers,

Qui est qui ?

Sous l’pommier

Sont enfouis

Les deniers.


Au second Sieur « Semelles de Vent », ou quasi,

Dont la gloire a failli, né parmi les génies

Foisonnants - quel dépit ! -

De ton temps trop petit,

Clamant haut l’éternel lamasabachtani,

A toi, j’offre un presqu’alexandrin : voici.


Au pendule

Du recul :

Qu’il connaisse

Ce qu’il sonne.

Si omnes,

Ego non !

Créée

le 15 mai 2024

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Kavarma

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