Première fois que je m'attaque à Dostoeivski, de manière assez violente sans doute, sans aucune préparation, un peu comme si l'on jetait un enfant à l'eau sans assistance, devant se démerder seul pour apprendre à nager, la comparaison est un peu violente, car malgré les craintes que j'avais de lire "Les Frères Karamazov", de tomber sur quelque chose de très difficile à lire et d'alambiqué, j'ai été au contraire assez tôt rassuré de constater que finalement ce gros pavé fut largement accessible ! Je précise ainsi avoir lu la traduction de Markowicz qui est vrai, popularise en quelques sortes l'écriture, la lecture fut quand même un peu énervante au début du fait des virgules placés entre tous les 4 mots si bien qu'on finit de faire comme s'il n'y en avait pas, mais au fur et à mesure, on assimile finalement le style d'écriture sans broncher, ce qui n'est pas plus mal.


En fait la difficulté première réside surtout dans le fait de bien assimiler les noms des personnages et leur innombrable surnom (jusqu'à 5-6 pour un seul personnage, d'ailleurs je les ai noté au cas où). Une fois fait, on peut se plonger dans l'histoire, c'est suffisamment passionnant pour que jamais on ne lâche le livre, même si parfois on a l'impression que l'intrigue n'avance pas spécialement, c'est en fait pour mieux pouvoir développer les pensées et la psychologie des personnages ainsi que d'y distiller quelques grands moments d'échanges, d'envolées littéraires, de monologue ou de philosophie. Ce qui est intéressant c'est que ces passages là (le chapitre sur l'Inquisiteur, les échanges d'opinion sur la religion entre Ivan et Aliocha, la vie du staret Zosima, la visite du diable, voir même les plaidoiries d'une finesse et fluidité incroyable) pourraient se lire à part ou simplement plus tard, lorsque notre esprit plus mature se sera affermit permettant ainsi de saisir toutes (ou presque) les subtilités et les idées développé par l'auteur. Je l'ai ressentit en lisant certains passages, que seul un grand écrivain pouvait écrire cela, rarement je n'ai été comme ça emporté par les vagues dialectiques d'un auteur, jusqu'à en ébranler mon esprit.
Quand même, à l'époque les débats sur la religion, l'athéisme, c'était quand même d'un autre niveau qu'aujourd'hui où l'on ne jure que par le pathos, là y'a un vrai développement, une vraie réflexion, même si finalement on peut facilement ne pas être d'accord avec l'affirmation "Si dieu n'existe pas, tout est permis" sans pour autant tout rejeté non plus.


J'aimerais en revenir sur le premier fond de l'histoire, à savoir qui a tué ce Fiodor Pavlovitch ?


Il semble donc n'y avoir que deux suspects, Dmitri et Smerdiakov, (ou pire l'un des 4 frères, tant est que Smerdiakov est bien le fils de Fiodor) et qu'il soit fait en sorte pour que le lecteur pense qu'il s'agisse bien de Smerdiakov, mais ça ne pourrait pas être quelqu'un d'autre ?
Je me disais toujours que ça aurait pu être Khoklakova qui dit bien fermenter un complot contre Dmitri qu'elle déteste, dans le but de faire en sorte que Katérina (sa fiancée) aille rejoindre Ivan, amoureux d'elle et gendre idéal, à la fin du livre, on constate donc qu'Ivan se retrouve bien chez Katérina, bien qu'étant souffrant mais on peut imaginer qu'ils vont rester ensemble si l'autre ne crève pas, projet réussit donc ?
Et puis aussi, on remarque que Khoklakova est la dernière personne que Dmitri vient voir avant d'aller chez son père, il lui demande de l'argent et elle refuse, mais on peut penser à ce moment là que vu l'état de Dmitri, elle pouvait se douter qu'il allait ensuite aller chez son père, le tuer (peut-être), suivant les évènements, voyant que Dmitri n'a finalement pas tué son père elle aurait aussi pu se dire que c'était alors l'occasion rêvé pour enfin se débarrasser de Dmitri dont toutes les preuves le pointeraient du doigt de toute façon, mais par contre cela n'expliquerait pas comment elle a trouvé les 3000 roubles (si tant est qu'ils ont existés).
Bon je dit ça à chaud, sans avoir fait aucune recherche, peut-être cela paraît bien ridicule.


Chaque échange entre les personnages est vraiment un régal, chaque pensée distillé sur la religion, fascinante, passionnant aussi car finalement ce livre est assez moderne, ça n'a franchement pas vieillit comme lorsqu'il est évoqué l'avarice ou la solitude des riches dans ce nouveau monde qui change et se profile tandis qu'un autre meurt.


Quelle dommage enfin qu'on n'en saura jamais plus sur Aliocha dont "les frères karamazov" ne devait former qu'une sorte d'introduction à ce personnage, qui bien étant le plus magnanime des personnages se laisse un peu effacé au fur et à mesure par Dmitri dont on partage les souffrances, que serait-donc devenu ce Alexei ? Mystère insoluble..


Après être entré dans le grand bain, je me tâte de pouvoir découvrir les œuvres précédentes de l'auteur et dans quelques années, ou une vingtaine, redécouvrir "les frères karamazov" qui je pense, m'offrira une toute nouvelle compréhension encore imperceptible à mon âme.
En tout cas, n'ayez pas peur de lire Dostoeivski, notez juste bien les noms des persos et profitez d'une expérience littéraire unique.

Argentoratum
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le 18 janv. 2016

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