Omertà
5.5
Omertà

livre de Clara Lamarca ()

https://m.youtube.com/watch?v=4YR_Mft7yIM
(Chanson écoutée durant la rédaction de cette critique et la lecture du bouquin).


Voici donc, mes chers, une critique du livre Omertà. Oui, vous avez bien lu: ce livre que les sc-iens s'arrachent depuis des mois, celui en qui les uns ont trouvé leur révélation, peut-être l'expression d'une douleur profonde, tandis que les autres à sa lecture ont crié "Médiocre !" avec plus ou moins de dédain avant de le jeter à la corbeille à papier. Celui que sont en train de lire des gens qui, en temps normal, en l'apercevant sur Amazon, ne lui auraient accordé qu'un coup d'oeil vague et indifférent, avant de s'intéresser à, au choix, "Séduite par le milliardaire sexy" , ou encore "Auschwitz: les secrets bien cachés d'un camp de la mort". (Ben quoi ?) Le premier roman d'une jeune auteure, avec dedans, ses tripes, son coeur, ses artères, servis sur un plateau. Ce livre, donc, que moi aussi, poussée par la curiosité, j'ai un beau jour ouvert, comme ça, pour voir.


Vous êtes actuellement en train de lire une critique du livre Omertà. Excellent titre, très prometteur. Et jolie illustration de couverture. J'aime beaucoup l'air mélancolique de la jeune fille au premier plan, ses cheveux, et sa manière d'avancer parmi les autres comme on avance en territoire ennemi; cette fille perdue, presque intrigante, à qui on aurait presque envie d'adresser un sourire triste, de tendre la main et de...hem, non. Je n'ai rien dit. Tenons-nous en au sourire triste.


Je vous livre une critique du livre Omertà, lequel se lit très facilement, du fait de ses phrases et chapitres très courts. Sans aller jusqu'à dire qu'il est médiocre, ou même moyen, je lui reconnais un grand nombre de défauts, et des défauts de taille: une écriture parfois un peu simpliste (la répétition du mot "mille; mille sensations, mille idées..." dit une fois, c'est déjà un poil mièvre, répété dix fois, ça en devient un peu gênant) et explicative (on nous détaille en plusieurs lignes, voir un paragraphe, ce qui pourrait être résumé et compris en une phrase. Par exemple, pas besoin d'expliquer de manière claire que si la mère de Sam agit mal avec Sara, c'est parce qu'elle connaît la réputation de sa famille et a peur du qu'en-dira-on. On nous l'a déjà montré, au détour d'un dialogue, et au vu du contexte, le lecteur est, je l'espère, suffisamment malin pour faire ses propres déductions).
Elle s'améliore dans les chapitres sur Sam, qui apportent au récit une touche acerbe et analytique fort peu déplaisante, et reste malgré tout très efficace.
Je décèle également (comme cela a déjà été soulevé) des personnages trop manichéens: les deux héros, encore, ne le sont pas tant que ça au final. Pour ma part je ne les ai trouvés ni exceptionnels, ni abominables. Ils ont une certaine consistance (Sara moins que Sam peut-être, mais sans doute est-ce parce que l'on a accès à son intériorité qu'à la toute fin), et oscillent entre "normaux" et...autre chose, mais j'y reviendrai. Mais pour le reste...dépeindre de sales petits merdeux dont le passe-temps favori est de harceler ceux qui ne leur ressemblent pas, oui, OK. Des petites ordures dans leur genre, j'en ai côtoyé, et ça ne me dérange pas du tout qu'on les épingle. Seulement, au point de les rendre responsables de TOUTES les catastrophes du livre...l'incendie de la maison, ajouté au meurtre du père de Sara, qui est dit comme ça, sur la fin, sans plus d'explications, comme si c'était évident (ben oui, vu que Ryan est le méchant ultime, c'est logique que ce soit lui la cause des pires merdes...carrément affligeant, pour le coup). Et puis, pas un pour rattraper l'autre, quoi. Ils sont tous méchants, bourrés de défauts, sans possibilité de salut. Taillés à la truelle. Et côté adultes...la mère de notre héros, pour en revenir à elle, est exactement pareille. Pas la moindre subtilité dans son personnage, ni dans sa pensée. Les personnages secondaires positifs, quoiqu'assez peu marqués, viennent heureusement sauver la mise; l'auteure arrive en effet à les rendre assez vivants et touchants dans l'ensemble, ce qui est un bon point. Alors oui, on pourrait arguer que cette façon de représenter les personnages est inhérente au point de vue adolescent adopté par le roman, mais quand c'est traité de manière aussi grossière...la sauce a du mal à prendre.


Il s'agit d'une critique du livre Omertà, livre de personnages, et plus précisément de héros; car oui, il faut bien s'étendre sur eux à un moment donné. Et oui, ils ont quelque chose. Sara, en tout cas, a quelque chose, même si j'ai trouvé Sam plus attachant et réaliste (pas parce qu'il est trop beau, non. Juste intelligent et un poil plus complexe) . Mais il y a chez Sara une certaine légerté, une grâce, un truc qui accroche l'oeil. Chacun, par ce qu'il est, apporte au livre une certaine atmosphère, quelque chose qui ne donne pas envie de le lâcher, qui fait qu'on y repense, après l'avoir fermé, qui fait que nos héros et leur environnement se...coulent en nous. Même chose pour a ville d'Anviers, où l'action se déroule: elle n'existe sans doute pas, et l'auteure s'attache à nous la rendre détestable dès les premières lignes, mais elle arrive malgré tout à nous planter un décor solide, avec une histoire, une géographie, une âme...mine de rien, on se prend à aimer cette bourgade, qui devient elle aussi un petit personnage attachant, bien qu'imparfait. Les scènes d'amour entre les deux paumés, leurs serments de l'infini, leurs sentiments que l'autre leur apporte tout ce dont ils ont besoin et les fait exister plus que tout au monde, peuvent certes sembler maladroits et clichés, mais étrangement, ils sonnent juste. En tout cas, ça m'a parlé.


Encore un mot au sujet de l'écriture: c'est, je m'en rends compte, un procédé assez habile, que de mettre les chapitres sur Sara à la troisième personne, et ceux de Sam à la première: Sara est, pendant la majeure partie du livre, un être fragile, dont on a raboté l'existence, jusqu'à la priver de voix. De fait, elle est pendant longtemps, une silhouette que l'on observe agir, sans avoir accès à son intériorité blessée, comme si l'auteur voulait la protéger...(au contraire de Sam, qui, plus sûr de lui, a dès le départ mis une barrière entre lui et le reste du monde. Il est faible lui aussi, à sa manière, mais tente de ne pas laisser les autres prendre possession de son être). Ce n'est que dans les dernières pages, quand enfin, Sara se fortifie, et que sa peur disparaît, qu'enfin sa vision des choses peut prévaloir. Peut-être est-ce elle, au fond, la véritable héroïne du livre. Peut-être est-ce à elle de refaire le monde, de vivre pleinement.


Vous lisez actuellement ma critique du livre Omertà, et vous êtes arrivé au point de la fin (du livre). Elle n'est pas parfaite. Que devient Ryan? Les emmerdements judiciaires de Sara ont-ils été graves? Tout cela est survolé; ce ne sont pas les points sur lesquels l'auteure souhaitait s'attarder, et je peux le comprendre, mais je n'ai pas trouvé ça bien crédible. Et puis l'assassinat de Sam...non. Non, vraiment. On n'y croit pas. C'est tout. Dommage.
MAIS. Mais. La toute fin est jolie. La toute fin est émouvante. La toute fin donne de l'espoir. La toute fin rassure ceux qui se sentent seuls. La toute fin leur dit: "Accroche-toi ! tu peux continuer ! Bats-toi !" La toute fin leur tend la main. La toute fin est revigorante.


Pour clore ma critique du livre Omertà, je dirais que oui, il est bourré de défauts: pas très subtil, manichéen, quelquefois mièvre, parfois simpliste, souvent caricatural. Mais il est aussi beau, touchant, attachant, tendre, vivant, avec de petites lueurs de grâce par instants. C'est un premier roman, dirons-nous. Et autant un adulte aura peut-être du mal avec, autant un collégien mal dans sa peau et persécuté par ses charmants camarades pourra y trouver de l'aide (parce que oui, le harcèlement dans ce livre recèle aussi des accents de vérité. Il commence pour des raisons toutes connes, et s'accentue au fil des années, parfois de manière grave.)
En fait, je dirais même plus que de l'aide: il se peut peut-être que ce bouquin soit son allié. Je ne suis plus, ni collégienne, ni harcelée, mais sans doute qu'à une époque, dans ma pré-adolescence peut-être, Omertà m'aurait affirmée, donné un poil plus de courage. Peut-être, je ne sais pas. Je pense en tout cas, que pour des ados qui traversent une période difficile, ce livre serait utile. Et bénéfique. Et encourageant.


Ceci était mon avis sur le livre Omertà, et je me retire de la scène. Lumière éteintes. Rideaux. A la prochaine.


.....


PS: Et au fait, au sujet de la "guéguerre" qui a éclaté sur cette page, je ne me prononcerai pas. Je vous ai lus, tous. Chaque "camp" a ses torts et ses raisons, son intelligence et sa connerie, et j'ai pas à légiférer là-dessus. je dirai juste qu'il a été très sage de l'arrêter, parce qu'on était en train de passer à la phase "Bataille de yaourts à la cantine des CE1." Encore merci.

DanyB
6
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Créée

le 10 sept. 2017

Critique lue 513 fois

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Dany Selwyn

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