Déception voire deception

Clavier QWERTY : veuillez excuser l'absence d'accentuation. Les eventuelles coquilles ne seraient bien sur pas de la responsabilite du clavier.

Je renvoie a la critique de hubertguillaud pour refleter mon etat d'esprit a la sortie de la lecture de cet ouvrage. En quelques mots je suis non seulement decu (j'avais trouve le livre precedent de Servigne et Stevens "Comment tout peut s'effondrer" bien meilleur notamment par son aspect informatif clair tout en conservant une rigueur academique) mais j'ai le sentiment d'avoir ete floue : en presque 300 pages il n'y a aucun conseil pratique sur l'adaptation ou la resilience qu'ils pronent face a l'effondrement systemique qu'ils anticipent ; une demi-page du "Survivre a l'Effondrement Economique" de Piero San Giorgio est bien plus efficace (j'emploie ce terme a dessein, sachant que les auteurs ne l'aiment pas) tant conceptuellement que pour des conseils pratiques et j'irais meme jusqu'a dire que l'Archeofuturisme de Guillaume Faye (que je n'avais pourtant absolument pas lu dans une optique collapsologique ou survivaliste) propose une philosophie de resilience a l'effondrement beaucoup plus limpide et localiste, ou du moins europeaniste (Faye ne va pas chercher un mode de vie fantasme chez des peuples premiers d'Afrique, d'Asie et d'Amerique latine, il propose de puiser dans la tradition europeenne, contrairement aux auteurs du present ouvrage qui ne font qu'evoquer en filigrane cette tradition).

Si je devais grossir le trait, j'ai eu l'impression d'avoir affaire a un livre de developpement personnel s'adressant aux profils sociologiques types des lecteurs de l'ouvrage : des Blancs urbains, eduques du superieur, voire evoluant professionnellement dans le milieu academique, et votant a gauche (gauche radicale reformiste) ou ayant des opinions de gauche anarchisante revolutionnaire. On retrouve ainsi une partie pour repondre a la fragilite mentale personnelle face a la perspective d'effondrement (d'ailleurs c'est pour moi la meilleure partie, j'y reviendrai), une deuxieme partie sur la necessite de repenser les paradigmes scientifiques (tout n'est pas a jeter la dedans, c'est juste que ca reste a mon avis tres brumeux pour le lecteur n'evoluant pas dans le milieu academique et cherchant des solutions concretes, localistes, adaptees a son environnement) et une troisieme partie pour elaborer une "nouvelle sagesse" par rapport a l'effondrement (j'apprecie l'audace de sortir des sentiers battus mais j'ai trouve que c'etait la partie la plus ratee, deja pour mes nombreux desaccords ideologiques avec les auteurs^, mais surtout bien plus encore parce qu'on flirte avec le new age et la parodie au sens guenonien, du yoga californien imprime sur du A5 en quelque sorte).

Pour finir quand meme sur quelques bons points :

- la premiere partie qui traite des aspects psychologiques face a l'annonce de catastrophes, qui compte tout de meme une pointe de new age ;

- le passage pro-nataliste p. 100-104 (pagination de la premiere edition Seuil) que je trouve de bon aloi, et qui contraste avec ce qu'on attendrait d'une gauche "effondrementiste" ;

- la metaphore des 400 esclaves energetiques p. 200-201 qui me parait extremement parlante pour evoquer le niveau de vie europeen et la necessite de l'entraide pour combler l'amenuisement de l'acces aux energies fossiles ;

- de facon generale, j'ai retrouve la meme rigueur academique dans la construction de l'ouvrage que dans "Comment tout peut s'Effondrer"

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^ : Parmi mes grands desaccords ideologiques, je citerai :

A] le chapitre 7 (partie 3) specifiquement sur l'entraide. Au moment ou j'ecris ces lignes je n'ai pas lu l'ouvrage de Chapelle et Servigne sur l'entraide, mais s'il est de ce niveau, je me dis que j'ai bien fait (faisant plus de 380 pages j'ose esperer qu'il va en profondeur). En gros l'entraide est inconditionnelle, elle depasse toute notion de frontiere administrative, culturelle, ethno-raciale et dans cette perspective, la disparition de la Nation est meme souhaitable (alors meme, comble de l'ironie, que la Nation est peut etre l'un des seuls ciments permettant d'envisager autre chose qu'une pure logique ethno-raciale ou du moins ethnique, comme le montre la France regroupant Basques, Catalans, Bretons, Occitans, Alsaciens, etc.). Etant de droite (au sens que je reconnais l'existence d'inegalites fondamentales entre les humains et les groupes humains), je ne peux que souligner le manicheisme/idealisme/irrealisme (meme nie) des auteurs a la fois

=> (i) dans le refus de voir que le principe d'entraide et de collaboration peut coexister avec les principes de competition et d'excellence, qui rappelons le sont pour moi est inevitable que ce soit au sein du groupe (ou il y aura toujours une minorite de personnes mieux dotees genetiquement, qui seront plus belles, plus fortes, plus intelligentes, plus charismatiques, meme dans des structures sociales dites "primitives" n'ayant pas de droit de propriete au sens occidental par exemple) ou entre groupes (l'etablissement de rapports pacifies entre groupes exige souvent, pour ne pas dire mieux, l'etablissement en amont de rapports de force) ;

=> (ii) dans le refus de voir ou de souligner que le principe d'entraide et de collaboration n'est absolument pas incompatible avec l'existence de structures hierarchiques pyramidales etatiques, proto-etatiques, clericales etc. pour le meilleur et le pire (je tend ainsi a penser que c'est la superiorite organisationnelle des puissances occidentales, plus que leur superiorite technique, du moins dans un premier temps, qui a assure leur suprematie sur des non Occidentaux pendant 4 ou 5 siecles et je dis ca sans allegresse car je pense que l'Occident se mange aujourd'hui un retour de baton par auto-culpabilisation, ethnomasochisme et nihilisme) ;

=> (iii) dans le refus ne serait-ce que d'evoquer la large litterature academique sur les effets de la fractionnalisation ethnique et de la polarisation ethnique (ou du fait multiracial pour dire autrement), qui pointe notamment sur des risques accrus de conflits civils et de violence, la possibilite d'un affaissement de la collaboration sur des interets communs y compris entre des peuples proches genetiquement mais n'ayant pas de traditions historiques d'unite politique ou encore l'erosion de la confiance et du capital social. Je ne parle meme pas la des auteurs "interdits" ou "maudits", tels Charles Murray, Richard Herrnstein, Richard Lyyn (sur la relation entre races et intelligence notamment), R. Camus (sur le GR) ou encore Laurent Obertone. Au moins le politologue de gauche Yascha Mounk aborde frontalement la question multiraciale et la possibilite de solidarite collective dans son ouvrage "La Grande Experience" (que je n'ai pas lu au moment ou j'ecris ces lignes).

B] Dans le prolongement, j'ai note dans le chapitre 5 (partie 2) l'apologie du pluriversalisme (concept de gauche de coexistence de plusieurs visions de l'universalisme ou du moins de l'universel) des auteurs, c'est a dire du dialogue de differentes visions du monde de differents peuples. Par ethno-differentialisme, je ne peux pas blamer cette demarche, je pense que chaque peuple a droit a la difference, justement, et a la dignite, mais sous la plume des auteurs ce sont les Occidentaux qui ont imperativement a s'ouvrir aux autres visions du monde, sachant que pour eux (les auteurs) vision du monde Occidental se resume au rationalisme cartesien et au materialisme de Francis Bacon (j'exagere a peine). Il doit y avoir une demi page dans l'ouvrage sur l'existence du celticisme, de l'esprit des lieux russes dont pourraient egalement s'inspirer les Occidentaux...

C] Apologie constante presque risible du bon sauvage, deja largement remise en cause par le biologiste de gauche Jared Diamond a la fois dans "Effondrement" et dans "le Troisieme Chimpanze" que les auteurs connaissent forcement et qui montre notamment que les peuples premiers, incluant donc les chasseurs-cueilleurs ont egalement pratique l'ecocide y compris a grande echelle.

D] Non pas un desaccord en soi, mais une remarque amusee, la critique de la modernite (les sorcieres brulees surtout pendant la Renaissance) et du progres technique rejoignent parfois totalement les reproches d'une droite anti-Moderne qu'on pourrait aussi qualifier de "bio-conservatrice" (autrement on est pas toujours tres loin d'Alain de Benoist, a l'insu du plein gre des auteurs). Parenthese sur les sorcieres, je ne vais pas faire ici de critique du feminisme (j'ai ma propre opinion tranchee mais je la developperais le jour ou j'aurai le courage de me lancer dans un ouvrage a proprement parler ecofeministe), je note avec un certain interet la reappropriation de la figure de la sorciere par les feministes, qui pour le coup peut ouvrir une porte d'entree vers un heritage francais et europeen a partir du folklore et de l'Histoire. Peut etre justement de quoi me faire lire le Mona Chollet sur les sorcieres un de ces jours.