Voilà quelque chose qui n'était pas gagné d'avance.


Les quatuors à cordes ne font pas particulièrement envie a priori, ma petite imagination me faisait personnellement présager les pires pièces molles et ennuyantes possibles avant même que je sache ce dont il s'agissait vraiment. La jolie musique d'ambiance bonne à passer chez mémé, bref, ça ne vaudrait quand même pas une symphonie épique, un grand concerto ou une sonate.


Maintenant, le truc, c'est que le bon vieux Ludwig est passé par là, et il a violé le genre à multiple reprise. La bien bonne grosse fugue est son dernier méfait, la pièce ultime, la plus osée, celle qui a mis un siècle à être comprise et aujourd'hui je ne la conseillerais même pas à vos amis pour faire découvrir la musique classique. Oubliez la très complaisante neuvième symphonie, on est ici dans un autre monde.


Je ne sais pas ce qui est passé dans la tête de Joseph Haydn lorsqu'il décida de prendre la forme de musique de chambre très courante et de virer d'un coup tous ces instruments à vent qui étaient pourtant très agréable à l'oreille. Il réussi pourtant à se dépatouiller pour en faire un genre de référence avec son style mélodieux habituel. Mais ce que Beethoven a compris, c'est que le quatuor à corde est définitivement moderne par essence : seulement des cordes qui crissent dans tous les sens, des sons et des coups d'archet secs qui vous écharpent les oreilles, des mélodies affreusement arides, même pas une petite clarinette pour rattraper le coup, non, contrairement à la symphonie, tout est tranchant là-dedans. C'est donc dans ce genre que Beethoven a écrit ses pièces les plus intimes et les plus torturées.


La Große Fuge est le summum de tout son répertoire pour cordes. Cette pièce est monstre difforme d'une laideur inégalée dans son développement et là réside tout son génie. Tout ce que vous entendrez lors des 5 premières minutes est une sorte de cri atroce sans fin, une tentative pour se surpasser à chaque note et un échec à la suivante, une frustration permanente qui se poursuit encore et encore et encore... La pièce se trémousse, part dans tous les sens, se convulse comme un écorché agonisant. le seul équivalent dans le répertoire de Beethoven est peut-être l'opus 111, la dernière sonate. Mais ici en lieu et place du piano, il y a la magie du quatuor qui vous crache aux oreilles sa douleur avec une ardeur à faire pâlir les fans de Death metal. Vous ne pouvez pas y être indifférent. Et dieu sait que si vous êtes normal, vous ne l'aimerez pas. Le passage plus lent qui suit ne sera même pas une consolation, car suivi d'un passage encore plus atroce.


Et pourtant, ceci est la plus grosse tuerie du répertoire Beethovenien. Ce n'est même plus du classique. C'est... autre chose.


https://www.youtube.com/watch?v=XEZXjW_s0Qs

Erw
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes «Beethoven ne savait pas composer de fugue !» et Beethoven : pris dans les cordes

Créée

le 26 déc. 2013

Critique lue 110 fois

4 j'aime

Erw

Écrit par

Critique lue 110 fois

4

Du même critique

Master of Puppets
Erw
5

Critique de Master of Puppets par Erw

Pendant longtemps je crois, j'ai essayé de cacher ma véritable nature. Je ne voulais pas vraiment admettre quelque chose qui semblait contre-nature, vous savez. Je me suis fui, sûrement à cause de...

Par

le 9 août 2013

38 j'aime

36

F♯ A♯ ∞
Erw
7

Habiles charmeurs

Ce fut mon premier contact avec le groupe. Godspeed You! Black Emperor est devenu en quelque sorte les Pink Floyd des hipsters. Voilà les messies, les artistes contemplatifs au sublime son qu'il est...

Par

le 31 mars 2013

32 j'aime

8

The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators
Erw
8

Critique de The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators par Erw

1966, le psychédélisme s'assume pleinement. Les Beatles sortent Tomorrow Never Knows, les Byrds enregistrent Eigh Miles High et au milieu de tout cela, une petite bande de drogués prenant très au...

Par

le 8 mai 2012

29 j'aime

1