Une petite perle télévisuelle inattendue
Nul doute, l'année 2013 est un plutôt bon cru pour les nouvelles séries. S'il y a comme d'habitude un certain lot de séries plutôt moyennes comme Cult ou simplement ennuyeuses comme The Following, il y a suffisamment de réussites pour qu'on soit satisfait de ce premier semestre. Entre Vikings ou les franches réussites comme House of Cards et la pourtant très britannique, légèrement déjantée, Utopia, j'oserais même dire que c'est une excellente année. Cependant, ma préférence n'ira pas pour ces séries plus ou moins attendues et attirantes sur le papier, mais plutôt vers la plus discrète The Americans.
Difficilement amateur d'histoires de famille à la télévision, souvent moralisatrices et dotées d'acteurs peu convainquants, cette histoire d'un couple d'espions du KGB envoyés aux USA pendant la guerre froide et de leurs enfants n'avait pas grand chose pour attirer mon regard. Bref, je n'en attendais rien et sans une passagère période d'ennui un samedi après-midi je serais passé à côté comme le vieil aigri que je suis.
Car The Americans est une série formidable, ne contenant que très peu de faux pas et servie par d'indéniables qualités.
D'abord cette réalisation globalement juste, sans esbrouffe ni prétention, suffisamment dynamique pour rendre l'action et ne pas s'avérer trop molle durant les dialogues. Des scènes d'action et de tension plutôt bien montées et mises en scène. Une sobriété et une forme de sécheresse qui permet d'éviter tout triomphalisme mal venu. On pourrait éventuellement lui souhaiter d'avoir plus de classe, plus de gràce même, à l'instar du premier épisode de House of Cards (Merci David Fincher), mais pas réellement davantage.
Mais la grande force de The Americans, c'est son scénario et plus particulièrement l'écriture de ses personnages dignes de ceux créés par Mark Boal dans le très bon Zero Dark Thirty. Ainsi, l'immense majorité d'entre-eux, même quand ils n'apparaissent que ponctuellement, dégagent une profondeur plutôt surprenante. Ainsi Claudia, la femme responsable de notre couple d'agents russes, n'est pas la simple idiote bureaucrate que l'on pourrait craindre, tout comme le collègue de l'agent du FBI cache davantage que le cliché d'un latino coureur de jupons. Et les héros échappent de la même manière à la facilité et aux clichés trop évidents. Je suis un peu plus réservé sur les enfants et j'espère qu'ils ne deviendront pas un poids pour la série mais les rôles adultes sont tout à fait remarquables.
On apprécie notamment l'humanité des personnages principaux, ce ne sont pas des héros sans faille ou sans peur. Évidemment, ce ne sont pas de vulgaires tâcherons idiots facilement vaincus ou mis en déroute, mais on les voit évoluer dans la difficulté, dans le doute, et parfois même se laisser avoir par leurs émotions. Une humanité qui les rend attachants sans forcément les pardonner. Autant pour les Jennings, que les autres russes ou les agents du FBI. Aucun n'est vraiment glorifié, aucun n'est vraiment à l'abri, et surtout aucun ne triomphe personnellement.
Leurs victoires sont souvent amères, quand on peut les désigner comme des réelles victoires, et les personnages ne sortent jamais grandis d'un meurtre, d'un enlèvement, d'une trahison, ou même d'un adultère. C'est important, et c'est un des grands atouts de la série.
Bien sûr, les relations entre les personnages sont essentielles dans la série, qui agissent comme le véritable fil conducteur plus que l'espionnage, sont globalement réussies. L'histoire entre l'agent Beeman et sa femme étant la seule vraiment décevante, mise en arrière plan et ne réussissant jamais à devenir intéressante. Les autres évoluent dans un sens appréciable, traduisant bel et bien l'idée que les personnages sont davantage que leur apparence première. Des personnages d'autant plus appréciables qu'incarnés par de bons acteurs, et je suis tombé amoureux de Keri Russell.
Enfin, et cela rejoint globalement l'absence de triomphalisme tant dans la mise en scène que dans le scénario, The Americans a le mérite d'envoyer paître les considérations partisanes ou patriotiques. La série se moque de savoir réellement quelle nation est la meilleure, on ne dépeint pas davantage le KGB et la Russie comme un endroit détestable que les USA comme le jardin d'Eden.
On note simplement que certains des personnages russes expatriés semblent avoir des doutes sur leur patriotisme et sur le bien fondé de leur action là où les personnages américains ne doutent pas, ce qui est non seulement logique (les agents américains présentés n'ont pas l'opportunité de se faire un jugement sur place de la situation soviétique) mais surtout ne signifie pas pour autant une prise de parti pro-américaine de la situation. L'intérêt est dans les personnages, pas dans l'idéologie et la patrie.
En dehors de tout coup de coeur personnel qui donne un 9 plutôt qu'un 8, The Americans est indéniablement une des séries les plus intéressantes de ces dernières années, l'indifférence générale autour d'elle est regrettable, essayez-la.
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