Un classique instantané

la French Touch au sommet, voilà comment on pourrait résumer cet album. Le terme est aujourd'hui galvaudé, mais à une glorieuse époque, au carrefour des décénnies 1990 et 2000 ce n'était pas du tout le cas il s'agissait d'un véritable label d'excellence tant les productions haut de gamme s'enchainaient. Et parmi elles on trouve donc ce 10000 Hz Legend, deuxieme livrée de la toute jeune carrière du groupe français.

Un deuxieme opus qui tranche avec son illustre prédécesseur, "Moon Safari" et même avec la BO du film "Virgin Suicide" sortie entre temps. Question inspiration, la fibre nostalgique a été activée et les duettistes semblent rendre hommage à leurs maitres spirituels des décénnies 1970 et 1980. D'emblée, "Electronic Performers" sonne comme la rencontre improbable entre Roxy Music et Prince ou plutot comme si le regretté Kid de Minneapolis avait joué dans le groupe de Bryan Ferry... Poursuivons l'écoute du disque et enchainons avec "How Does It Makes You Feel" et son refrain qui trotte longtemps en tête et ses harmonies prononcées qui évoquent le rock planant mais aussi Paul Mc Cartney et ses Wings. Le Bowie du début des 80's voir même de sa trilogie berlinoise transpire de tous les pores musicaux de "Radio N°1"

Les brassages se poursuivent plus loin... Ainsi, "Vagabond" , co-écrit et chanté par un certain Beck Hansen (oui oui, LE Beck auteur de l'immortel tube alternatif "Loser" dans les années 90 !) et avec son harmonica, semble être un mariage improbable entre le Morricone des années Sergio Leone, genre "Il Était une fois dans l'Ouest" avec du Kraftwerk ! Un autre titre évoque la musique de film, le céleste "Radian" qu'on imagine très bien sortir d'une composition de Hans Zimmer (Gladiator, les Batman de Nolan...) mariée à de la musique planante. Bien plus que de l’assemblage sans âme on a affaire à un travail artistique organique, impressionniste mais pas trop, abstrait sans l'être autant que d'autres pépites de ce début de décennie 2000 comme le dyptique "Kid A / Amnesiac" de Radiohead mais le résultat est aussi profond que réjouissant.

Cette electro-pop est en fait aussi belle à écouter qu'elle est cérébrale, tout en gardant un brin de légèreté voir de folie . Certains titres tels "Lucky & Unhappy" détonnent par leur audace musicale, tout comme "Sex Born Poison" qui donne l'impression de se lâcher voir de s'abandonner comme un rivage après la marée. Depuis son Home Studio, Air se lache vraiment comme pour "People in The City" qui sonne urbain et grouillant de vie tout comme le siffloté "Wonder Milky Bitch" et l'up-tempo "Don't Be Light"... Le tout avec une humilité rare. Après le succès du premier album , Air aurait pu se permettre de capitaliser encore un moment et resservir la même soupe, si onctueuse. Il n'en est rien, et effectuer aussi vite une remise en question qui est autant une prise de risque en dit long sur la mentalité de ces gars-là.

Pour finir, si on devait situer cet album dans le vaste univers de la scène electro française, on pourrait le placer à mi-chemin entre la famille electro grand public car un peu moins simple d'accès que ses contemporains "Discovery" de Daft Punk" ou "United" de Phoenix, et des références plus pointues sorties à la même époque comme "Unreasonable Behaviour" de Laurent Garnier (dont la pochette illustre l'avatar de votre serviteur) et "Tourist" de St Germain. Je le considere comme tout aussi indispensable qu'eux et il démontre encore une fois le haut niveau qualitatif et quantitatif de la scène électronique française en ce temps-là. La French-Touch, la vraie c'était ça !