On ne devrait jamais faire de prédiction : à l'époque de son précédent album Program music and I, j'imaginais que son compositeur, Kashiwa Daisuke, allait finir par faire des BO de films. Raté, c'est son copain de label, Kazumasa Hashimoto qui s'y colle pour le cinéaste Ryuichi Kurosawa. Ce qui n'empêche pas Daisuke de sortir un nouvel album, évolution normale du précédent, un album qui alterne le pire et le meilleur. Toujours entièrement instrumental, 5 dec navigue toujours entre électronique et classique. Mais plus que jamais, le Japonais, découvert par Sakamoto, rate le coche dès qu'il joue sur le trop plein dans sa musique. Franchement lourdingue sur Requiem qui concasse un choeur de Requiem dans une techno bruitiste tendance Thunderdome. On envisageait l'emphase, on n'imaginait pas d'avoir envie de vomir. Sur Taurus prélude, le Japonais s'attaque à Bach, rien que ça, et à un air de clavier qui, sous les coups de boutoirs électroniques, n'est plus si tempéré. Pénible et re-pénible. On se dit que Daisuke réussit à mêler ensemble les clichés les plus préjudiciables du néo-classicisme pompier et d'une certaine électronique un peu stériles. Mais ce n'est pas tout. Sans doute pour signifier que s'ouvre dans la musique les portes de l'enfer, une guitare hard rock vient rugir de manière récurrente sur l'album.
On comprend le pourquoi, on en déplore le comment. Trop, too much, re-too much. Peut-être que Daisuke croit que l'originalité de sa musique arrivera de ce gloubi-boulga musical. C'est vrai qu'un titre comme Red Moon doit tout à Keith Jarrett (même si le résultat ressemble davantage à Eric Serra). Tout le début de l'album est donc raté. Mais la deuxième partie redresse la barre. Peut-être qu'une partie de l'ego de Daisuke est tombé malade à ce moment, ce qui nous fait des vacances. Quoiqu'il en soit, avec un piano modeste ne jouant que sur la résonnance des touches volant sur de fines programmations minimales, le Japonais laisse entrer un peu d'air dans sa musique et ainsi une sensibilité jusqu'alors absente. Bien sur Silver moon, très bien sur Broken device, plus minimaliste encore avec un piano de plus absent et une électronique impressionniste. Le Japonais ré-introduit plus d'éléments ensuite dans une troisième partie où le bon équilibre est peut-être enfin trouvé : un violon, une harpe, un piano digne de Rachmaninov mais qui trouve sa place, une rythmique jungle (Aqua regia), Daisuke trouve peut-être son style. Un peu tard pour 5 dec, mais cela laisse de l'espoir pour le prochain.