AAAAGGGHH
7.8
AAAAGGGHH

Album de The Doppelgangaz (2018)

Four A's, Three G's, Two H's ; write that shit down

Je dois commencer par dire certaines choses pour ne pas être malhonnête. Petit historique, qui fera aussi office de critique rapide de leurs sorties depuis 2014.

D'abord, je suis un grand fan des Doppelgangaz. Je les ai découvert en 2011, après la sortie de Lone Sharks, je suis tombé immédiatement sous le charme. Je me suis par la suite beaucoup intéressé au duo, j'ai écouté attentivement toutes leurs sorties, je les ai toujours soutenu, via achats, pré-commandes, merchandising, ils prêchaient donc souvent, au fil de leurs sorties, un convaincu. Mais peu à peu, à partir de Peace Kehd (2014), le son s'était fait plus synthétique, la veine boom-bap s'amenuisait, ils expérimentaient sur d'autres terrains, tout à leur honneur, mais il faut être honnête, avec une qualité moindre. Parts Unknown, BFB 3 et 3.5 sont des projets que j'ai écouté avec attention, mais que j'ai très peu réécouté. Je n'étais plus emballé comme par le passé : si je revenais beaucoup à leurs productions 2009-2013; le reste n'était clairement pas ma came à quelques rares exceptions près.

Dopp Hopp avait fait revenir un peu d'espoir, car le single et quelques tracks valaient le détour. Même une ou deux pistes avec Thonio, le gaillard autotuné, m'avaient fait bouger la tête. Malgré l'effort, salué, Dopp Hopp non plus n'était pas ce que j'attendais. Annoncé début 2018, AAAAGGGHH, qui présente un côté plus artisanal à travers ses visuels, m'intrigue, mais sans grand espoir non plus. Je le pré-commande, dans le doute.

Et franchement j'ai pris une bonne gifle.

D'abord, l'AAAAGGGHHtro, qui nous met d'emblée dans l'ambiance avec son petit sample de guitare électrique, et qui nous rappelle des heures très heureuses du ghastly duo et qui annonce un album plus proche du son de la grande époque. Mais tout de suite après, "Mootah Feekah" nous assène fermement une instrumentale brutale, annonçant la violence avec une voix pitchée : rien de commun avec du boom-bap. Mais le beat est excellent, l'ambiance glauque à son paroxysme, c'est clairement un son qui aurait pu faire office de single, totalement réussi. Les singles d'ailleurs, diffusés avant la sortie de l'album, sont des sons un peu plus tièdes, assez bons, mais sans identité très forte, comme si les Doppel avaient cherché à surprendre, à garder le secret avant la sortie de l'album.

Et c'est vrai que l'album est surprenant de bout en bout, car après ce "Mootah Feekah" qui nous a couché, on retourne dans la douceur des craquements de vinyl et des samples de piano jazz sur "Heart ov Hearts", comme pour se remettre doucement. L'album va suivre dès lors ce rythme, alternant des prods synthétiques, sombres, plus agressives (ne vous attendez pas à de la trapcore non plus), et des prods très boombap, jazzy, dans des ambiances feutrées. L'interlude "Back Page" est tout à fait dans le ton de leurs premiers albums. AAAAGGGHH c'est un peu la madeleine de Proust du fan des Doppelgangaz (qu'est-ce-que je suis en train de dire putain...), mais qui ne fait pas de fan service pour autant, en laissant une bonne place à des instrus clairement plus dans la veine de leurs derniers projets, que je trouve d'ailleurs plus réussies.
"BCMTFO" à l'apogée de cet album, reprend un sample, pitché différemment, de l'outro de "Nexium" (tmtc), époque Lone Sharks, et très honnêtement pour un fan inconditionnel comme moi ça fout des frissons. L'espace de trois minutes, je retourne en 2011, quand je les ai découvert, et je respire l'odeur du café chaud dans ma cuisine glaciale d'étudiant (j'en fais trop là non ?). Non mais sans rire, c'est une très bonne track, même pour ceux qui n'ont jamais écouté les Doppel en 2011.
Même si je suis moins fan des feats avec Thonio généralement, d'une part parce que ce style de chant me gave, d'autre part parce que je pense que les Doppelgangaz ont une trop grosse identité artistique pour faire des featurings, même avec leurs potes, et que finalement ils y perdent, la dernière piste de l'album clôt l'ensemble avec brio.
Je n'ai pas encore eu le temps de m'intéresser en détail aux lyrics : connaissant les loulous, ça a des chances d'être barré, bien branlé et plein de métaphores médicales et gastronomiques. Que du bon donc.

Pour moi, en plus d'être un très bon album, qui malgré ses écarts évidents de style, reste très cohérent et ultra bien produit, c'est un album qui me fait vibrer et me redonne complètement foi dans les possibilités des Doppelgangaz dans le futur. Au moment où la confiance s'épuisait, les kehds ont réussi à me faire voyager, et à me dire "on est là mon gars, on lâche rien, et on va continuer à tout péter". Pour ça, je leur dis merci, et je continuerai à les soutenir coûte que coûte, parce que le chemin du rap indé underground est long et semé d'embûches...

PS : je m'excuse pour une critique sans doute trop longue, et assez centrée sur mon propre rapport avec les Doppelgangaz. Mais bon, après tout, personne n'écrit sur eux sur SC, alors je m'en charge à ma manière. Bisous.

Cachalot
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 13 mai 2018

Critique lue 153 fois

2 j'aime

3 commentaires

Cachalot

Écrit par

Critique lue 153 fois

2
3

D'autres avis sur AAAAGGGHH

AAAAGGGHH
BenoitRichard
7

Critique de AAAAGGGHH par Ben Ric

Toujours aussi prolifique, le duo The Doppelgangaz enchaîne les albums à un rythme régulier. Les deux rappeurs-producteurs new-yorkais EP et Matter ov Fact proposent une nouvelle déclinaison de le...

le 31 mai 2018

Du même critique

States of Grace
Cachalot
8

Ou comment frapper une bagnole à coups de batte résoud tous les problèmes.

Un film indépendant américain plein d'une poésie devenue rare, avec un style bien à lui. Ce qui est absolument désarmant avec ce film c'est qu'il fait beaucoup avec très peu, c'est à dire une mince...

le 11 oct. 2013

7 j'aime

The Age of Reason
Cachalot
9

Bluestep

Je suis étonné des notes moyennes voire mauvaises que reçoit cet album de Gramatik. Peut-être qu'il a finalement déçu les puristes de la dubstep, de l'électro ou ceux plus adeptes du son des...

le 5 févr. 2014

6 j'aime

As I Lay Dying
Cachalot
7

Quête spirituelle au matérialisme débordant.

Voilà un vrai défi pour James Franco, dont ce n'est pas le premier film en tant que réalisateur, bien que trop semblent l'ignorer et le critiquent sans même s'être renseigné sur la carrière du fameux...

le 10 oct. 2013

5 j'aime