Airs
7.8
Airs

Album de Loren MazzaCane Connors (1999)

Quelques notes traversent l’espace puis plus rien et c’est le temps qui s’invite à l’égarement.
Quelques notes abandonnées sans état d’âme au grand vide, qui s’y mêlent, qui s’y perdent et se retrouvent, s’assemblent et puis s’envolent. Le monde sonore de Loren Mazzacane Connors a la géométrie variable de la liberté, des murs qu’on repousse sans cesse. Sa complainte instrumentale trace les courbes de son existence au pied levé, chaque note déposée rebondit sur la précédente, appelle de ses vœux la succession des arpèges à venir.


L’automatisme fondamental à l’expression sincère est loi en ces lieux incertains. Il prend le sens que chacun voudra lui concéder ; supplique abstraite ou langoureuse et c’est un bout d’homme que voilà, modelable à merci, vecteur émotionnel assujetti au temps de l’écoute, au vécu tout autour, aux résonances lointaines.
C’est un automatisme libérateur, philosophique, l’utopie du subconscient extrait sur microphone. La mise en œuvre pratique et électrique d’un idéal créatif.


La guitare est reine bien sûr, seule à bord, mais extension rare de l’esprit d’un musicien pour qui musique et existence ne sont qu’un. Loren compose comme il respire et offre à l’improvisation ses lettres de noblesse, un touché magique, manifestation concrète de ce qu’est la sensibilité dans l’inconscient collectif.
Elle est l’outil initiateur de cette beauté impersonnelle, l’esquisse encore à gribouiller aux couleurs du moment.


Ce ne sont que quelques notes, disséminées à tout hasard, égrenées comme on sème un jardin, sans but apparent, décorrélées du sens commun.
Car d’absolu il n’y a point.
Rien qu’un grand vide à emplir, une toile vierge à esquisser, peut-être une porte à ouvrir dans le cœur du plus hardi. Airs a et aura de multiples existences, rocambolesques ou quotidiennes, toutes plus éphémères les unes que les autres et c’est là leur force unique, l’urgence vitale qui les anime, l’imminence de leur terme.
Quand la dernière note se sera éteinte, Loren disparaissant sur la pointe des pieds, te laissant seul avec toi-même, alors la toile sera à nouveau vierge, le vide plus vide encore, tout sera à recommencer.

-IgoR-
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le 13 mars 2016

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-IgoR-

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