Comment se relever de la mort d'un membre quand on est l'un des plus grands groupes de l'époque? La réponse est presque toujours en se remettant au travail à 1000%. Ce fut le cas pour AC/DC en 1980. C'est le cas aussi pour Metallica. En 1986, un stupide accident de bus leur fait perdre leur bassiste. Après avoir brièvement évoqué une éventuelle rupture, le groupe se décide à continuer l'aventure, ne serait-ce que pour honorer la mémoire du défunt Cliff Burton. Le groupe se met donc au travail, d'abord en terminant la tournée Master Of Puppets. Pour cela ils recrutent un tueur à la basse en la personne de Jason Newsted (ex Flotsam and Jetsam). Ce dernier vit un rêve éveillé quand il apprend que son groupe préféré l'a embauché. Rêve qui va vite tourner au cauchemar. En effet, les trois autres membres du groupe vont lui en faire voir de toutes les couleurs, comme s'il était responsable de la disparition de leur ami. Il leur servira de punching ball pendant des années et sera leur victime favorite, comme s'ils déversaient toute la colère ressentie sur ce pauvre homme. Vous vous dîtes que tout ça n'a aucun rapport avec une critique d'album mais ça en a un énorme. Car ce ...And Justice For All est le premier album de Metallica sans le regretté Cliff, et que sa disparition a une énorme incidence sur tout le disque. Tout d'abord, commençons par le principal défaut de cette galette : le son. Il n'y a aucune trace de basse sur cet album. Les parties du pauvre Jason sont tout simplement noyées dans le mix comme si le terrain était chasse gardée de Cliff. La batterie est ultra sèche, ce qui n'est pas un défaut je trouve qu'elle sonne parfaitement. Le reste n'est pas mal non plus mais cette absence de basse qui est contrebalancée par des guitares aux graves insupportables est difficilement appréciable. Voilà pour ce qui est du son.
En perdant Cliff Burton, le groupe a non seulement perdu un ami et un bassiste, mais ils ont aussi perdu un formidable arrangeur et un dieu de l'harmonie. Les membres restant se trouvent un peu orphelins et démunis et ont donc tenté de remplacer Cliff comme ils ont pu. Ce qui nous donne un album qui peut paraître parfois assez décousu, en tout cas, très progressif et riche en morceaux à tiroirs (The Shortest Straw, The Frayed Ends Of Sanity, ou le morceau titre en sont de très bons exemples). En effet j'ai lu dans une interview que le trio Hetfield/Ulrich/Hammett, au moment d'aborder l'écriture de l'album, se sont mis à pondre des riffs qu'ils ont collés ensemble pour tenter de trouver une certaine harmonie chère à Cliff Burton. Ce procédé nous donne donc des morceaux qui sont une sorte de patchwork de riffs mis bout à bout, et, aussi surprenant que cela puisse paraître, le groupe réussit à en faire des chansons géniales. Adoptant le même "schéma narratif" que Master Of Puppets, ce disque nous présente une facette encore plus progressive que leur précédent album. La plupart des morceaux dépasse allègrement les 6 minutes, certaines chansons allant même jusqu'à plus de 9 minutes. Les changements de tempo sont légions (voir les morceaux déjà cités), tout comme les riffs assassins (le riff de The Shortest Straw est un pur régal). Le chant de James Hetfield est non seulement plus mature mais aussi très sombre, à l'image de l'ambiance générale qui se dégage du disque. On a l'impression que le groupe est passé à l'âge adulte avec cet album. Rien à redire sur les performances purement musicales (hormis pour Jason Newsted bien sûr), chaque membre nous montre une fois de plus qu'il maîtrise parfaitement son instrument. Mention spéciale à Kirk Hammett qui nous pond ici des soli magnifiques (One, The Shortest Straw, To Live Is To Die...). One sera d'ailleurs le premier clip du groupe, diffusé largement sur MTV à l'époque. Cette chanson, inspirée du livre Johnny s'en va-t-en guerre, sera d'ailleurs un classique du groupe en concert, tout comme, dans une moindre mesure, le formidablement heavy Harvester Of Sorrow. On peut aussi s'attarder sur To Live Is To Die, chanson hommage (comme tout l'album) au regretté Cliff Burton. Cell-ci, considérée comme un instrumental, contient quelques paroles récitées par James Hetfield et écrites en partie par Burton. Cette chanson, aux multiples ambiances, est absolument fantastique, émouvante, brutale parfois, tout comme le décès de Cliff. On passe par beaucoup d'émotions à l'écoute de ce morceaux parfaitement écrit. Et tout ça sans aucun chant (ou presque). Le dernier morceau, à l'instar de Damage Inc. sur Master Of Puppets, est speed à souhait et conclut l'album de manière assez brute.
Pour conclure, ...And Justice For All est une oeuvre sombre, torturée, créée par des ados devenus adultes trop brutalement, mais possédant une maturité à toute épreuve. L'écoute peut s'avérer pénible parfois, la faute à un son agaçant par moments, mais le groupe se rattrape en créant des chansons certes parfois difficiles à suivre, mais toujours travaillées et riches. Un must-have pour tout fan de thrash complexe.

NicolasDemoulin
9
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le 16 avr. 2021

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