Le Death Metal, ça tâche, ça gicle, c'est crade, saturé, ça bousille les tympans et ça explose les cervicales, force de headbang. Pourtant, depuis les années 2000, le Death se divise en deux grandes catégories. D'un côté le Death qui se revendique de la grande période des années 80/90 avec un traitement du son assez sauvage, rouillé et tumultueux et de l'autre des petits jeunes qui font du rentre dedans avec toute la bonne volonté du monde, des instruments rutilants et des cordes vocales pas encore trop abîmées par le temps. Dyscarnate est de ceux-là. Les trois compères anglais qui composent le groupe ont le verbe haut et l'énergie suffisante pour nous envoyer dans la tronche un torrent furieux. Ils n'ont pas connu les années 80 (ou étaient trop jeunes pour les apprécier) mais la brutalité de leur album ne peut que faire plaisir aux amateurs du genre. La jaquette créée par le français Jean-Emmanuel Simoulin alias Valnoir, l'ex bassiste de The CNK et auteur de nombreux artworks et designs de pochettes de Metal (Alcest, Anorexia Nervosa, Heretoir, Paradise Lost, Peste Noire et j'en passe), représente un espèce de titan rougeoyant à la bouche ensanglantée, s'apprêtant à dévorer le monde, à l'image de la musique de Dyscarnate.


Cet album n'utilise pas la distorsion comme exutoire de la colère, la composition générale de Dyscarnate est très propre, capée, ordonnée. Tout passe par la régularité et la brusquerie avec laquelle Tom Whitty frotte les cordes de ses guitares pour jouer les riffs et les changements de rythme, accompagnés par la batterie nette et précise de Matt Unsworth (limitant les cymbales pour se concentrer sur les caisses claires). L'ampleur et la bestialité des instruments sont telles qu'on a peine à croire qu'il n'y a qu'une batterie, deux guitares et une basse. Si on se laisse "bercé", ou plutôt emporté violemment, par la musique, on pourrait dénoter au moins trois guitares et deux batteries simultanées. Matt et Tom se lâchent et peinent à s'arrêter. La batterie martèle constamment dans une vague de fureur ininterrompue jusqu'à réduire en bouillie notre boîte cranienne, notamment sur "Seizure" et "Grinding Down the Gears".


Cependant, la vraie force de Dyscarnate, ce sont les vocals. Tom s'occupent des octaves médiums et Henry Bates, le bassiste, des aigus. L'association de ces deux timbres et de l'ardeur des deux chanteurs font fusionner notre dos avec le mur derrière nous. Un ouragan se déchaine. Pour le coup, ce sont eux les titans de la pochette. On passe de l'un à l'autre sans sommation, ils se relaient spontanément et apportent force et variation dans les morceaux. Les veines du coup des deux chanteurs se font voir dans les clips et à juste raison, leur visage déformée par le désir de destruction.
Il arrive souvent dans les titres, et surtout sur "The Promethean" et "Grinding Down the Gears", que la voix stridente de Henry vienne relever le niveau sonore de l'ensemble et est suivie de près par la guitare qui s'emporte sans prévenir pour élargir l'étendue de la violence de la musique. C'est pour cela que Dyscarnate réussi si bien à prendre son auditeur de court à le faire tomber de sa chaise. Les voix et les instruments décident d'un commun accord d'élever le niveau de brutalité du son soudainement et de rester dans une constance jusqu'à la fin. Tom s'adapte au passage de son homologue et alourdit l'élan de la musique et des guitares tel un marteau contre une enclume. Je suis bientôt à court d'analogies et de tournures favorables à la virulence de la musique de Dyscarnate.


Je parlais tantôt de la dimension limitée de la distorsion, mais bien qu'elle ne soit pas aussi prononcée que dans d'autres groupes de Death plus classiques, elle n'en est pas moins puissante. Le fait que le groupe ne parte pas dans l'excès toujours plus fort n'en fait pas un simulacre de Death Metal. Dyscarnate ne part pas dans tous les sens, pose des limites mais s'en sert avec véhémence. Leur musique est franchement brutale, rugueuse et à la frontière de la furie , un vrai raz-de marrée, et ce ne sont pas ces limites qui leur posent problème, bien au contraire. Ces barrières sont plus une indication pour le groupe à rester à ce niveau et à en aucun cas baisser sa garde.


Aucun morceau de "And So It Came to Pass" n'est en deçà d'un autre. Le groupe parvient à installer une régularité assez rare dans la qualité de son album, porté par l'explosion extraordinaire des voix et le dynamisme flamboyant des instruments. Vous l'aurez compris, furie n'est pas un mot assez fort pour caractériser l'état dans lequel les membres de Dyscarnate composent et violence est un énorme euphémisme pour la musique de ce groupe britannique. Faut croire que manger du pudding et de la gelée à la menthe à tous les repas, au bout d'un moment, on en a ras le bol.

Créée

le 9 févr. 2018

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