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William Doyle est-il un robot ? Sans expression apparente sur son visage, mais avec sa cravate bien nouée, la mise en scène travaillée pour la pochette de ce deuxième essai pourrait être une référence à celle de The Man-Machine des maîtres Kraftwerk. Cette poupée de cire volontairement bruitée ou pixelisée suivant comment vous la percevez nous rapproche aussi d’une époque révolue, bien qu’elle témoigne par moment d’un regain d’intérêt, je veux bien sûr parler de la génération 8-bit.


S’ouvrir au monde


La sortie de son premier album Total Strife Forever était le résultat d’un effort introspectif. Seul avec ses machines, William Doyle délivrait des sons bruts et froids, mais déjà au combien touchants. Il subsistait encore un peu de lumière avec le marquant Dripping Down par exemple, on restait tout de même loin des miscellanées pop dont regorge Culture Of Volume. Exceptés l’extrait sus-cité et quelques rares autres, le chant n’était pas l’une des pièces maitresses de sa précédente oeuvre.


S’il n’a pas réellement su s’exporter en France, l’Angleterre a vu en lui les signes d’une future égérie de la scène musicale nationale. Il suffisait de passer quelques jours à Londres pour voir les affiches mettant à l’honneur Total Strife Forever couvertes d’étoiles par les spécialistes, une habitude de l’autre côté de la Manche. Aujourd’hui, East India Youth revient avec Culture Of Volume, un résultat toujours aussi personnel cependant marqué par les rencontres qu’il a pu faire au fur et à mesure de l’évolution positive de ce qui n’était au départ qu’un projet.


Laisser entrer le soleil


Cela s’apparentait à une éclipse solaire, mais cette dernière a laissé place à un véritable et beau soleil à l’image des deux pochettes. Celle qui illustre son premier album est le fruit de quelques coups de pinceaux dans les teintes grises et bleues, la seconde photographiée est dans les tons orangés. Bien que pas tout à fait nette, elle reflète le travail de l’artiste au fil de ses années de production. Sa forme devient lumineuse, même si le fond traite toujours d’anxiété et autres maux d’une vie que l’on se doit de dominer.


Digne des plus grands films de science-fiction, l’introduction The Juddering nous embarque dans un voyage assez ahurissant où l’on entendrait le bruit des pales d’un hélicoptère. Sauf qu’ici, l’ambition est décuplée. On ne cherche pas à utiliser ce moyen de locomotion pour se rendre sur le green et faire son 18 trous. Non, l’idée est clairement de nous faire quitter la Terre pour aller marcher ensemble sur la Lune. Du coup, on oublie l’hélicoptère et on se contente de fermer les yeux pendant ses 55 minutes et 12 secondes qui constituent la durée totale d’un album somptueux. Et puisque la Lune ce n’est pas pour tout de suite, on vous laisse faire l’interprétation de votre propre voyage.


Pop et ambitieux


East India Youth a beau être l’invention d’un seul homme, William Doyle ne nous a jamais autant fait ressentir l’envie de devenir leader de son propre bateau. Noyé par les synthétiseurs lors de son précédent album, il sait maintenant les faire taire et prendre la main. S’il donnait l’impression auparavant de ne pas avoir le contrôle sur tout ce qu’il sortait, le problème est désormais enterré. En gagnant en autorité, il obtient la sympathie d’un public qui ne lui aurait pas été accessible autrement. Laisser une place plus importante au chant était une nécessité.


La force de Culture Of Volume est celle de se vouloir très pop sans pour autant entrer dans ce format. L’homme s’amuse à bousculer les codes et emmène les auditeurs là où ils ne s’y attendent pas. Si ce n’est Beaming White, brillante référence consciente ou non à Pet Shop Boys, qui a tout pour satisfaire les conditions d’une diffusion radiophonique, le reste se veut davantage pointu sans pour autant frôler les sorties de piste. Hearts That Never appelle au souvenir, on en revient à cette période 8-bit de par ses sonorités où on se sentirait prêt à combattre le dernier boss de Double Dragon. Culture Of Volume célèbre le récit d’un affrontement perpétuel avec soi-même.



Carousel, Carousel Spinning around
Carousel, Carousel Holding me down



Carousel est la ritournelle de l’album, un moment fait de boucles qui semble en apparence ne jamais vouloir se terminer. Il n’est pas étonnant d’avoir choisi cette chanson comme single tant elle résume à elle-seule le travail effectué pour ce disque et son leitmotiv. Plus la chanson prend forme, plus William Doyle élève la voix. On peut interpréter ça comme un souhait, celui de vouloir s’échapper d’un malaise perçu au début du morceau.


Culture Of Volume de East India Youth est un grand album qui n’aura pas de mal à trouver son public. Cohérent de bout en bout avec sa thématique bien précise, il ne peut que faire du bien à deux genres distincts, la pop et les musiques électroniques. Cet opus est transcendant au point de faire passer quelques-unes de vos journées les plus dures de l’ombre à la lumière.

anthonyrouxoc
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le 7 mai 2015

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