Fated
6.8
Fated

Album de Nosaj Thing (2015)

Chronique disponible sur Hejko


La manière de travailler de Nosaj Thing est hors du système, hors du temps. Si leurs productions musicales sont loin d’être identiques, le mode de fonctionnement est à peu près similaire à un certain Mr. Oizo, deux loups solitaires qui continuent leur chemin respectif en s’inspirant de ce qu’ils ont déjà bâti auparavant. C’est de cette façon que notre cerveau reconnait les sonorités d’un tel sans avoir à chercher bien longtemps. La comparaison s’arrête cependant ici.


Fated est le troisième album du producteur de Los Angeles, son deuxième sur le label Innovative Leisure. Il fait suite à l’excellent Home qui a propulsé l’artiste dans une autre sphère. Acclamé par les critiques et son auditoire s’élargissant de jour en jour, l’effet provoqué par ce succès l’a littéralement déconnecté. Ses problèmes de santé liés au stress cumulés à ces différents événements ne lui ont pas permis d’assurer une tournée. Rares sont les chanceux à avoir pu assister à l’une de ses éblouissantes représentations. Heureusement, on en était.


Se simplifier la vie en apparence


Pour ce dernier opus, Jason Chung a réalisé un travail sur lui-même afin d’arrêter de se tenir la tête entre deux mains lors de la production de chacun de ses titres. Le résultat est toujours aussi convaincant. Son introduction Sci attire par sa construction à la fois dure, comprendre par là qu’elle sonne très industriel, et douce avec l’utilisation des voix qui ont participé à l’évolution de l’identité musicale de son compositeur au fil des années. L’interprétation qu’on peut faire de Sci est que cette chanson s’apparente à un affrontement indirect entre une personne et le monde ultra-connecté dans lequel elle vit. Dès lors, quelle place donner à celle qui souhaite vivre en marge de cette société ?


Nosaj Thing ne prétend pas pouvoir donner une réponse, il se contente de décrire ce qu’il ressent à travers l’expérience d’un presque trentenaire. Tout l’album suit cette trame plus ou moins philosophique. Le reproche que certains font souvent à propos de la musique électronique, à savoir qu’elle est perçue comme étant très froide, peut être compréhensible si l’écoute est vécue au premier degré. Il est évident qu’on ne va pas sauter dans tous les sens en écoutant de l’expérimental. Il semble pourtant pertinent de dire que la musique électronique dans sa branche ambient tend à faire davantage réfléchir ses auditeurs que d’autres genres où le travail de réflexion est mâché par un texte préconçu ou par une ambition de faire danser la foule à tout prix.


On pense, on panse, et on danse


Les quinze titres que composent Fated forment un ensemble cohérent qui demandera tout de même aux personnes qui se plongent dans cet album un temps d’adaptation. Comme toute oeuvre ambitieuse, le coup de coeur n’est pas nécessairement immédiat, il est au contraire plutôt rare. Une fois dedans, on se retrouve transporté jusqu’au coup d’éclat 2K. La suite, vous la connaissez, Fated a de grande chance de passer l’été, et de se retrouver dans votre bibliothèque avant la fin d’année.


En invitant Chance The Rapper a posé sur Cold Stares, le projet de Jason Chung gagne encore davantage en crédibilité avec des lyrics à couper le souffle. Traitant d’un accro à l’héroïne, le titre laisse en apnée sur toute sa durée et finit par un outro à faire couler les larmes.



« Bed, bed I rest in, not my own These cover make me itch, hurt my
head, head I question, not my own These covers make me sick »



Fated s’impose comme une pièce maîtresse, témoin de son époque. Et si le remède à ce malaise qu’on peine à nommer se trouvait dans la danse ?


La beauté minimaliste comme réponse


Il ne faut pas considérer Fated comme une oeuvre triste puisqu’elle dresse un constat. Elle ne se lamente pas, elle est simplement réaliste. Irrésistible et sensuelle, la musicalité trouvée par Nosaj Thing a une fonction double qui n’est pas celle de dénoncer. Ça, Jason Chung n’en a rien à faire. Non, cette harmonie arrangée de main de maître par ce dernier se veut prête à vous faire penser et danser. Alors fermer ses yeux, laisser ses deux petites jambes bouger et sa tête s’occuper du reste semble être l’une des solutions pour apporter un peu de bonheur à sa vie, et de lumière à cette société en perpétuelle quête de gaieté.

anthonyrouxoc
8
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le 7 mai 2015

Critique lue 311 fois

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