Doug Tuttle
7.6
Doug Tuttle

Album de Doug Tuttle (2014)

Le rock psychédélique, expliqué par Doug Tuttle.

« Revolver » des Beatles, ou le pouvoir d'évocation de « With Us Soon », délicieux premier morceau de l'album éponyme de Doug Tuttle, combo de jeunes surdoués qui a su se faire une place aux côtés du (déjà) grand Tame Impala ou de l'inégal Temples, et de tous ces groupes en veux-tu en voilà qui assument pleinement ce bon goût revival d'un retour aux racines d'un rock psychédélique que je croyais enfoui dans les limbes les plus obscures, aux côtés de Jerry Garcia et John Cippolina, héros de la guitare psychédélique erratique d'un autre âge.

Le meilleur morceau du disque est « Turn This Love », un « truc » comme on n'en fait plus du tout, er rien qu'avec ce morceau, désormais une audace, ce groupe mérite toute notre attention. En tous cas il ont la mienne. Des solos fiévreux, inspirés, fulgurants, fatals, alignés les uns après les autres comme pour composer une symphonie, des solos du meilleur cru, dans la grande tradition des duels de guitares, à la fois complices et assassins, perpétrés par les grands du genre que sont Gary Duncan et John Cippolina. Et que je me lâche sur mon instrument, et que ça tournicote, et que ça tricote, et que ça balance du tremolo, et que je t'en fous des notes à en pleurer.
Bon sang, arrivé à la fin de ce troisième morceau, j'ai déjà joui dans mon froc. Il faut dire qu'il y a ce qu'il faut pour me convaincre. A une époque, je n'écoutais que le Grateful Dead, Quicksilver Messenger Service, Jefferson Airplane, Fairport Convention, tous ces groupes à la fois cousins et frères ennemis, dotés des mêmes armes implacables : plusieurs compositeurs, harmonies vocales qui font mouches et surtout, solistes de génies. Je n'avais même pas espéré songer retrouver ce qui me faisait vibrer à l'époque (je veux parler de l'intégralité de Happy Trails) dans une scène rock contemporaine, avant que ce "Turn This Love" ne me révèle un guitariste osant franchir le palier du solo timide et appliqué, le corset trop étriqué du "couplet – refrain – couplet – solo – couplet – pont – refrain", en poussant son talent à son comble, en créant sa bulle in live le tant d'une prise magistrale qu'on nous présente ici sur un plateau d'argent.

Evidemment, il est difficile de faire mieux après un tel morceau, tout comme il est difficile pour moi d'être élgalement élogieux sur les autres titres du disque... Problème de taille, aucun autre morceau n'a le profil et la structure pour prétendre rivaliser avec ce "Turn Is Love" d'un autre temps, ce rêve anachronique estampillé rock psyché où tous les musiciens ont su se relâcher le temps d'une prise, comme s'il n'était pas permis, hélas, de penser oser en faire plus, ou d'imaginer qu'un album trop gorgés de solos serait invendable. On reste bel et bien en 2014, hélas.

Malgré ma déception, le disque, reste, dans son ensemble, d'une qualité irréprochable, à l'image de ce "Lasting Away" solide, aux arpèges inoubliables, d'un classicisme dont le savoir-faire paraissait oublié, ou semblait être l'apanage des vieux rockers décrépis (et encore), tels que le Pink Floyd de "More" ou "Relics".

Doug Tuttle, un groupe au passéisme assumé, pas aussi virevoltant que celui, plus rentre-dedans, des White Stripes, mais qui ose marcher sur les traces du grand Quicksilver Messenger Service...

...l'élève dépassera-t-il le maître? (Non, c'est impossible.)

Je n'ose y croire...
ErrolGardner
9
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le 1 août 2014

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Errol 'Gardner

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