Duodecim
Duodecim

Compilation de Isnaj Dui (2013)

Il est de ces artistes immédiatement reconnaissables par leur palette sonore, qui nous ouvrent les portes de leur univers dès les premières notes. La flûtiste anglaise Katie English fait partie de ces musiciens, qui ont la faculté d'imprégner de cette aura tout ce qu'ils touchent. Sous son pseudonyme Isnaj Dui, elle avait brillé par son Unstable Equilibrium chez Home Normal en 2009, puis - pour n'en citer que quelques uns - par le fantastique EP One Three (Twisted Tree Line) et Abstracts on Solitude (Hibernate), qui fut un des plus beaux albums de 2012. Le moins que l'on puisse dire est que la jeune femme est particulièrement active cette année. Elle a inauguré avec Chris Gowers (aka Karina ESP) le premier d'une série de dix vinyles sur Hibernate avec leur projet Lowered. Elle a aussi été remarquée sur scène lors de la dernière Off Key Sessions, grande messe de l'ambient et expérimental organisée par Fluid Audio, ainsi que lors du HormeNormalism, festival de deux jours organisé par l’excellent label Home Normal. Après son très bel EP After the Flood sorti cet été, sa toute récente collaboration avec Orla Wren et Offthesky nommée 85% (tous deux sortis chez Hibernate), sa contribution au nouvel album d'Orla Wren, Book of the Folded Forest , et cette (longue) introduction, il est grand temps de revenir sur son projet le plus ambitieux à ce jour, qui a été publié sur son propre label FBox Records au début de l'année.


Projet s'étalant sur un an, de septembre 2011 à août 2012, Duodecim (douze en latin) proposait chaque mois un nouveau morceau aux abonnés, écrit et enregistré durant cette période, ainsi que d'éventuelles collaborations. Katie English s'est basée sur le cycle des quintes pour le composer, la contraignant ainsi à remonter d'une quinte par mois. À la fin du projet, l'ensemble fut envoyé sous la forme d'un très beau livret, incluant le double album.


Véritable invitation à côtoyer au plus près Isnaj Dui durant un an, Duodecim nous entraîne à vivre avec elle le fil des saisons, des événements — plaisants ou non — qui ont rythmé son quotidien. Des sons qui l'ont interpelée se retrouvent alors captés pour mieux nous immerger. Octobre nous amène dans un atelier de menuiserie, sa flûte basse nous enveloppant, contrastant avec les field recordings métalliques des outils. L’instrument lutte le mois suivant en quête d’indépendance, tentant de repousser le tonnerre sournois d’un déménagement vers un open space. La musique comme moyen de réchauffer l’esprit, ou même le corps. L’hiver arrive, son violoncelle et sa flûte se veulent alors chaleureux, nous berçant au coin de l’âtre. La musique comme exutoire, creuset où les états d’âme sont déversés. Le printemps, théâtre de remises en question, voit l’atmosphère revêtir une douce mélancolie avant que son dulcimer ne chasse cette dernière. Le premier disque se clôt sur le mois d’août, dans un magnifique et sombre va-et-vient de flûtes, propice à se laisser sublimer.


Le second album regroupe les collaborations et morceaux bonus envoyés au fur et à mesure aux abonnés. Des amis proches se sont prêtés au concept et colorent ce projet. De la touche pastorale de Orla Wren (Numbers in Pencil), au drone ensoleillé de Karina ESP (Brown Curtain) ou à la spirale hypnotique de Hybernation sur fond de tambours martiaux (Peninsula), chacun amène son lot de contrastes à un album déjà riche. Après que Michael Tanner (connu aussi pour ses travaux en tant que Plinth ou au sein du collectif United Bible Studies) l’ait accompagnée au piano, l’album se finit sur une note plus expérimentale avec Mirror Systems, où ses flûtes répondent à des field recordings, avant d’être totalement submergées dans un déluge électronique grandissant.


Œuvre hautement personnelle, Duodecim est un très bel album, s’inscrivant dans une discographie qui mérite d’être explorée dans ses moindres recoins. L’objet a été tiré en édition très limitée et il n’en reste qu’à peine vingt exemplaires, disponibles sur son bandcamp. À noter que son sublime Abstracts on Solitude peut encore s'acquérir, qu’un nouvel album de Littlebow (projet entre Katie English et Keiron Phelan) sort ce mois-ci sur Second Language et qu’un nouveau Isnaj Dui est quasiment prêt. Une année, en effet, très rythmée.


http://www.swqw.fr/chroniques/drone-ambiant/isnaj-dui-duodecim.html

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le 9 sept. 2015

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