This is it. Après un teasing furieux de plusieurs longs mois et des échantillons distillés au compte-goutte, Dinosaur Pile-Up est enfin de retour avec son millésime 2015. Et la vendange a été bonne.
Difficile pour moi d'être objectif sur Matt Bigland et ses compagnons d'armes, à présent officiellement un trio sur l'étiquette et livrant leur première galette commune après deux premiers albums mis en bouteille en solo par leur frontman touche-à-tout. Impossible même, car il est de ces artistes qui vous font un effet inexplicable, comme s'ils savaient exactement sur quel bouton appuyer ; DPU a tellement vampirisé mon paysage musical ces dernières années qu'une critique en perd presque son sens premier venant de moi. Mais comme le disait très justement Jean-Paul II : "Wallah morray, balek des haineux" !


Le bouchon pète sur l'éponyme 11:11, sortie en avant-première en mars 2015 et déjà l'hymne de clôture des dernières set lists. La figure de proue donne le ton : Dinosaur Pile-Up a légèrement viré de bord, cap sur un horizon bourré de riffs incisifs sculptés par la prod imparable du maître à l'oeuvre, Tom Dalgety. Un rapide coup d'oeil sur le CV de l'animal et sa réputation n'est plus à faire. Le diagnostic se confirme de titre en titre : les mélodies vocales de Bigland se font moins aventureuses que sur Nature Nurture, au profit de riffs plus heavy que jamais, dessinant de tierce en quinte la nouvelle identité du trio de Leeds. Son meilleur avatar étant peut être Anxiety Trip, rappelant les élans stoner d'un autre porte-drapeau de l'alt rock britannique, Tigercub.


Le DPU nouveau n'oublie pas ses sarments mais distille mieux ses clins d'oeils que sur les précédents albums, Growing Pains ayant parfois tourné au pastiche. L'influence des Smashing Pumpkins est criante et reconnue par Bigland himself, qui s'en inspire pour livrer avec Nothing Personal et Willow Tree deux de ses meilleurs crus. Après une escale maladroite sur la trop plan-plan Might As Well, il ressort la DeLorean du garage pour une virée punk rock sur le dyptique singulier Gimme Something/Bad Penny. La première est une énigme brute de moins de 2 minutes me rappelant de manière aussi improbable qu'amusante le Frusciante de 2004 ; la deuxième s'inscrit tout en punch dans la thématique adulescente du misfit ("I guess I've always been the black sheep"), très chère au loner Bigland et récurrente au long de l'album ("If God loves the weirdos God bless my ups and downs" - Red and Purple ; "I'm awkward and I'm tall, sometimes I wonder if I'm loved at all" - Anxiety Trip).


Eleven Eleven a ses fautes de goût inévitables, symboles d'une imperfection presque juvénile. Le refrain de Friend Of Mine est raté et détone complètement avec l'estampe de Dalgety. Par ailleurs là où la ballade Crystalline se fond avec réussite dans le paysage, à l'image de The Way We Came avant elle, Might As Well fait figure de doublon médiocre : structure similaire, mélodie quasi identique ; de quoi sérieusement remettre en question ce choix concernant la track list, pendant que la très bonne Replace Me est reléguée au rang de bonus sur la version japonaise. L'autre bonus, Cross My Heart, est un échec dans les grandes largeurs : quand DPU s'essaie à de l'aérien et se retrouve à faire du Kyo.


Ces quelques maladresses sont néanmoins largement excusables compte tenu du niveau global de ce 3e album une nouvelle fois redoutablement homogène. Dinosaur Pile-Up ne réinvente pas le rock alternatif, et ne prétend pas le faire ; mais lui ils lui donnent un nouveau souffle ô combien bienvenu, une insouciance crasse, une fraîcheur thérapeutique. Mes meilleurs souvenirs de leur passage à la Maroquinerie en septembre 2014 sont capturés à merveille par Dalgety dans une galette qui immortalise au mieux l'énergie rayonnante du trio autour d'un Mike Sheils survolté ; un des batteurs qui m'ont le plus soufflé sur scène, artificier en chef né pour exploser des fûts et d'une efficacité aussi redoutable que sobre sur l'album.
Eleven Eleven ne me donne qu'une envie : revivre une fois, deux fois, mille fois l'expérience live de Dinosaur Pile-Up. Sentir l'excitation m'envahir aux premières notes de Red and Purple, peut-être la plus belle réussite de cet opus. S'envoler pour ne plus redescendre ; way up high as nobody, close my eyes and disappear.

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le 15 nov. 2015

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Jambond

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