Sylvie Courvoisier Trio – Free Hoops
Un album en trio piano, basse, batterie, quoi de plus banal ? Ils fourmillent sur les étagères comme les petits pains dans la boulangerie. Pourtant ils n’ont pas tous la même saveur, ceux-ci seraient plutôt à ranger dans la catégorie très farinés, euh… raffinés ! La patronne pour commencer, Sylvie Courvoisier, pianiste, compositrice, suissesse, mariée.
Le bassiste, Drew Gress, on apprend sur le journal de jazz, qu’il rame à jouer les partitions érudites et complexes de Madame Mark Feldman, c’est très écrit, très précis, très technique. Il doit travailler dur en solo à la maison, car il aime le travail bien fait.
Le batteur, Kenny Wollesen, joue aussi du « Wollesonics », et ça sonne plutôt bien. C’est un nom déjà au pays du jazz, il ne se plaint pas et, quand on les entend tous les trois, on se dit qu’ils se sont bien trouvés, et quand on prête l’oreille avec attention, des tas de petits détails apparaissent, à une vitesse telle qu’on ne les perçoit pas tous, ça vit, ça pétille, ça frétille. Tout est fluide, pensé, organisé, est-ce pour mieux nous perdre, nous égarer, nous fourvoyer ?
Bien au contraire, elle le dit, le but c’est « de faire des Cds que les gens écouteront plus d’une fois ». L’écriture est assez free, joue des dissonances, les grappes sont parfois raisins rouges, raisins verts et raisins secs, mais ça glisse tout doux dans la gorge, toute la magie est là.
Neuf pièces se succèdent, mais ce que je trouve amusant, c’est que chacune est dédicacée, ça donne « for Mark Feldman, for my cat, for John Zorn, for my mom, for Drew Gress, for Kenny Wollesen, for my brother Stéphane, for Christine Latthey », bon c’est aussi un truc à se fâcher si on oublie quelqu’un, le voisin du dessous ou son proprio…
Les improvisations sont une partie intégrante du jazz et il est difficile d’imaginer le jazz sans, au moins en live. Ici se révèle une maîtrise à peu près à tous les niveaux, on semble frôler l'exigence technique propre à la musique classique, mais l’émotion est là, présente dès l’écriture même des pièces, la dédicace à John Zorn n’est pas innocente, il y a une parenté dans la façon d’écrire et dans l’attendu musical.
Un album de septembre 2020, une année décidément fort riche en sorties de qualité.