Ce groupe américain n’a jamais vraiment connu de succès grand public et si aujourd’hui, il est adulé par les fans de rock et de nombreux musiciens, il est largement oublié. Pourtant, Blue Cheer peut être considéré comme le père américain du heavy metal. Même s’il a continué jusque dans les années 2000, dans une indifférence assez générale et honteuse, l’essentiel était dit entre 1967 et 1969 avec leurs quatre premiers albums. De l’autre côté de l’Atlantique, à Birmingham, il y avait la bande de Black Sabbath qu’on peut voir comme des cousins british. Le parallèle entre les deux groupes est évident : dans les deux cas, on est face des groupes dont les musiciens ne sont pas des virtuoses, mais sont bourrés de sincérité et de hargne et qui apportent surtout un son nouveau, plus dur. C’est un trio de San Francisco composé de Peterson, Stephens, et Whaley qui se fout totalement du trip hippie « paix et amour », au contraire, s’il y a des coups à rendre, des bourre-pifs à distribuer, ils répondent toujours présents ! Et ne comptez pas non plus sur eux pour sourire, ils tirent des tronches allongées et si ça ne vous plaît pas, vous n’avez qu’à écouter autre chose après tout 😋. On sent et on voit des gars qui ne sont pas là pour plaisanter.
On est à des années-lumière des « fleurs dans les cheveux » chères à Scott McKenzie et pourtant Janis Joplin comme Jim Morrison étaient de grands fans de Blue Cheer, un nom choisi en clin d’œil à une forme de LSD…Il n’y a rien de virtuose ou d’hyper-technique dans leur musique mais il s’en dégage une lourdeur et une puissance impressionnantes. Ils veulent revenir à un blues radical et crasseux, sans aucune fioriture, joué fort. Eux ne jouent pas que sur la puissance sonore car les Who, puis Cream et encore après Led Zep étaient passées par là et avaient monté fortement le bouton du volume, ce serait donc une perte de temps. Black Sabbath et Blue Cheer vont devenir le terreau du heavy metal mondial sans le vouloir grâce à leurs riffs efficaces et simples à reproduire. Blue Cheer, c’est le heavy-blues sale et méchant, sans concession. Le trip psychédélique doit chez eux servir à atteindre une sorte de quintessence du blues originel. Voilà ce qu’on retrouve dans cette excellente compilation dont leur reprise de « Summertime blues » en entrée gouleyante, dont il ne reste rien du swing d'Eddie Cochran mais aussi «Good Times Are So Hard To Find », « Out of focus », « Pilot » (qui s’achève par des cris) ou encore «Hello L.A., Bye Bye Birmingham ». Pas de chichi, ça dépote sans se poser de questions. Sauf que voilà, Black Sabbath est aujourd’hui entré au Panthéon du rock, et encore plus avec la mort de Ozzy alors que Blue Cheer en est dans les oubliettes. Pourtant, le doom, le stoner et en même temps la radicalité du MC5 descendent AUSSI de Blue Cheer mais ça, on l’a un peu injustement oublié.