Hotel Impala
7.3
Hotel Impala

Album de Baloji (2007)

Je suis assez contente de faire enfin une critique d’album car la musique est clairement un domaine où je suis plus à l’aise que le cinéma quand il s’agit de donner son avis.


Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Je ne voulais pas écrire pour écrire, fallait trouver le bon album, je voulais autre chose que le simple plaisir éphémère de voir mon nom dans le Live de SC.
Et en travaillant aujourd’hui la révélation est venue : Baloji !
J’écoutais ça au travail et en discutant avec des collègues je me suis rendu compte qu’il est trop injustement méconnu !


Baloji est un artiste belge né au Congo en 1978. Bien qu’il ait commencé sa carrière au sein du groupe Starflam, je ne l’ai découvert qu’à la sortie de son premier album en 2008. Et depuis cette date cet album fait toujours parti de ma playlist régulière.
J’ai eu la chance de l’écouter en live lors d’un showcase à la Fnac. Je me souviens qu’aux premiers abords, ce black timide, qui se cachait derrière son micro devant les 15 curieux qui remplissaient péniblement la salle, ne m’a pas fait un effet bœuf. Puis il a commencé et là j’ai pris ma claque !


Sa musique est un putain de sortilège. Elle transporte les gens et il a suffit d’un bon riff, d’un bon texte pour faire décoller un auditoire qui n’était pas des masses enthousiaste pour s’envoler avec lui.
Et c’est ça que j’aime avec Baloji et son album Hôtel Impala. Ce mec a divisé son cœur, l’a mis sous presse et en a sorti des petites galettes qu’il qualifie lui-même de "biographie audio phonique".


Alors de quoi ça s’agit ?


Un mélange de Soul, funk et de jazz avec de la musique africaine pour les instrus. Le chant est plutôt branché rap avec des partie chantée en soul, souvent avec des collaborations. Ça rend pas mal mais il en faut quand même un peu plus pour que la rock-métalleuse que je suis pérennise le garçon dans son mp3. Et là viennent les textes !
C’est bien écrit, c’est vrai, c’est dur, c’est triste et c’est beau.


L’intro Hôtel Impala fait référence au nom de l’hôtel que tenait le père de Baloji avant qu’il ne quitte le Congo en abandonnant sa famille. Un piano doux vient nous caresser. Ça balance doucement, presque comme une comptine. Baloji nous annonce le « retour aux sources ». Vient le tambour africain et quelques chants traditionnels pour accompagner le basculement. On pose le décor :


*"J’ai beau fermer les yeux, j’ai encore ces visions


De corps avachis sur le sol de la route de la perdition


Et j’ai hurlé comme après ma circoncision


J’suis entouré de fantômes ou est-ce la mort qui fait apparition ?


J’en ai pissé dans mon lit, sommeil interrompu


Et j’ai du mal à en parler à bâtons rompus


Août 89, j’m’en souviens


J’étais pris de crampes, un talon sur la tempe


À implorer que les enfants décampent


Ils ont voulu nous humilier à travers nos descendances


Que les ovaires de nos femmes soient souillés de leurs semences


Depuis ce jour, j’dis qu’notre famille est maudite


La mort gravite autour de nous et je l’sens."*


Viennent les trompettes et les chœurs. Le beat s’accélère et le flow aussi. Je vous ai dit qu’il a composé en mode Voodoo avec son sang, son cœur et son âme ? Il en a chié et dédie le tout à ceux qui comptent: sa famille. Du coup, comme souvent quand la vie n’a pas été très sympathique avec nous on a des choses à dire. Avec « Tout ceci ne vous rendra pas le Congo » c’est surtout aux congolais qu’il a envie de parler je crois. Je crois aussi que le propos est très juste.


Puis vient la gratte sèche dont la mélodie reflète parfaitement la solitude et la sensation de froid que j’ai ressenti avec « Entre les lignes » où il évoque son arrivé sur Liège. Le refrain (chanté) est sublime. Et là je résiste puissamment à l’envie de vous coller l’intégralité des paroles des textes… mais vraiment !


Bref le voyage qu’on entame en écoutant cet album nous mène sur les traces de son passé, de son enfance à sa vie d’homme. Il s’adresse à ses frères congolais, à sa mère, à sa mère adoptive, à son ex, à son père et à nous. Le style change à chaque fois et la seule constante c’est lui. L’ensemble brille d’une grande variété et d’une grande créativité qui accompagnent bien le cheminement chronologique qui se fait au fils des titres. Baloji ne chante de façon « plus lyrique » qu’une fois dans « Où en sommes-nous » et là faudra être curieux car il y a trop à dire et surtout trop à ressentir…
En s’adressant à nous de la sorte, il réalise ce tour de magie qui marche à tous les coups avec moi. Il me parle de thèmes qui me touchent, dans lesquels je ressens parfois même un écho de certaines phases de ma vie. Ça fait résonner les cordes de mon cœur et mon âme adore cette sensation.


L’album, comme l’artiste, est authentique, poétique, magique… pas banal pour quelqu’un dont le nom était traduit à l'époque coloniale par « sorcier » !

Chocodzilla
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 10 janv. 2017

Critique lue 183 fois

2 j'aime

2 commentaires

Chocodzilla

Écrit par

Critique lue 183 fois

2
2

D'autres avis sur Hotel Impala

Hotel Impala
shadoko
8

Tout ceci ne vous rendra pas le Congo

Jeune artiste belge, Baloji impressionne avec son premier album Hotel Impala, tant musicalement que par la qualité de ses textes. Entre slam, soul et afro beat, il chante les différentes étapes de sa...

le 18 juin 2015

2 j'aime

2

Du même critique

L'Épopée de Gilgameš
Chocodzilla
10

Quand une fois de plus les dieux se jouent de l'Homme

En bref pour le contexte: Cette épopée rassemble les textes de douze tablettes mésopotamiennes. Rédigée en cunéiforme, soit avec ce qui est actuellement la plus ancienne écriture que nous connaissons...

le 2 nov. 2016

25 j'aime

1

On l'appelle Jeeg Robot
Chocodzilla
9

Critique de On l'appelle Jeeg Robot par Chocodzilla

Les films de surper-héros on connaît. On connaît même bien puisque les sorties régulières en viendraient presque à nous fatiguer du genre. Bons ? Mauvais ? Tout le monde se tire la bourre. Les «...

le 5 févr. 2017

21 j'aime

1

Les Nuits blanches
Chocodzilla
10

Une histoire en quatre petits temps

J’ai 36 ans et je découvre Dostoïevski. Je devrais me sentir honteuse mais je suis chanceuse. L’ennui m’a offert un pansement pour l’âme et pour le cœur. Une histoire d’amour pourtant…c’est...

le 5 mars 2020

11 j'aime