En 1971, le jazz commence à s'essouffler dans son pays natal. Les salles se vident, les nouveautés se font moins fréquentes, les musiciens peinent à se renouveler, bref : le jazz se meurt. Pendant ce temps là, outre-pacifique, un engouement nouveau se crée par la passion naissante des nippons pour cette musique occidentale. Et parmi les jazz-stars les plus adulées dans le pays du soleil levant, Joe Henderson flirte avec le haut du classement. L'arrivée d'un authentique jazzman dans leur pays était encore peu courant à l'époque, et chaque concert donné constituait un véritable évènement. En témoigne la venue légendaire de John Coltrane, gravée à jamais sur un live d'anthologie sobrement nommé Live In Japan.


Seulement, j'espère qu'ils auront apprécié la venue de Joe Henderson chez eux plus que moi.


Joe Henderson, tout juste débarqué sur son nouveau label Milestone, a un jeu hésitant. Renommé en tant que hard bopper, le saxophoniste essaie de conquérir son assistance avec un style qui tire vers le post-bop, d'une manière assez progressiste mais maladroite. Pour ce qui est du jeu du trio accompagnant Henderson, l'intimidation est palpable. "Quel honneur de jouer devant un si grand musicien, béni soit l'Amérique". La batterie ne prend pas de risque, le synthé se fait invisible, et l'on a droit à presque aucun solo hors saxo. Le seul digne de ce nom est probablement celui exécuté au piano qui figure sur "Blue Bossa", mais il reste relativement 'safe' par rapport à ce que McCoy Tyner nous avait habitué. Le choix des morceaux ne me plait guère davantage : une composition (certes mythique) de Thelonious Monk (Round Midnight), l'évident Blue Bossa, le dispensable Out 'n In, et enfin l'improvisation qui sauve le live : Junk Blues. Motohiko Hino, qui tient les batteries, abandonne enfin sa timidité sur ce morceau, pour nous offrir l'un des moments les plus mémorables de la session : une batterie enflammée, supportant avec furiosité le solo du claviériste Hideo Ichikawa, tandis que Kunimitsu Inaba vient rejoindre la partie s'acharnant sur sa basse .


Au final, c'est pas du tout un mauvais live de jazz. Il est plus que recommandable même. Joe Henderson In Japan reste tout de même obligatoire pour les fans, encore plus pour les adeptes de la phase Milestone. L'intimité du concert et la passion du public qui crie et encourage les joueurs donnent un côté très attendrissant à l'enregistrement. Mais cela n'empêche rien : je laisserai mes oreilles au chaud dans la période hard bop de Joe Henderson. J'ai beaucoup trop d'affection pour les McCoy Tyner, les Pete La Roca ou les Elvin Jones.

Gargantues
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le 9 mai 2017

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