Ipséité
7
Ipséité

Album de Damso (2017)

J'ai tué le game et j'ai fait le deuil

VERSION COURTE :


En résumé Ipséité est sans aucun doute déjà un des meilleurs album de rap français de 2017 et une vraie prise de risque réussie pour son auteur compositeur interprète (comme Damso adore le rappeler) qui confirme la force et de son personnage sombre, torturé et je m'en foutiste à la fois et réaffirme sa plume et l'adaptabilité de son flow. Il nous fait part sans filtre de son "Ipséité" durant une ou deux phrases puis repart sur une punchline acérée quelques secondes plus tard en changeant de flow sans problème par la même occasion.
Cependant, le deuxième album du Bruxellois n'est pas exempt de défaut : son manque de temps et son souhait d'avoir un succès commercial l'ont poussé à remplir le milieu de son album de quelques sons baclés et on aimerait le revoir kicker un peu plus.
Cependant, c'est un pari réussi pour Damso qu'on a hâte de retrouver toujours plus sombre et talentueux dans son prochain projet.


VERSION LONGUE :


Quitte à commencer cette chronique par la phrase la plus bateau qui soit je commencerait en rappelant que l'exercice du deuxième album est une des choses les plus durs pour un artiste d'autant plus dans un rap game francophone (et non pas français, il faut le rappeler) où la concurrence est de plus en plus rude. Et encore d'autant plus pour le très prometteur Damso qui avait marqué les esprits et reçu de très bonnes critiques pour son premier projet, Batterie Faible mais qui n'avait peut-être pas eu un succès aussi phénoménal qu'espéré comme il le dit lui même



J'ai disque d'or mais cela grâce au stream, donc jaloux écrivirent tweets hostiles



Alors le voilà, Ipséité (mot qui désigne ce qui fait qu'une personne est unique et a une identité propre, merci Wiktionnaire) est là, moins d'un an après son prédécesseur. Il est là sobrement, presque par surprise, sans singles préalables, sans promo impressionnante et sans featurings marquant (et non on ne trouverait pas de son avec Booba pour attirer le chaland et ce n'est pas si mal).
Avec son deuxième album, Damso a tenté d'éviter deux écueils : le premier étant la tentation de faire, dans le prolongement de Batterie Faible, ce qu'il sait faire. On sait tous que Damso sait extrêmement bien kicker et a la punchline plus facile qu'une grande partie du rap game, il aurait donc été facile et presque logique de sortir un album majoritairement composé de bangers de type Periscope ou BruxellesVie. Or, surprise, et même peut être déception pour certain, l'album insiste plus sur la musicalité, l'exotisme et l'introspection que sur le flow et les punchlines acérés. Cet important virage musical nous montre l'ouverture et la capacité d'adaptation de Damso et donne lieu à des morceaux extrêmement intéressants, cependant on peut ressentir lors d'une écoute de l'album un manque de son véner et une lassitude causé par le ton trop calme et désabusé de certains sons. N'oublions cependant pas d'excellent repère de punchlines Nwaar is the Black et Noob Saibot, le banger parfait qui enjaille l'auditeur dés les "saaale saaale saaale" du début. Gova marque moins que ces deux là par la puissance du flow mais transporte l'auditeur dans une ambiance qui bat des records de "bressonitude" en jouant (très) largement avec la vulgarité jusqu'à l'obscénité. Tout cela transporté par une prod de film d'horreur.



J'aime la violence et voir le sang qui coule, entendre mes ennemis dire pardon sans leur pardonner



Le deuxième écueil était de tomber dans une autre facilité, celle de chercher le commercial à tout prix en multipliant les "sons d'été" comme l'ont fait un nombre incalculable de rappeurs avec plus ou moins de succès. Or, ici, même s'il est incontestable que Damso fait toujours du très bon rap et se vend beaucoup moins au radio que la plupart des rappeurs de 2017, il est parfois un peu trop tombé dans le piège. Avec parfois beaucoup de succès d'ailleurs comme avec Signaler, sorte de mix entre Tchoin de Kaaris et du PNL, un des meilleurs sons de l'album et un gros tube qui se dessine. L'ambiance est estival, planante et le texte vole très bas mais est bien écrit : que demander de plus. De même pour Macarena auquel j'adhère cependant un peu moins avec toujours ce problème du ton désabusé qui peut être un peu agaçant, on attendrait un peu plus de conviction sur un son ambiançant comme celui la.
Ce ton désabusé peut cependant apporter un côté vraiment intéressant album pour sur JRespect R qui joue à fond et avec succès sur ce registre je m'en foutiste qui insulte la terre entière en gardant un ton monocorde sur tout le son : pas bouleversant mais réussi !
Mention spéciale également à #QueDusaalVie dont le refrain répétitif mais irrésistible justifie presque à lui seul le son dont les couplet qui s'interrogent sur l'argent, le succès et ses conséquences sont bien écrits et cool sans réinventer la poudre.



La bourgeoisie, j'y ai goûté, sept mille euros maman touchait. La pauvreté j'y ai goûté, sept cent euros maman touchait



Cependant, pour d'autre sons comme Lové qui est un beau morceau de paresse artistique qui reste agréable à écouter dans une voiture au bord de la mer malgré un refrain très mauvais, ou Kin la Belle qui montre que Damso n'excelle pas dans le style afro, on reste très perplexe et on revient écouter BruxellesVie à fond.
Dans la famille déception, on peut aussi demander Peur d'être père, qui aurait pu être un vrai son à texte, introspectif mais s'apparente plutôt à une succession de murmures autotunés et de paroles d'une simplicité affligeante sur un sujet qui appelle pourtant la complexité. De même pour Dieux ne ment jamais qui rate une occasion de transmettre un message sur la spiritualité, même si le deuxième couplet est tout bonnement excellent et le son de bonne facture.



Je les porte dans mon coeur, ils me portent l'oeil. J'ai tué le game et j'ai fait le deuil



Cependant, ne jetons surtout pas le bébé avec l'eau du bain Ipséité est un album mieux écrit que Batterie Faible et surtout qu'une grande partie de ce qui marche dans le rap actuel. Damso accorde une très grande place à l'introspection et aux questions intérieures sur ses origines, sa vie, l'argent, le succès, les addictions, l'amour et le sexe (surtout l'amour et le sexe d'ailleurs, les allusions à ces sujets sont omniprésentes dans l'album et masquent parfois un peu le reste du message de Damso). On peut notamment citer Kietu, qui est une vraie réussite, c'est un morceau très bien écrit qui joue sur avec les mots et surtout sur avec l'aspect noir et mystérieux de Damso tout en restant ambiançant.



J'suis dans le mood de finir au Louvre parce que quand j'louvre je peins avec mes mots



Et il faut surtout parler Mosaïque solitaire qui se place aisément dans la catégorie des meilleurs sons de l'album. Pour plusieurs raison : pour le concept des trois flows différents qui sont tous plus réussis les uns que les autres avec chacun leur instrumental, pour le texte qui est de bonne facture et pour le simili refrain qui reste très facilement dans le tête.



Me sert pas la main, fais moi un #Vie, j'attends la mort comme en Gethsémani



Sans oublier Une âme pour deux qui a le mérite de provoquer un vrai malaise chez l'auditeur, preuve qu'il est marquant. Un de ces principaux intérêts est la présence d'une certaine harmonie imitative : pour une fois le propos de Damso est en accord parfait avec la forme : quand il est dit qu'il est ivre, son ton est exactement celui d'un type qui a trop bu en fin de soirée. En général, le mixage de la chanson est exceptionnel ce qui en fait un morceau unique notamment avec son concept, notamment vers la fin du morceau, qu'on peut trouver très étrange mais qui a le mérite d'être un délire total ou Damso a donné tout ce qu'il avait.

Milopolis
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le 6 juin 2017

Critique lue 616 fois

Milopolis

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