Je n'aime pas, et pour le DSBM encore plus particulièrement, m'intéresser à un nouveau groupe et directement me lancer dans le jeu de comparaison. À moins que ce dernier assume le pastiche, je considère comme une habitude dommageable le fait de toujours relier un groupe à d'autres, comme s'il ne pouvait qu'exister par mimétisme ou contradiction. Les styles introspectifs et pessimistes s'y prêtent encore moins, étant le lieu d'un déballage d'émotions subjectives, de traumatismes personnels et de psychés uniques. La musique malade de Bovary n'échappe pas à la règle et il serait indigne de la juxtaposer stérilement à d'autres noms de la scène.


À l'occasion de la réédition de la marquante première démo du groupe par Sanit Mils Records, il me paraît intéressant de revenir sur "Mes racines dans le désert", parue originalement en mars 2018, à l'époque où Bovary était encore un groupe composé de 3 femmes désœuvrées qui ont pris les instruments comme d'autres prendraient les armes. Si le line-up a aujourd'hui bien évolué - deux autres femmes étant passées derrière le micro et à la basse pour finalement être remplacées par Bastien et Étrange Garçon - j'avoue porter un intérêt particulier aux fondements du groupe et à cette démo qui s'affranchit de beaucoup pour offrir encore plus.


Constituée de 5 morceaux, la démo chemine sur cette ligne de crête entre médiévisme rance rappelant clairement la tradition française de metal noir et spleen dépressif, aussi âpre qu'éclatant et tout autant fataliste qu'hargneux. Mais dans ce tumulte spontané et tourmenté, émergent régulièrement des moments de grâce. C'est le cas de cette enivrante intro acoustique sur "Mes racines dans le désert", évoluant entre énergie romantique surannée et amertume moderne dans sa seconde moitié. Le groupe reproduit le même schéma sur "Je ne serai plus là pour l'attendre" où, à une longue phase acoustique mélancolique, succède un refrain saturé à l'intensité confondante, assurément une des clés de voûte du disque. Ou encore dans le plus classique, mais tout aussi lancinant "Automne", divagation douloureuse qui s'étiole sur un discours de Gwen (section rythmique) enregistré dans une soirée et capturant toute l'authenticité brute du projet.


Mais au-delà des compositions, Bovary dit quelque chose sur son genre et sur sa façon de délivrer la musique. Il y a naturellement quelque chose de pathétique dans le DSBM avec cette démonstration impudique de sentiments aigres et adolescents, mais c'est justement dans cette petite fenêtre de cruauté (au sens littéral) que s'exprime une pureté musicale rare. Vous connaissez ce sentiment si vous avez écouté Silencer ou Gris : en poussant les potards de la souffrance martelée, on déterre une fragile beauté, souillée mais inconditionnelle.


Or, il y a quelque chose d'encore plus complexe avec le DSBM et je ne sais même pas si je vais parvenir à vous l'exposer correctement.
C'est la nature même de la dépression, de la névrose et de l'anxiété de s'affranchir de la logique, de la saine symétrie et en règle générale de l'ordre. Il y a une identité intrinsèquement chaotique dans la douleur qui confère à ce style toute sa nature suffocante et explosive, son identité bordélique.
Et, finalement, s'exprime dans ce désordre hétéroclite, une authenticité réelle, une pluralité touchante. Personne ne prétend faire plus que ce qu'il n'offre et le propos artistique s'en retrouve magnifié. Celui de quelques adolescentes désabusées et nostalgiques, celui de la douleur de l'exclusion, de la rage sourde et des tempêtes intérieures.
Mes hommages.


Raton
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le 6 oct. 2020

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